Chapitre 4

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Chapitre 4 :

Têtes de bois et Gueules de Cons.

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L'univers se soucie autant des classements qu'une brique de la dernière collection été-automne Gucci.

Prenons quelques exemples.

Chaque fois que, poussée par des siècles d'oppression patriarcales et des milliards dépensés en publicité, Brook, cette modeste lycéenne de seconde au lycée Smoosh de l'état de Pennsylvanie aux Etats-Unis, regarde avec une pointe d'envie les magnifiques cheveux de Vanessa, cette sublime fille d'un an de plus qu'elle qui drague éperdument son professeur remplaçant d'anglais et vient de refuser de sortir avec Dick (le plus beau garçon de la ville) et se dit qu'elle, ses cheveux ternes et ses quinze kilos en trop, ne pourrons jamais viser aussi haut en matière de garçons que ladite Brenda, elle se trompe.

Chaque fois que Dick compare en rageant ses abdos à ceux du professeur d'anglais et se console de son râteau en se disant que lui au moins, il a des abdos et que de toute manière c'est parce qu'il était dans la friendzone, que les filles sont toutes des connasses qui ne sortent qu'avec des connards et pas des nice guys et que de toute manière (« et que de toute manière » est un tic de langage fréquent chez Dick) il vaut largement mieux que tout le monde dans ce trou à rats, il se trompe.

Lorsqu'il pleure la nuit dans son lit en pensant qu'il doit arrêter de se mentir et qu'il ne pourra jamais atteindre le niveau du professeur d'anglais parce qu'il est trop bête, il se trompe.

Lorsque -via un concours de circonstances impliquant Dick en train de déverser son venin en plein cours de maths, Brook ayant découvert les bienfaits du féminisme et de l'estime de soi lui disant de la fermer et que les femmes ne lui doivent pas de l'amour parce qu'il est gentil avec elles, Dick se mettant à réfléchir et mettant le doigt sur le bon sens, eux deux devenant très bons amis, dépassant mutuellement leurs préjugés et leurs béguins du moment puis s'embrassant après une histoire assez compliqué impliquant un lama, un concours de talent et Vanessa, devenant un couple, faisant le tour du monde à pied puis s'installant dans un petit appartement à New York pendant quelques années avant de déménager à Santiago- Dick et Brook se disent, en voyant le test de grossesse positif de celle-ci, qu'ils sont les gens les plus heureux et chanceux du monde, ils se trompent.

Il n'y pas de classement de la chance, de la beauté ou du bonheur. L'univers n'observe pas les gens dans tous leurs aspects pour les ranger dans les petites cases plus ou moins avantageuses du karma. La compétition n'existe pas. Le rang non plus.

Chacun des habitants de la poche intersidérale sont laissés à eux-mêmes dans un monde où leurs talents naturels, leurs réussites, leurs défaites, sont à peu près aussi importants que la Journée Mondiale du Rangement du Bureau.

Somme toute, il ne sert à rien de classer les différents instants de nos vies, les personnes qui la peuplent ou l'état de notre ventre dans une quelconque échelle de positivité ou de négativité. Chaque sourire, chaque chevelure, chaque petit résidus d'étoiles s'étant assemblés des milliards d'années de cela pour former aujourd'hui une personne ou une fraction de seconde est unique et ne pourra jamais être comparé.

Harry se foutait complétement des étoiles et de la philosophie.

C'est pourquoi, au tendre âge de six ans, il avait établi un classement des dix instants les plus étranges de son existence, classement qu'il actualisait régulièrement.

Ce n'était qu'il considérait sa vie comme particulièrement bizarre ou incongrue. Le fait qu'au regard extérieur elle paraisse ainsi ne l'avait jamais frappé. Pour lui, tout avait toujours semblé relativement normal.

La Saga des SovranoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant