Le secret

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Mrs Gardinier

Voilà, c'est enfin terminé ! Je ne suis pas mécontente que la cérémonie se soit relativement bien passée dans les conditions que l'on connait. Ce n'est pas très chrétien mais je dois avouer que je n'aurai pu supporter cette petite effrontée une journée de plus à mes côtés !

J'ai d'abord été abasourdie lorsque nous avons pris connaissance du contenu de la lettre de Jane. J'avais senti que Whickam n'était plus dans les bonnes grâces d'Elisabeth mais j'ignorai qu'il pouvait être aussi abjecte.

C'est en toute hâte que nous avions quitté Lambton, Lizzie ne pipa mot, rendant le trajet bien monotone. A notre arrivée, nous trouvâmes Longbourn en plein émoi. Comme ce n'était point une ambiance appropriée pour nos enfants, je suis retournée avec eux à Londres auprès de mon époux qui m'avait précédé de quelques journées.

Je découvris qu'il accueillait chez nous un noble visiteur que je croyais resté dans sa belle propriété, Mr Darcy de Pemberley! Cet homme fortuné, à la stature imposante et l'intelligence acérée se trouvait dans notre modeste salon, à prendre le thé. Voilà une image à laquelle je ne m'étais pas préparée.

Mais je compris bien vite que sa visite n'avais rien de courtoisie et qu'il devait s'entretenir d'affaires privées avec mon mari. Comme nous n'avons rien à nous cacher, mon cher et tendre m'informa de ce qu'ils avaient tous deux déjà entrepris concernant un certain couple illégitime.

Ainsi donc Mr Darcy avait quitté le Derbyshire immédiatement après nous pour aller à la recherche d'une de mes nièces dans le grand Londres ? Voilà qui en dévoilait bien plus que ce qu'il ne disait.

À Lambton, alors que mon mari et moi sommes retournés précipitamment à l'auberge, en compagnie du domestique qui était venu nous chercher, il m'avait semblé apercevoir au loin sa silhouette caractéristique. Puis Elisabeth, entre deux sanglots, m'avait annoncé qu'il n'était pas nécessaire de prévenir Pemberley de notre départ. Et enfin il y avait ce paquet enrubanné que j'ai trouvé sur la table basse avec juste un nom, celui d'Elisabeth, écrit avec élégance. Je l'ai glissé dans sa manne avant de partir et nous n'en avons plus parlé.

Mes soupçons étaient donc fondés ! Il y avait entre ces deux jeunes gens bien plus qu'ils n'osaient l'avouer. J'en était heureuse évidemment. Quelle alliance des plus inespérées pour ma nièce mais surtout quel compagnon précieux il sera pour elle. Il en est à ce point remarquable que, pour concrétiser leur union, il venait lui-même résoudre ce qui l'entravait, à savoir les conséquences de la stupidité de Lydia. Elisabeth devait se sentir bien fière de ce qu'était en train de faire son fiancé secret.

Le lendemain, Mr Darcy ramena comme convenu la nièce perdue et, avec beaucoup de tact, s'éclipsa immédiatement alors que Lydia criait comme un charretier qu'elle voulait retourner auprès de son « cher Whickam ».  Pauvre de moi, c'est à ce moment que tout se compliqua !

Elle ne calma sa bouderie que lorsqu'elle apprit, deux jours plus tard, qu'elle allait se marier. Mais rien ne l'agréait, ni sa robe, ni la date, ni le lieu. Elle exigeait que sa mère soit présente pour faire les boutiques, que la cérémonie ait lieu à Meryton pour que tous puissent les admirer et les jalouser !

Quelle culottée! N'avait elle même pas la présence d'esprit de comprendre qu'il vaut mieux ne rien ébruiter? Que plus tôt serait le mieux et combien elle avait fait du tort à toute sa famille?

Je n'ai jamais vu une demoiselle aussi déterminée, aussi égoïste et imbue d'elle même. Rien de mes réprimandes ni de mes tentatives de conciliations n'ont eu d'effet.

Je savais que son père la traitait parfois de sotte et je le trouvais injuste d'ainsi la nommer mais pour l'avoir hébergée quelques jours seulement chez nous je commence à comprendre ce qu'il devait endurer!

À la différence que Lydia est sa propre fille et non une nièce et que Mr Bennet en est en partie responsable de ce qu'elle est devenue. Mais j'aurai tendance à incriminer surtout sa mère, la sœur de mon époux, dont Lydia est la préférée. Comment en arriver là? Elle n'a aucune distinction, aucun goût, aucun scrupule, aucune morale et encore moins de politesse !

Enfin le jour du mariage arriva. Mr Gardinier avait réussi à trouver un pasteur et réservé un lieu de culte plutôt discret. Nous étions seuls tous les trois et je commençais à craindre que le futur marié se soit désisté, jusqu'à l'arrivée de Mr Darcy sérieux mais qui, d'un geste de la tête, apaisa d'emblée toutes nos contrariétés.

Ce Mr Wickham, que je découvrais alors pour la première fois, entra dans son uniforme rouge, indubitablement bel homme mais la mine plutôt ennuyée pour un homme qui s'apprête à concrétiser un mariage d'amour. Sa dégaine était légèrement traînante et il n'adressa pas même un regard à sa dulcinée.

C'est à ce moment que je pris conscience que ce n'était probablement point ce qu'il souhaitait en fomentant une telle échappée. Il était donc possible qu'il ait eu d'autres desseins, desseins qui ont pu être contrecarrés par notre inhérence à sa vie privée. Cette pensée m'attrista et, en regardant Lydia si radieuse en ce jour tant espéré, je m'interrogeai sur son bonheur et ce qu'il adviendrait.

La cérémonie fut suivie par une simple collation. Jamais, un repas de noce ne me parut si fade. Seule la jeune épousée affichait un visage enjoué, le marié quant à lui essayait de maintenir une contenance de façade. La compagnie de Mr Darcy relevait heureusement l'agrément et la conversation.

Les jeunes époux s'éclipsèrent bien vite pour prendre la route de Longbourn malgré nos objections. Ensuite, Mr Darcy nous salua à son tour en nous faisant promettre de garder le secret sur sa présence et sur ses faits. Cela n'enchantait guère mon compagnon mais nous ne pouvions décemment décevoir celui qui avait tant fait pour sauver notre famille et sa réputation. 

Deux jours plus tard arriva une lettre de Longbourn que j'attendais avec empressement. Je pensais que Lizzie nous annoncerait officiellement ses fiançailles et m'expliquerait enfin en détail ce que je pensais déjà savoir. Mais il n'en fut rien. Au lieu des réponses, ses mots étaient emplis d'interrogations. Elle me priait, me suppliait même, de lui expliquer ce qu'il s'était passé à Londres. Si Mr Darcy était présent au mariage comme le prétendait Lydia. Et si oui, quel en était la raison.

Ce qui pour moi était une évidence, semblait être une véritable épreuve pour ma chère Lizzie. Je pris la plume sans tarder et essayer avec mes mots les plus tendres de la rassurer en lui relatant toute la vérité.

Orgueil & TentationsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant