Orgueil & Tentations

Solitude

Kitty

Que la vie peut être changeante. Un jour, tout me sourit, un autre je déchante.

Je suis de plus en plus lassée de ma sœur Lydia et de toutes ses lubies. Plus je fréquente Maria Lucas, plus ma jeune sœur me déconcerte et me fatigue. Je peux comprendre qu'elle voie d'un œil mauvais ma bonne entente avec notre voisine mais elle ne fait rien pour se montrer plus accommodante ou plus gentille. Je sais que ce n'est pas correct de comparer une sœur avec une amie mais l'une s'impose à moi alors que la seconde, je l'ai choisie.

Le froid de l'hiver a éloigné le régiment quelques temps ainsi que les sorties mais voila qu'avec le printemps qui pointe le bout de son nez, tout recommence comme avant. Lydia se prend maintenant à m'être agréable juste pour que je l'accompagne lors de toutes ses escapades.

Mais je ne suis pas un animal de compagnie, que l'on sort lorsqu'on a envie. J'ai compris depuis un moment ce qui nous différencie : elle aime plaire aux hommes alors que moi ils m'ennuient. Je n'ai pour eux aucune attirance et même pire, ils peuvent parfois me rebuter.

De cela je n'en ai jamais rien dit, à part à Maria, ma confidente qui semble partager mon avis. Lydia, tout comme mère, ne pourraient pas comprendre et elles me lyncheraient si elles venaient à l'apprendre. Quoi? Une Bennet qui n'a point envie de se marier? Quelle folie ! Je les entends déjà crier à tue-tête me prenant pour une idiote ou une bigote. Je suis sûre que Mary partagerait mon opinion mais personne ne lui a jamais prêté attention.

Alors, je ne dis rien et supporte tant bien que mal mon destin. Car avec le retour de la belle Jane, la fille que tout le monde envie, je me sens encore plus insignifiante dans cette fratrie. Ma sœur aînée prétend que tout va bien même si elle est revenue de Londres aussi célibataire que lorsqu'elle y était partie, au grand désarrois de notre mère et de notre tranquillité, il faut bien l'avouer ! Je crois, par contre, que le désappointement de Jane semble enchanter Lydia, même si je ne comprends pas pourquoi.

L'arrivée de Jane a été précédée de peu par le départ de Lizzie pour le Kent afin d'y rejoindre Charlotte comme convenu. Cela en soi aurait pu me laisser indifférente si ce n'est que Lizzie n'est point partie seule mais en compagnie de Sir Lucas et sa fille Maria, ma tendre amie.

Me voilà donc contrainte de supporter l'absence de celle qui, au fil des mois, m'est devenue si proche. Maria est celle qui me comprend le mieux, me connaît le mieux, sans jamais me juger ou se moquer. Et son absence provoque en moi un vide inédit. Un manque d'elle.

Ce sentiment bien caché est lourd à porter et je n'ai personne dans la maisonnée à qui me confier. Est-ce toujours de l'amitié? Une fille peut-elle préférer la compagnie d'une autre plutôt que du sexe opposé?

Heureusement, la famille Lucas m'a toujours appréciée et ne voyait pas d'un mauvais œil mes fréquentes visites. Aussi nous en avons profité, Maria et moi, pour nous rapprocher toujours un peu plus. Toujours un peu plus près.

Le baiser pour rire est devenu volontaire, d'abord par simple curiosité. Puis, petit a petit, nous nous sommes rapprochées. Là un frôlement, là un fou-rire qui finissait par des œillades de plus en plus appuyées.

Progressivement, entre nous la gêne a disparu. Nous nous prenions la main lorsque personne n'était en vue. Parfois elle osait même poser la sienne sur mon genou sous la nappe alors que nous prenions le thé avec des invités. Il s'en est fallu de peu que nous soyons démasquées par un de ses petits frères un peu trop indiscret. C'était un jeu risqué mais tellement savoureux !