Charles
Mon exaspération ne faisait que monter. Voilà des heures que Caroline était partie en promenade seule à cheval et maintenant la pluie tombait abondamment. Elle m'obligeait à quitter mes invités pour partir à sa recherche avec deux de mes hommes sous une pluie battante.
Bon sang, que vais-je pouvoir faire d'elle ? Ma sœur aurait-elle pour dessein de me mener à ma perte ? Elle devient totalement imprévisible !
Au début, le fait qu'elle s'imaginait devenir la maîtresse de Pemberley me faisait gentiment rire. Je la trouvais un peu candide et n'y prêtais pas attention. Je me disais qu'elle comprendrait un jour que la chose était vaine et finirait par remarquer que Darcy ne lui porterait jamais le moindre intérêt. Mais la sotte est plus butée qu'une mule ! Non seulement elle y croit toujours mais maintenant son entêtement devient dangereux pour tous ceux qui osent s'interposer à elle.
Mais pourquoi diable avoir fait atteler le cheval de Darcy ? Je ne comprends toujours pas. Il faudra également qu'elle s'explique sur ses mensonges et sur l'accident.
Pourquoi se borne-t-elle ainsi sur Miss Elisabeth ? Cette dernière n'a rien demandé et est juste venue à Netherfield pour soigner sa sœur. Caroline est-elle jalouse de la tendresse que les deux sœurs Bennet se vouent ? Est-ce que Miss Elisabeth, par sa simple présence, empêche Caroline de s'occuper de sa nouvelle amie Jane ? Je l'ignore. Les femmes ont parfois de ces réactions qui me dépassent complètement !
Caroline n'a pourtant rien à craindre de Miss Elisabeth. J'ai vu Darcy repousser des beautés bien plus dotées que cette dernière. Je n'ai vu de la part de mon ami aucun geste envers la demoiselle qui pourrait me faire penser qu'il lui trouve un quelconque intérêt. Il a d'ailleurs été clair sur ce qu'il en pensait dès le bal de Meryton ! Certes il dialogue un peu plus avec elle mais il faut avouer que Miss Elisabeth est cultivée et charmante, c'est un vrai plaisir de l'accueillir chez nous.
Je suis même attristé que mes sœurs ne trouvent aucune qualité à cette personne et n'en fasse pas une de leurs amies car mon récent rapprochement avec sa sœur Jane pourrait complexifier nos futures relations. Or j'ai toujours eu comme principe de ne jamais m'interposer entre les chamailleries des bonnes-femmes.
Mais aujourd'hui son comportement a été bien au-delà de ce qu'elle avait déjà pu faire.
J'ai cherché Caroline à travers bois, paniqué par ce que j'aurais pu trouver. Après tout, elle reste ma sœur, nous sommes du même sang. Mon père l'a confiée à moi sur son lit de mort et je ne peux me défaire de ma promesse. C'est en revenant bredouille par la route qui mène à Netherfield une bonne heure plus tard que je découvris son cheval attaché sommairement à un arbre. J'étais seul, mes hommes ayant pris un autre chemin.
Je mis pied à terre et me dirigeai quelques pas plus loin vers une cabane d'où sortait d'une petite fenêtre une lumière diaphane. J'entendis indistinctement des cris tonitruants, j'entrai et découvris un spectacle des plus consternants :
Ma sœur en partie dénudée, les cheveux en pagaille se querellait avec un homme dont je ne discernais de lui que le large dos dégoulinant de pluie.
– Puis-je savoir ce qu'il se passe ici ? Fis-je.
– M'sieur, je peux tout vous expliquer, s'empressa de justifier l'homme.Je reconnus le garde chasse qu'on m'avait présenté lors de la visite du domaine. C'est un homme un peu rustre mais un allié, paraît-il, très précieux lorsque, comme moi, on aime la chasse.
– Charles, ce n'est pas ce que vous croyez, cet homme est entré sans prévenir et...
– Caroline, taisez-vous ! M'entendis-je soupirer.Mon état d'esprit était confus car j'étais rassuré de la retrouver saine et sauve mais la découvrir à nouveau empêtrée dans une situation embarrassante deux fois dans la même journée état bien plus que tout ce que j'avais eu à gérer.
– M'sieur, je m'en venais dans mon chez-moi que j'tombe sur la d'moiselle là ! Elle était déjà ainsi, j'vous jure! J'l'ai point touchée !
Je regardai alors Caroline qui affichait une mine sévère et essayait de se rhabiller avec brusquerie. Elle n'essaya pas de démentir mais au lieu de cela me questionna :
– Charles, êtes-vous venu seul ?
– Bien heureusement ! Voudriez-vous que tout le monde vous découvre ainsi?
Je m'excusai du dérangement auprès du garde chasse et lui glissai dans la main deux couronnes afin de lui acheter son silence. Je ne pris pas la peine de lui demander de détourner les yeux, estimant que c'était tout ce que ma sœur méritait. Je la voyais pester face à l'homme qui se rinçait l'œil impunément.
Je tendis à ma sœur sa veste d'équitation trempée, qu'elle eut du mal à enfiler. Lorsqu'elle fut enfin présentable, je la pris par le bras et l'entraînai au dehors d'un geste irritable. La pluie se calmait mais pas mon mécontentement. Nous montâmes chacun en selle et je la questionnais, tout en avançant :
– Que vous a-t-il pris de partir seule à cheval alors que le temps se couvrait ?
– Je... n'ai plus retrouvé mon chemin.
– Sottise ! Regardez les lumières là-bas, le domaine n'est pas à deux miles, on le voit d'ici ! Et vous n'avez pas répondu à ma question, pourquoi êtes vous partie seule ?
– Je l'ignore, je pensais que...
– ...que Mr Darcy vous rejoindrait ? C'est à cela que vous pensiez, n'est-ce pas ? Et peut-être songiez-vous également que, ne vous voyant pas revenir, il allait partir à votre recherche, c'est cela?
– Mr Darcy est un gentlemen. Je suis étonnée qu'il ne vous ait pas accompagné.
– Pour vous trouver à moitié nue dans une cabane ? C'est donc comme cela que vous souhaitiez le piéger ? Fort heureusement il n'a pas vu votre affligeante prestation, ma chère sœur !
– Mr Darcy est donc resté à Netherfield ?
– Il n'a pas voulu me seconder et, quand bien même il me l'aurait proposé, j'aurais refusé qu'il le fasse !
– Mr Darcy serait-il fâché contre moi ?
– A quoi vous attendiez-vous, Caroline ? Vous faites seller son pur-sang sans son autorisation. Cette pauvre bête a été fort secouée suite à la chute de Miss Elisabeth. Ensuite, au lieu de porter secours à notre invitée, vous proposez à mon ami de chevaucher seul avec vous ?
– Ce n'est point de ma faute si cette Miss Bennet est mauvaise cavalière !
– Il suffit ! Nous avons entendu Mr Martin, le palefrenier, et les raisons de l'accident sont pour le moins contradictoires. Vous êtes la dernière à avoir vérifié la selle qui l'a fait choir.
– Portez-vous plus de crédit à un serviteur qu'à votre propre sœur ?
– Vous ne faites rien pour montrer que vous êtes digne de confiance, Caroline ! Et le plus révoltant c'est que vous ne soyez pas consciente que vos actes portent préjudice à notre nom, notre réputation et votre propre honneur. Si vous continuez à vous conduire de la sorte, je perdrais bien plus qu'une situation, je perdrais un ami qui m'est très cher. Et cela, je ne sais si je pourrais vous le pardonner !
– Mr Darcy ne vous laissera pas tomber, Charles. C'est un homme de grande fidélité.
– Il s'en est fallu de peu pour qu'il retourne à Londres aujourd'hui ! Seuls le temps mauvais et son cheval traumatisé l'en ont empêché. Aussi, je vous prierais de garder vos distances envers lui et ne rien tenter de répréhensible jusqu'au bal que je vais donner. Ensuite vous pourrez rejoindre Londres avec les Hurst si cela vous chante. Reste à espérer que les hommes qui m'ont suivis comprendront l'excuse que je dois encore leur trouver.

VOUS LISEZ
Orgueil & Tentations
FanfictionCeci est une fanfiction que j'ai voulu particulière. Elle retrace les réflexions les plus intimes des personnages bien connus d'Orgueil et Préjugés tout en veillant à garder leurs caractères et le contexte de l'histoire originelle. Attention aux pr...