La présentation

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Chose promise, chose due :-) !

Georgiana

Lorsque j'ai vu l'attitude de mon frère à notre arrivée, j'ai su que quelque chose s'était passé. Il tentait de masquer une nervosité évidente et une impatience de me retrouver alors que nous nous étions séparés que trois petites journées.

Devant nos invités, il n'a rien voulu montrer mais moi je le connais. Probablement que Miss Bingley a dû interpréter son empressement par la joie de l'accueillir, elle et sa famille, à Pemberley. Mais à peine ont-ils rejoint leurs appartements, qu'il me prit en aparté.

La joie se lisait sur son visage et je compris davantage que ce qu'il essayait de me cacher. Il avait quelqu'un à me présenter. Et à sa façon de me l'expliquer je savais déjà de qui il s'agissait.

Alors que, tels deux malpropres nous nous esquivions de nos obligations, Mr Bingley nous interrompit dans notre évasion. Curieux et innocent, il nous demanda où nous nous rendions si précipitamment. Gêné, mon frère annonça qu'une certaine Miss Elisabeth Bennet séjournait non loin de là.

À mon grand étonnement, le visage de son ami s'éclaira soudainement à l'évocation de ce nom. Il insista grandement pour nous accompagner, promettant de ne point s'imposer et ne pas divulguer la raison de notre échappée.

Je comprenais fortement que Mr Bingley puisse être lassé de la compagnie de ses sœurs, moi qui venait de les supporter durant des heures ! Mais pourquoi diantre était-il si impatient de revoir cette femme également? Serait-il lui aussi épris? Les deux amis auraient-ils des sentiments pour la même égérie ? Je priais pour avoir tort et me demandais, durant le court trajet, ce que pouvait bien avoir la demoiselle pour provoquer autant d'effets sur le sexe opposé.

Sa beauté était-elle si parfaite? Sa grâce sans comparaison? Voilà des mois que j'essayais de me l'imaginer sans y parvenir. J'en suis arrivée à la conclusion que je ne connaissais point les goûts de mon frère sur le sujet ni ce qui pouvait le faire chavirer au point d'en perdre la raison.

Aussi ma surprise fut grande lorsque, enfin, je l'ai rencontrée ! Elle ne ressemblait en rien à ce que je m'attendais ! Pas d'artifice ni de grande tenue, j'avais devant moi une demoiselle retenue aussi étonnée et intimidée que je l'étais de notre venue impromptue.

Je l'observais discrètement alors que mon frère saluait le couple qui nous accueillait dans ce modeste petit appartement de l'Auberge de Lambton où je n'avais jamais mis les pieds.

Miss Elisabeth avait la silhouette agréable et le sourire charmant. Ses cheveux étaient sauvages et sa robe de voyage tombait très simplement. Jamais je n'aurais imaginé que la femme dont mon frère m'avait tant parlé puisse ressembler à ceci. Aussi, cela aiguisa davantage ma curiosité, car elle devait assurément disposer d'autres qualités qui n'étaient point visibles à un œil non instruit.

Puis se présenta Mr Bingley, étrangement gêné lui aussi. Néanmoins s'il semblait ravi de retrouver cette demoiselle, ce n'était point avec le même intérêt que lui vouait mon frère aîné. Il insista à l'appeler « Miss Bennet », ce qui fit réagir cette dernière qui rétorqua avec un sourire spontané que l'appeler « Miss Elisabeth » était toujours d'actualité. Cette réplique, somme toute banale, sembla satisfaire grandement son destinataire et me fit deviner qu'elle devait avoir une sœur aînée non encore mariée. 

Enfin mon frère insista pour que je lance l'invitation, ma première en notre nom. Ils parurent tous déconcertés mais acceptèrent ce dîner prévu pour le surlendemain avec humilité. De mon côté, je jurais intérieurement de profiter de ce moment pour mieux apprendre à connaître celle qui avait osé refuser le maître de Pemberley.

À notre retour au domaine, ce fut une multitude de questionnements qui attendaient Mr Bingley, les sœurs de celui-ci n'osant évidemment nous les poser directement. Les réponses sincères de leur frère aîné ne semblèrent point les satisfaire et je pouvais à présent plus facilement comprendre quelle en était la raison.

Le lendemain, ce fut aux dames séjournant à Lambton de nous rendre visite. Je n'en fus pas surprise et, au contraire, j'espérais secrètement qu'elles ne fasse pas autrement, alors que leur mari et oncle devait être, au même moment, en train de pêcher dans la rivière avec Mr Bingley, Mr Hurst et mon frère.

Nous étions dans le salon d'été lorsqu'elles furent annoncées et la moue peu flatteuse des sœurs Bingley promettait un distrayant moment. J'avais pour l'occasion ordonné qu'on nous prépare des mignardises, des scones, des fruits et du thé de Ceylan.

Mrs Gardinier et sa nièce entrèrent, vêtues toutes deux plus coquettement que le jour précédent mais toujours avec simplicité et un goût évident. Le contraste entre ces dames et celles déjà présentes était flagrant. Là où marquait le bon ton, la coupe juste et la matière agréable à porter, de l'autre tout était en excès. Excès de couleurs, de plumes, de rubans, de soufflets, de volants, de broderies, de bijoux, de parfum, de far et d'ornements.

Je crois que Mrs Gardinier en fut ébahie mais, polie, n'osa point le montrer ouvertement. Elle s'assit bien sagement aux côtés de Mrs Annesley, ma dame de compagnie, qui devait être de son âge approximativement.

Caroline et Louisa trônaient dans les deux grandes bergères, laissant aux nouvelles arrivées la place sur les canapés. Ces dernières nous parlèrent de leur voyage et des endroits qu'elle a avaient visités.

Le sujet n'intéressant guère les sœurs Bingley, Caroline nous interrompit à plusieurs occasions avec un ton froid et autoritaire. Mais, à ma grande surprise, Miss Elisabeth se semblait guère impressionnée, répondant avec une franchise ciselée de celles que je rêverai d'être pourvue.

Ses yeux, à cette occasion, semblaient se réveiller et s'animait en elle une flamme qui la rendait charismatique à souhait. Je découvrais progressivement une Miss Elisabeth avec un esprit vif et intelligent qui arrivait à fermer le clapet à son adversaire tout en lui faisant croire à un compliment.

J'ai tenté le sujet sur son séjour dans le Kent afin d'essayer de deviner quels étaient à présent ses sentiments. Je me doutais que j'allais par la même aiguiser la curiosité de Caroline en citant le nom de ma cousine.

L'affection que cette Elisabeth disait ressentir pour Lady Anne semblait sincère et il me plaît de l'entendre parler d'elle avec tant de respect.  Je voyais les sœurs Bingley soudainement attentives à notre conversation, même si des deux, c'était Louisa qui posait les questions. Ce petit échange paraissait amuser Miss Bennet autant que moi, entre ce que nous disons et ne nommions pas.

Puis la conversation prit une tournure plus botanique et je décidais de lui faire visiter nos serres afin de nous éclipser de nos invités un court moment.
Caroline tenta de m'en dissuader, prétextant qu'il y ferait trop chaud et que je ne pourrais le supporter. Mais la présence de Miss Elisabeth à mes côtés me donnait de l'audace et m'aidait à suivre ma propre volonté.

Cette demoiselle est décidément singulière et je l'apprécie déjà énormément. Je n'ai pourtant pas l'habitude de m'attacher facilement. Je comprends mieux mon frère désormais. Il me reste à savoir ce qu'il en est de son côté car j'adorerai avoir une telle personnalité comme sœur à Pemberley.

Orgueil & TentationsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant