Pie, merle, mésange et colibris

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Désolé de ce loooong moment d'absence!
J'espère que ce chapitre vous plaira.

Anne

Depuis toujours j'ai un jeu que moi seule connais. Un jeu dans ma tête qui m'amuse et me distrait. J'attribue des noms d'oiseaux aux personnes que je connais.

Par exemple, pour moi, mère est une pie. Sa robe est noire et luisante avec une touche de blanc et de bleu. Elle est attirée par ce qui brille et n'hésite pas à en collecter pour son nid. Elle aime prendre de la hauteur, aussi haut que les peupliers au fond du parc. Elle veut tout observer. Et lorsqu'un intrus s'aventure dans son champ de vision, elle plonge dessus et l'effraie.
Mon livre m'a appris que la pie agasse, bavarde, cageole, cause, jacasse ou jase. Ce que je sais c'est qu'elle aime avoir raison et que rares sont les oiseaux qui osent la contredire.

Mon cousin Darcy, lui, est évidemment un grand duc. Silencieux, observateur, digne, imperturbable, intelligent, mystérieux. Il est difficile de l'approcher et de l'étudier. Il m'effraie un peu.

Mr Collins, lorsque je l'ai vu la première fois, m'a fait pensé à une corneille avec robe parfaitement noire et sa façon de sautiller au sol. Mais la corneille noire craille ou graille, elle à un cri rauque et fort.

Depuis qu'il est marié, Mr Collins ressemble davantage à un petit merle, de ceux qui peuplent les jardins. Il est commun, peu débonnaire et pas particulièrement gracieux. Il crie peu mais siffle à l'occasion des flatteries répétitives. A présent qu'il a conquis une femelle, il s'attelle à son nid sans ménager ses efforts. Il s'affaire à fouiller les feuilles au sol afin de trouver le ver qui pourra lui plaire.

Mrs Collins, elle, est une mésange bleue. C'est un petit animal agile qui apprécie la présence d'autres oiseaux et peut même cohabiter avec des humains. Elle observe beaucoup son entourage et à l'œil affûté. Elle semble si pleine de vie qu'elle me donne envie de lui ressembler. Elle aime se retrouver en famille et, si elle est loin de la sienne, elle s'en crée une. Elle est sociale et grégaire. Elle est capable se s'adapter à n'importe quel milieu. Elle peut devenir sédentaire si elle trouve l'endroit adéquat pour y établir son nid car la mésange a souvent beaucoup d'oisillons.

Miss Elisabeth, du peu que j'ai découvert d'elle, m'a fait de suite penser à un colibri. Cet oiseau exotique rare et tout petit mais il est, paraît-il, si rapide qu'on ne peut l'attraper. Il est effronté et malin, vif d'esprit. Il n'a peur de rien, pas même d'une pie ou d'un grand duc ! Il a un plumage chamarré et un bec très affûté. Il est si beau qu'on a l'impression de rêver. Il ne laisse personne indifférent. Il me fascine grandement et je reste chanceuse d'avoir pu l'approcher. 

J'ai eu beaucoup de mal à choisir le spécimen qui correspond à mon cousin Richard. D'emblée, j'aurai pensé à un oiseau migrateur. Mais pour ma plus grande joie, il revient toujours sur les terres de Rosings peu importe la saison. C'est pourquoi j'ai opté pour un pigeon voyageur. De ceux, très précieux qui aident les militaires à porter les messages. De ceux qui connaissent par cœur les trajets qui le mènent à sa maison. Il n'a guère de plumes chatoyantes ni de chant mélodieux mais j'apprécie en lui sa fidélité et sa gentillesse qui me sont si précieuses.

Quant à moi, c'est en lisant un compte rendu d'une expédition qui a eu lieu  bien loin de l'Angleterre que j'ai trouvé mon oiseau. Il est peu connu et peu répandu. On ne le trouve que sur son île d'où il ne peut s'échapper. Il ne peut ni voler, ni courir, ni nager. Il est peu agile et il est si singulier qu'on ne peut le qualifier de joli. Je n'ai vu de lui que des gravures en noir et blanc et cela me qualifie grandement. C'est un dodo.

Un jour, j'ai entendu une douce musique qui faisait du bien à mes oreilles. D'ordinaire, il n'y a jamais de musique ici. Je me suis rendu dans la chambre au fond du long couloir de là où cela provenait, là où personne ne va jamais. Je pensais y trouver une elfe ou un farfadet. Mais c'était Mrs Collins qui jouait du piano. Je suis restée un moment près de la porte à l'écouter. Elle joue bien mieux que Miss Elisabeth mais avec un peu moins de passion. Mais le piano m'appelait et je n'ai pas résisté à m'approcher. Mrs Collins m'a vue et m'a souri. Elle m'a rappelé que mère avait un jour proposé de venir s'y exercer. Je trouve que cette fois là, mère a eu une très bonne idée !

J'ai mis mes deux mains sur le piano pour sentir toutes les vibrations qui en sortaient. C'était beau et fascinant. J'aurai aimé que cela n'arrête jamais. C'est ce jour là que Mrs Collins est devenue mon amie. Dorénavant je peux l'appeler Charlotte et j'en suis ravie.

Au fil de ses visites et celles que mère m'autorise à lui rendre, elle m'a appris plein de choses. Je suis capable à présent de jouer un peu de piano et comment me tenir en société. Elle me fait rire et j'ai osé lui dire ce que personne ne sait. C'est si gai d'avoir quelqu'un à qui se confier!

Elle a mon âge mais je me sens comme une petite fille à ses côtés. Alors je lui pose un tas de questions et jamais elle ne m'a réprimandé pour ma curiosité. J'aimerai tant lui ressembler!

Maintenant Charlotte a un bébé en elle et je vois combien cela la rend heureuse. Je me demande si cela me plairait. Jusqu'à présent je ne savais du mariage peu de chose : celui de mes parents, qui ne se parlaient guère et celui que je suis sensée avoir avec mon cousin Darcy. Jamais je n'avais imaginé qu'un mariage pouvait être agréable et encore moins porter un bébé. Alors cela me fait réfléchir à ce que moi je voudrais.

J'ai remarqué que ça me plait quand Richard vient à Rosings et il vient de plus en plus souvent. Il est gentil et c'est le seul qui s'intéresse vraiment à moi. On dirait qu'il ne me regarde plus comme une petite fille depuis que Charlotte m'a appris à mieux m'habiller, me tenir et me coiffer. Et j'aime ça! Si je pouvais choisir mon mari, je préférai que ce soit celui-là.

Orgueil & TentationsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant