Elisabeth
Cela devait faire une demi heure que ma tante nous avait informé que nous roulions sur les terres de la famille Darcy et je ne voyais à l'horizon toujours aucune propriété. Que de vastes prairies et des champs prospères. « Me ferait-elle marcher ?», avais-je pensé.
Je me souvenais qu'au bal de Meryton, le bruit courait que Mr Darcy était propriétaire de la moitié du Derbyshire mais j'ignorais que cette rumeur était fondée ! Tant de choses ont été dites sur lui, et je suis la première à me le reprocher.
Nous atteignîmes ensuite l'orée d'une forêt dont une énorme grille joliment ornée nous annonçait que nous étions bientôt arrivés à destination, du moins c'est ce que je croyais. Plus nous avancions, plus je sentais mon ventre se serrer et, après la forêt, toujours pas d'habitation dans mon champ de vision.
Nous traversâmes un pont de pierre qui enjambait une jolie rivière qui serpentait au gré des buissons. Puis une allée bordée d'arbres centenaires qui devait exister depuis de nombreuses générations.
C'est enfin que je la vis, entouré d'un parc somptueux et soigné, la propriété des Darcy! Mon oncle avait arrêté la calèche, voulant profiter du panorama, je me suis spontanément levée sans trop comprendre pourquoi. Ce que nous avions sous les yeux était bien loin de tout ce que j'aurai pu imaginer. Ce n'était point une petite propriété mais bien un château majestueux, un monument digne d'une royauté!
Mon serrement me reprit avec le souvenir de l'homme que j'avais éconduit. Espérant secrètement ne pas le rencontrer. Une femme plus âgée nous accueillit en haut des marches de l'imposant perron. J'essayais de reprendre mes esprits en observant le blason gravé sur le fronton en pierre du pays. Fleurs de lys et Lion surmonté d'un emblème en français: « Le cœur doit conduire l'esprit » en lettres dorées.
L'émotion fut encore plus grande en pénétrant dans le grand hall de réception. Un sol en damier de marbre, un escalier à double circonvolution. Tout y est si beau et si grand, élégant sans être imposant, luxueux et pourtant si harmonieux.
La personne qui nous servit de guide nous fit la visite du musée, retraçant avec beaucoup de dignité l'histoire de la famille qui l'employait. Nous découvrîmes avec étonnement que les Darcy étaient, depuis fort longtemps, des gens très influents. Ils servaient notre pays avec dévouement malgré leur sang normand.
Je me mémorais alors, non sans regret, la fierté de l'homme que j'avais côtoyé. Avec de telles racines et un tel héritage il ne peut en être autrement. À présent, je comprends le poids de ses responsabilités et de sa fonction dans la société.
Mrs Reynolds, la femme de charges, continua la visite vers une salle à manger. Je profitais de la vue que m'offraient les nombreuses baies sur le coté. Le paysage était superbe peu importe d'où on regardait. Cette nature subtilement domptée avait pour moi beaucoup d'attraits.
Je ne pouvais m'empêcher de penser que si je l'avais voulu, ce domaine serait devenu mien et familier. J'aurai été la châtelaine de toutes ces beautés. Et j'aurai probablement dû également renoncer à y inviter les Gardinier, on ne me l'aurait jamais autorisé!
Nous entrâmes dans une galerie où étaient exposés sculptures, gravures et portraits. Ma tante, qui ne cessait de m'observer, me montra une miniature disposée en retrait, voulant sûrement m'apporter un peu de gaité. Ma réaction à la vue de l'effigie de George sembla étonnamment la soulager.
Mais ce par quoi mes yeux était attirés depuis que j'étais entrée dans cette salle était un tableau en taille réelle du propriétaire de ce palais. On confirma à mon oncle qu'il n'était point en ces lieux et je m'en portais que mieux, je dois l'avouer.
Voyant où mon regard se portait, ma tante me demanda s'il était ressemblant. La dame qui nous guidait me montra du respect en apprenant que je le connaissais. Je me sentis rougir involontairement lorsque je lui répondis énergiquement à sa question sur la beauté de l'homme en question.
Et alors que j'entendais avec ébahissement tout le bien que pensait l'employé de son maître, énumérant ses nombreuses qualités, je ne pouvais m'empêcher de songer comment aurait été la vie à ses côtés.
Elle le dépeignait comme réservé, à cela je ne peux le nier. Puis elle continua son plaidoyer, le qualifiant de juste et généreux avec les nécessiteux. Bon avec ses domestiques comme avec ses métayers. Aimant auprès de sa sœur à qui il venait d'offrir un magnifique piano à queue.
Ma tante s'approcha de moi afin de connaître mon avis sur tout ce qui venait d'être dit, je ne pus que lamentablement lui avouer que nous avions probablement été trompés.
Vers la fin de la promenade, je revins spontanément vers l'un des portraits qui semblait m'appeler. C'était comme si ces yeux fait d'huile et de pigments me fixaient intensément. Les éloges peu ordinaires qui avaient été prodiguées s'insinuaient lentement en moi et je songeais à tout le bien qu'un tel homme pouvait apporter en tant que frère, maître et propriétaire.
Jamais je n'avais senti autant de gratitude envers celui qui avait osé si ardemment m'avouer ses sentiments que j'en oubliais ce qui m'avais vexé.

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Orgueil & Tentations
Fiksi PenggemarCeci est une fanfiction que j'ai voulu particulière. Elle retrace les réflexions les plus intimes des personnages bien connus d'Orgueil et Préjugés tout en veillant à garder leurs caractères et le contexte de l'histoire originelle. Attention aux pr...