Orgueil & Tentations

Le doux rêveur

Charles

J'ai été fin heureux de revoir Darcy. Il faut dire ce qui est, Pemberley n'est pas le même sans lui. Il était temps qu'il revienne, mes sœurs ne cessaient de m'interroger, espérant que j'ai quelques nouvelles que j'oserai leur cacher.

J'avoue n'avoir aucune idée de ce qui l'a fait courir à Londres en plein été mais il devait avoir de bonnes raisons qu'il n'a pas à me confesser. Je n'ai pas à empiéter sur ses affaires, il est déjà bien aimable de nous avoir invité ici.

Il nous a semblé fort fatigué, voyager seul sous cette chaleur ne doit pas être des plus reposant. Miss Darcy était si inquiète pour son frère qu'elle a passé beaucoup de temps auprès de lui depuis son arrivée. Que c'est touchant cette amour fraternel qui les lie, j'en arrive parfois à les envier !

Ce n'est guère avec Louisa ou Caroline que j'aurai ce genre de relation, je le déplore. Nous n'avons vraiment pas de grandes comme conversations. Ce sont souvent elles qui parlent de toutes façons !

J'ai occupé ce temps où Darcy s'était absenté, pour me promener dans
les hameaux environnants afin, je l'avoue, de profiter d'un peu d'isolement.
En me voyant revenir songeur de mes escapades de plus en plus prolongées, Caroline aimait à penser que je cherchais une demeure aussi parfaite que Pemberley.

Pourtant la chose est impossible. Ce domaine est unique et bien trop onéreux pour mes deniers. Et puis, que ferai-je d'autant de pièces? À coup sûr je m'y perdrais ! C'est le travail de toute une vie et des domestiques à foison. Je n'ai pas la rigueur de mon ami et encore moins son nom.

Un petit domaine entouré de quelques champs me serait suffisant. Cela ne demanderait pas trop de temps à y consacrer et je pourrais à mon tour recevoir qui je voudrais. Celui de Netherfield était parfait ! De taille honorable dans un paysage bucolique. Même le voisinage était sympathique...

A vrai dire, mes promenades seul dans les plaines du Derbyshire, furent des moments de paix et de retraite, durant lesquels un seul nom et un seul visage me revenaient en tête. Jane Bennet.

Je fus d'ailleurs heureux de revoir sa sœur, miss Elisabeth. Elle paraissait étonnée de nous voir arriver tous les trois dans cette petite auberge ! Je n'ai moi-même pas compris pourquoi Darcy faisait preuve de cachoterie pour la visiter. Ni pourquoi il tenait tant à emmener sa sœur pour la lui présenter.

Quoiqu'il en soit j'étais ravi de la retrouver! Cette charmante demoiselle a toujours l'esprit vif et affuté et je ne voulais en aucun cas rater l'occasion de la saluer. J'en ai d'ailleurs profité pour discrètement la questionner sur son aînée.

Je ne comprendrais jamais pourquoi Darcy ne la trouvais pas plaisante, certes elle n'est pas aussi jolie que Jane, même lui l'a avoué. Mais tout de même, ce n'était pas une raison pour lui chercher querelle à la moindre occasion ! Il n'y a qu'au bal que j'ai donné à Netherfield où il a bien voulu l'inviter à danser, bien qu'il semblait l'avoir fait contre grès.

Nous n'avons plus rencontré cette Miss Elisabeth jusqu'à ce jour, alors pourquoi a t'il changé d'avis à son sujet ? En effet, il a affirmé la veille de son départ qu'il l'a considérait à présent comme parmi les plus belles de son entourage.

Caroline aurait-elle osé une avance que je n'aurais pas remarqué et qu'il aurait profité de cette discussion pour l'en dissuader ? Comment ma sœur peut-elle encore espérer avoir ses chances après m'avoir juré de ne plus rien tenter ?

Il est un fait que Darcy a beaucoup changé au point qu'à certains moments j'ai peine à le reconnaître. Mais concernant Caroline, je n'imagine pas qu'il puisse un jour l'épouser.

À ma grande joie il a invité ce Mr Gardinier à pêcher. Quel homme exquis et amusant ! Il n'a cessé de parler de sa famille, je n'en espérais pas tant! J'ai donc eu la confirmation à bon nombre de mes interrogations. Jane n'est point mariée et n'est pas en passe de l'être. Voilà qui m'ôtait une bonne épine du pied !

Force est d'avouer que jamais une demoiselle ne m'a ainsi hanté l'esprit. Jamais je n'ai dirigé mon intérêt sur un même minois de toute ma vie. Elle était si charmante et si jolie. Le teint diaphane et les yeux teintés de gris.

Jane. Je ne cesse de me tourmenter. Comment cette demoiselle si calme et si discrète, si aimable et si belle pourrait ne pas m'agréer ?

Certes sa famille n'est pas aux goûts de mes sœurs et la mère a montré, en effet, quelques insistances à la voir se marier. Mais quoi de plus naturel lorsque l'on connaît l'épée de Damoclès qui se tient sur leurs têtes?

Je devine que la dote doit être à l'image de leurs moyens mais qu'importe puisqu'elle disposerait de mes biens? Moi, ce que j'ai vu, c'est une famille aimante et unie, un peu bruyante mais pleine de vie. C'est ainsi que j'imagine un peu la mienne, pleine d'enfants grouillants autour de mon domaine.

Il me faudrait y retourner pour avoir le cœur net. Son cœur est-il prit ? Ressent-elle pour moi un peu affinité ou cours-je à ma perte? Et quelle image a t-elle de moi, après être resté sans nouvelles depuis des mois? La seule manière d'être fixé serait de lui demander. Mais oserais-je l'aborder?

Je devrais en parler à Darcy, il est toujours de bon conseil. Son avis n'a pas de prix. C'est un ami sans pareil. Avant de révéler de tout lui révéler, je pourrais commencer par évoquer la location de Netherfield. Je ne l'ai toujours pas résiliée, je n'ai pas réussi à m'y résigner.

Comment réagira-t-il ? Sera t'il surpris, méfiant, déçu, amusé ? Il est souvent difficile de deviner ce que pense le maître de Pemberley !