Caroline
Jamais je n'ai vu Charles se fâcher et j'avoue que cela m'a quelque peu froissé, d'autant qu'il l'a fait devant témoin. Voir cet homme, ce garde forestier aux allures de sauvage, se délecter de me voir à moitié nue me répugnait.
J'avoue que l'idée d'attendre Darcy dans ce lieu et dans cette tenue comportait des lacunes mais j'avais improvisé, surprise par l'ampleur des averses et le temps qui défilait sans voir âme qui vive me rejoindre. J'avais pourtant échafaudé l'explication de mon manque de décence par le fait que mes vêtements étaient trempés et avaient besoin d'être séchés. Mais je n'avais pas prévu que l'homme qui me surprendrait ne ressemblerait en rien au gentlemen que j'espérais.
Charles a été bien plus perspicace que je ne l'en aurait cru capable et j'avoue être vexée qu'il ait si facilement cerné mes arrières-pensées. Me voir réprimander par mon frère, cadet de quelques années, m'a profondément vexé. Et je dus rester dans ma chambre toute la soirée pour me faire un peu oublier et surtout ne pas risquer qu'il ternisse mon image devant ses invités.
Je suppose que c'est cette mijaurée qui est venue se plaindre auprès de mon frère et que Darcy en a prit son parti. Ah, elle avait piètre allure, avec sa robe en guenille et la boue sur le visage ! Elle faisait bien moins la fière !
Mais à voir le pimpant Darcy lui venir en aide m'a fait douter de ma stratégie. Peut-être aurait-il fallu que ce soit moi qui chute et alors j'aurai feins de pâmer pour qu'il me porte. Décidément cette pimbêche est bien plus dangereuse qu'elle n'en a l'air et s'immisce de plus en plus entre moi et ma cible.Aujourd'hui, j'ai failli perdre mon avantage et tous les efforts que ces dernières années m'ont demandé. Mais si cette offensive s'est clôturée par un échec, je n'abandonne pas moins les armes car tout espoir n'est pas perdu !
Grâce à Charles, je sais que Darcy pense à regagner Londres et donc quitter cette campagne maussade. Deux grands yeux aguicheurs ne le distrayant visiblement plus suffisamment. Dans quelques jours, je partirais moi aussi à la capitale, loin du Hertfordshire et pourrais revoir ma stratégie bien plus posément.
Mais d'ici là, il me faut rester sage et me montrer douce et accommodante. Ce bal que Charles veut donner sera donc opportun et me servira de prétexte pour arborer l'image d'une maîtresse de maison exemplaire digne d'un domaine bien plus imposant. Il me faudra, certes, supporter ces horribles voisins et tous ces officiers mais, entourée de tels convives, je n'en paraîtrais que plus distinguée.
J'ai reçu ce matin une lettre provenant de Grosvenor Square. Rien de suspect en soi car si l'adresse de l'expéditeur est celle de ma si chère amie Victoria, la main de celui qui l'écrit est par contre celle de son mari James, mon meilleur amant. Il a pris la plume pour m'informer que sa chère moitié était partie prendre les eaux à Bath et qu'il se morfondait seul à Londres. Sa missive était succincte mais suggérait bien plus, lorsque l'on connaît, comme moi, son éloquence et sa vivacité.
Il me tarde de le rejoindre, ce séjour ici a duré bien trop longtemps. Oh, retrouver ses bras et davantage ainsi que nos jeux luxurieux. Notre complicité à tous égards me manque énormément.
James est mon âme sœur, nous sommes si similaires, tant par notre lubricité que nos ambitions. S'il avait été duc ou lord, il aurait fait, ma foi, un époux idéal. Mais lui, comme moi, provenons de semblable naissance et ne pouvons nous contenter de si peu. Nos rythmes de vie et goût pour les belles choses nous demandent donc de faire certains sacrifices.
Le constat est amer car je pensais que mon projet de devenir Mrs Darcy allait être un jeu d'enfant mais il s'est avéré bien plus complexe et me demande bien plus d'efforts que je ne l'imaginais. Mr Darcy est si austère et ne se laisse pas attraper si facilement.
Ma réussite n'en sera que plus glorieuse et je me vois déjà pavaner durant la saison au bras de l'ancien célibataire le plus couru d'Angleterre. Je pourrais alors être enfin acceptée dans les salons les plus en vue et y vanter notre si beau domaine. Darcy évidemment préféra rester à Pemberley pour ses affaires et cela ne sera que mieux. Je déteste la campagne où il n'y a rien à y faire et cette vaste demeure doit être si froide en hiver. Tandis qu'à Londres, je serais libre d'aller à L'Almack avec qui bon me semble et dévaliser les boutiques en compagnie de Louisa.
Au début, James n'approuvait pas mon idée mais je l'ai vite rassuré qu'en rien Darcy ne lui était supérieur, à part évidemment sa fortune. Mr Darcy n'est même pas titré, il est froid, morne et affiche en permanence un air dédaigneux.
Je n'ose trop imaginer ce que doit être la vie intime avec un tel partenaire ! Il doit certainement envisager l'acte de chair comme une obligation maritale et nécessaire à l'enfantement. Ce dernier détail me gêne car je n'ai guère envie de voir ma magnifique silhouette déformée par une grossesse. Je compte en arriver là que si Mr Darcy exige à tout prix un héritier.
En pensant erronément l'union bientôt conclue, j'avais insisté auprès de mon fidèle James d'en faire autant. Aussi avais-je présenté quelques connaissances que je m'étais faites au pensionnat, évidemment, les mieux dotées et les plus crédules.
Son choix judicieux se porta sur Miss Victoria Hutton, une puiné moyennement jolie mais foncièrement naïve. Elle est issue d'une famille titrée du centre de l'Angleterre et sa dote était de vingt milles livres. James ne mit guère de temps à la conquérir et juste un peu plus pour convaincre ses parents. En seulement trois mois, il était marié et installé intelligemment à Grosvenor Square, à seulement quelques pas de Darcy House.
J'avoue avoir eu un léger pincement au cœur de le voir sortir, sa nouvelle épouse à son bras et devoir les féliciter. Mais dès le lendemain, je retrouvais James comme avant dans le lit de sa garçonnière à me prouver avec passion et engouement vers qui allait sa préférence. Évidemment, je garde ma soi-disante amitié pour Victoria, elle m'offre l'excuse d'aller la visiter, avec ou sans sa présence. Pauvre nigaude qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez !
Je compte les jours qu'il me reste avant de retrouver enfin James. J'ai besoin de sentir ses mains, sa langue et le reste sur moi et en moi. Je sens d'avance que les désirs qu'ont éveillé cette lettre risquent de m'occuper une bonne partie de la nuit. Je suis aux anges d'avoir emporté avec moi le coffret qu'il m'a offert avant que je parte ici. Cela m'a permis de trouver mes nuits solitaires bien moins mornes.
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Orgueil & Tentations
Hayran KurguCeci est une fanfiction que j'ai voulu particulière. Elle retrace les réflexions les plus intimes des personnages bien connus d'Orgueil et Préjugés tout en veillant à garder leurs caractères et le contexte de l'histoire originelle. Attention aux pr...