Fin du voyage

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Tout d'abord, désolé de cette longue période sans publication. Je vais essayer de reprendre un certain rythme dans la mesure du possible. J'ai beaucoup hésité à publier ce petit chapitre sans prétention. Il ne contient pas vos personnages préférés et je sais que certains lecteurs/trices s'impatientent d'arriver à certains passages mémorables. Mais je trouvais qu'il avait sa place dans l'histoire. Il continue de vous apporter les différents points de vues non abordés par J. Austen. Bonne lecture et j'espère à très vite.
Dorothée
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Maria

Ce voyage a décidément été source de découvertes et d'enrichissements. J'imagine déjà Mère me questionner à notre retour sur la bonne installation de sa chère fille aînée et de son épanouissement.

À cela je n'aurai guère plus de choses à lui raconter que ce qu'en dira notre père avec bien mieux d'éloquence que moi ! Charlotte, selon les espérances de Mère, dispose à présent de la vie confortable qu'elle avait toujours rêvé. Une vie de maîtresse de maison avec déjà deux domestiques alors qu'elle n'a point encore d'enfants.

Je craignais énormément de demeurer ces longues semaines auprès de cet homme qui est maintenant devenu mon frère. Je dois avouer que même si ses yeux parfois se perdent encore dans l'un ou l'autre décolleté, il est bien moins effrayant que me l'avait narré Kitty. Ce fait est probablement dû à son nouveau statut d'homme marié. Mr Collins semble respecter ma sœur et lui porter grand intérêt. Qu'il en soit ainsi et les choses n'en seront que plus tolérables !

J'ignore comment Charlotte peut supporter quotidiennement un tel phénomène mais il faut avouer que nous sommes toutes deux bien opposées. D'elle ou de son amie, c'est étonnamment d'Eliza que je me sens dorénavant la plus proche. Je ne connaissais d'elle que la voisine qui venait régulièrement nous visiter à Lucas Lodge. Elle a toujours eu le don de se faire apprécier de bon nombre de personnes. Sa culture est fournie et, lors du trajet, j'ai découvert en elle un modèle de femme indépendante et inspirante.

Il faut dire qu'Elisa a osé refuser d'épouser l'homme qui aurait écarté à tout jamais sa famille des soucis financiers dont elle est accablée. Ce qui d'ailleurs, a causé bien des tracas dans le voisinage et mis à mal la bonne entente entre nos deux familles lorsque ma sœur, elle, l'a épousé.

Je suis d'autant plus surprise qu'Eliza ait accepté l'invitation de ma sœur à séjourner sous le toit qui aurait été le sien si elle l'avait accepté. Il faut savoir faire preuve de détermination... ou d'un bon sens de l'humour.

Je vois bien que, pour rien au monde, elle ne regrette sa décision et même qu'elle s'en amuse. Cela me fait du bien qu'elle soit présente sinon mon séjour aurait été bien ennuyeux, seule entre Mr Collins, notre père et ma sœur.

Nous avons eu la visite impromptue de Miss de Bourgh. Charlotte s'est empressée de l'inviter pour le thé afin de nous présenter. Visiblement, elle avait déjà longuement parlé de nous. Je ne comprends pas qu'une femme du même âge que ma sœur ait besoin d'une dame de compagnie pour la moindre de ses activités.

Elisabeth et cette Miss Anne ont vite sympathisé. Moi je suis restée en retrait. Je ne savais comment aborder une dame de sa condition, si timide et étrange en même temps. Le regard fuyant, elle semblait passer de longs instants à contempler les ombres que faisaient les arbres sur la nappe toute blanche.

Eliza, elle, a vite trouvé des sujets de conversation qui lui plaisaient. Elles ont papoté de nature et d'oiseaux. Dans ses yeux, je découvrais alors la vie s'animer un court moment jusqu'à ce que le sujet s'épuise et qu'on en cherche un autre. C'est la dame qui l'accompagnait qui mît fin à cet entretien, effaçant sur le coup toute vitalité à son corps qui donnait l'impression de se replier sur elle-même, telle un pissenlit lorsque le ciel se refroidit.

Puis nous fûmes invités à Rosings. Cela faisait des jours que Mr Collins l'attendait et il a accueilli la nouvelle avec un enthousiasme aussi grand que s'il s'agissait d'une invitation royale ! La servilité de cet homme est des plus ridicules. Mais son obséquiosité permanente pour sa bienfaitrice avait créé en moi une angoisse naissante à l'idée de la rencontrer. Il faut avouer que le domaine est imposant et des plus lugubres, à l'image de sa maîtresse, une vielle dame aigrie, impitoyable avec les autres et centrée sur sa propre personne. Tout en elle m'effrayait.

Heureusement qu'Eliza était également là, à occulter ma gêne et ma timidité. Elle fut le centre d'intérêt de notre hôte, la cible de ses remarques acerbes, réduisant par la même ma présence à celle d'un gentil animal de compagnie. Là encore, j'en admirais que plus sa bravoure. Jamais elle ne s'est montrée perturbée face à son ennemie, contrairement à ma sœur qui courbait l'échine en signe de soumission.

Mon père et moi sommes repartis deux jours plus tard, laissant Elisabeth auprès de Charlotte dans ce Kent verdoyant. Je ne demandais pas mieux d'éviter de croiser un certain Mr Darcy qui allait séjourner à Rosings. Je me souviens que Père l'avait invité avec d'autres nantis à Lucas Lodge, il y a de cela des mois. Cet homme est si peu aimable et sa réputation à Meryton est des plus défavorable.

L'ambiance dans la calèche fut bien plus lassante qu'à l'aller car je demeurais seule avec Père, rassuré de laisser dans une coquette maison, sa fille adorée dans les bras d'un mari attentionné et d'une voisine peu commune.

Moi, la tête pleine de souvenirs, je repensais à tout cela, aux jolies promenades, aux grandes conversations, aux nuits auprès de Charlotte. Je n'ai pas bien compris pourquoi elle a tenu à ce que je partage son lit, j'aurais très bien pu dormir avec Eliza et laisser Mr Collins profiter de la chambre conjugale, d'autant que ma sœur était indisposée chaque matin.
Je vais en avoir des choses à raconter à Kitty! Elle m'a tant manqué...

Orgueil & TentationsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant