Caroline
Ma colère ne désemplit pas depuis des jours et j'ignore si elle retombera. Louisa essaye tant bien que mal de me calmer mais je ne supporte plus ses bons sentiments de sœur compatissante. Elle a ce qu'elle voulait, un mari, un nom et la liberté, elle ne peut me comprendre. Moi, mes ambitions ont toujours été bien plus grandes.
Pourtant cela avait si bien commencé. Darcy avait réussi à emmener mon frère bien loin de cette triste campagne et ses habitants. Le maître de Pemberley avait lui aussi remarqué combien la fréquentation de certains, et je pense en particulier à la famille Bennet, pouvait être désespérante. Charles s'attachait bien trop ouvertement à Jane. Certes, elle était de loin la plus charmante de ces lieux mais j'ai pour mon frère des projets bien plus avantageux.
Darcy, en retournant à Londres, démontrait également son réel désintérêt pour celle que j'ai cru un instant dangereuse à l'exécution de mon plan. Je reçus au bout de deux jours un message de Charles me réclamant auprès de lui. Cela me donnait l'excuse de m'enfuir de cet endroit en compagnie de ma sœur et son mari et rejoindre James qui devait m'attendre impatiemment. Tout était parfait.
J'ai donc écris une lettre qui se voulut des plus affectueuses à l'attention de l'aînée des Bennet afin de l'informer de notre départ imminent et du peu de chance que nous revenions prochainement. Je laissais également innocemment sous-entendre que Charles aurait la compagnie de Miss Darcy, laquelle nous espérions très bientôt appeler sœur.
De cela, c'était vrai en partie. Hors le fait qu'elle soit la sœur de Darcy et donc évidemment proche de mon but à atteindre, Georgiana est la meilleure alliance qu'on puisse envisager pour Charles. Elle est assez jolie et très distinguée, blonde comme il les aime. Mais surtout la petite est encore à l'âge de la naïveté perméable et aux rêves amoureux naissants. Elle dispose assurément d'une dote avec un chiffre impressionnant ainsi que de la noble famille. Je vais donc continuer à m'en faire ma plus fidèle amie jusqu'à ce qu'elle devienne ma sœur par mariage.
Mais à peine arrivée à Londres, commença ma désillusion. Mon frère semblait avoir été informé de faits me concernant. Si je pouvais attraper celui qui m'a dénoncé, je n'en ferai qu'une bouchée ! Charles n'a même pas voulu entendre ma version des faits et m'a prié de regagner ma chambre.
Depuis, je suis séquestrée ici, dans la maison familiale sans pouvoir sortir ou voir qui bon me semble. C'est inimaginable ! J'ai réussi à soudoyer une servante et lui demander de faire passer un billet à la garçonnière de James. Le pauvre, je l'imaginais empressé de me voir et de me prendre.
Mais la godiche m'a annoncé plus tard que le billet est revenu sans réponse et qu'aucun homme de ce nom n'habitait à cette adresse. Est-ce que Charles aurait intercepté le message ou aurait donné des ordres à la domesticité pour qu'elle n'accède pas à mes souhaits?
Il me fallut patienter une semaine encore pour que Charles daigne me laisser sortir de ma geôle et me rendre au parc escorté par Louisa. Ce n'était bien sûr pas exactement ce que je voulais mais j'espérais ma sœur plus clémente. Elle ne le fut pas. Quelle ingrate, celle-là !
C'est alors que, de loin, je perçus deux silhouettes nettement reconnaissables et me figeai. Louisa sentit ma réaction, suivit mon regard et fit mine de changer de direction mais il était trop tard. Le couple avançait déjà et la femme me héla avec enthousiasme.
James. James et sa femme Victoria, resplendissante et au sourire solidement accroché à son visage. Lui semblait un peu plus effacé, ce qui en rien ne lui ressemble. Il dévia son regard du mien comme si celui-ci le brûlait. Qu'était-ce donc que ces simagrées ? Jamais il n'avait laissé paraître pareille gêne de me voir en société, au contraire c'était là un jeu auquel nous excellions tous deux.
Après les salutations d'usage auxquelles je me pliais, Victoria enjouée nous annonça sans préambule qu'elle attendait famille et qu'ils en étaient tous deux enchantés. De cela, un jour ou l'autre, je devais m'y attendre bien que James m'avait promis de ne point trop s'y atteler. La nouvelle ne fut pas plaisante à entendre mais je me devais de montrer un certain ravissement des plus forcés.
Mais la chose qui me poignarda le cœur c'est le regard tendre qu'ils s'échangèrent alors qu'il la serrait un peu plus à la taille, montrant là ouvertement plus d'affection envers sa femme qu'il n'avait pu exprimer par le passé. Ma tête tournait et je me sentais défaillir mais je ne pouvais montrer une telle faiblesse en société et dévoiler ouvertement combien l'annonce m'affectait.
Depuis je me morfonds comme jamais. Je commence doucement à comprendre que je vais devoir désormais me passer de James, qu'il ne m'appartient plus, qu'il a refait sa vie et que je n'en fais visiblement plus partie.
Ma colère envers Louisa reste vivace. Elle a troqué mon intérêt pour elle pour celui de notre frère. La garce ! Elle a retourné sa veste si vite qu'elle pourrait amèrement le regretter !
J'ai aussi perdu l'estime de mon frère et il va falloir du temps et bien de la patience pour la reconquérir car il semble profondément buté sur le sujet. Il n'a plus jamais reçu Darcy ici, j'ignore si c'est de son fait. J'espère que ce ne provient pas du maître de Pemberley en personne. Cela compliquerait bien des choses. Peut-être Charles veut-il préserver mon honneur en l'écartant des ragots qui pourraient me concerner ?
Je me ressaisis parfois en me disant que je dois rester persévérante, me montrer repentante le temps que tout cela passe et que je puisse retrouver la place qui me revient. Mon but reste le même, il y a juste eu un contretemps.
Seule dans ma chambre à m'ennuyer, je repense alors à un certain Pierre de Ronsard que je ne connais pas mais qui a écrit ces quelques vers que j'ai découverts récemment.
Je te salue, Ô merveillette fente,
Qui vivement entre ces flancs reluis;
Je te salue, Ô bienheureux pertuis,
Qui rend ma vie heureusement contente!
C'est toi qui fais que plus ne me tourmente
L'archer volant qui causait mes ennuis;
T'ayant tenu seulement quatre nuits
Je sens sa force en moi déjà plus lente.
Ô petit trou, trou mignard, trou velu,
D'un poil folet mollement crespelu,
Qui à ton gré domptes les plus rebelles:
Tous vers galans devraient, pour t'honorer,
A beaux genoux te venir adorer,
Tenant au poing leurs flambantes chandelles!**Pierre de Ronsard (1570)
Photographie de Richard Jenkins
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Orgueil & Tentations
FanfictionCeci est une fanfiction que j'ai voulu particulière. Elle retrace les réflexions les plus intimes des personnages bien connus d'Orgueil et Préjugés tout en veillant à garder leurs caractères et le contexte de l'histoire originelle. Attention aux pr...