Séjour à Londres animé

329 17 2
                                    

Georgiana

Je ne suis pas mécontente d'avoir fait le chemin avec mon frère et Mr Bingley. Même si j'aurais préféré que ce dernier me propose de séjourner avec eux à Netherfield. Depuis le temps que j'entends parler du Herfordshire, j'aurai pu me faire ma propre idée sur la nature sauvage de son paysage et de ses... beautés !

Au lieu de cela je dû me contenter d'un séjour à la capitale en attendant que Fitzwilliam me rejoigne. Cependant, je ne m'en plaignais pas, un peu de calme est toujours préférable à une compagnie qu'on ne souhaite pas.
Les sœurs Bingley et Mr Hurst avaient, quant à eux, pris la direction du Nord, afin de continuer à imposer leur présence chez de vagues connaissances. Grand bien leur fasse !

Afin de décompter les jours avant que mon cher frère vienne m'annoncer qu'il est enfin fiancé, je me suis bien occupée. Mrs Annesley et moi-même avons visités quelques galeries, commandé de nouvelles robes, fîmes le plein de partitions ainsi que d'autres babioles et nous nous sommes promenées lorsque le temps le permettait.

Ce jour-là, nous venions de quitter la très fréquentée allée bordée d'arbres nommée The Mall pour nous perdre plus profondément dans les recoins plus calmes qu'offre le parc Saint James. Mrs Annesley se sentant un peu faible, je lui proposais de s'assoir un moment sur un banc alors que ma curiosité me poussait à aller observer quelque peintres qui avaient posé plus loin leurs chevalets.

Je fus, je l'avoue, un peu déçue de ne trouver que des œuvres sans saveur, des toiles d'amateurs sans véritable émotion. Il est vrai que depuis que mon cher frère m'a fait découvrir les œuvres de ce William Turner, mon œil est devenu bien trop exigeant.

Lorsque je fis demi tour pour rejoindre mon chaperon, je fus étonnée de la voir accompagnée d'un homme aux cheveux marrons. Celui qui me tournait le dos avait une attitude nonchalante et néanmoins distinguée. Je ne savais si je devais garder mes distances ou la retrouver.

Elle m'aperçut et d'un sourire me fit signe d'approcher. Je n'avais jamais vu ma dame de compagnie parler à un monsieur qui m'était étranger. Leur conversation était enjouée et relatait des souvenirs qui semblaient fortement les amuser.

L'homme se retourna et me vit. Je fus étonnée par sa jeunesse, me l'étant imaginé, je ne sais pourquoi, plus âgé. Il me sourit poliment et questionna du regard Mrs Annesley.

– Est-ce donc votre nouvelle protégée ?
– Tout à fait, Master, laissez-moi vous présenter Miss Darcy.

Je ne comprenais pas pourquoi elle le nommait Master. C'est communément de cette façon que sont appelés les petits garçons d'une noble famille.
Il me salua élégamment alors que la compagne me présentait :

– Miss Georgiana, je vous présente... Earl Graham de Belfort.
À mon tour je le saluais, tant impressionnée par son titre que par le charme évident qu'il dégageait.
– Mon Dieu que cela me paraît étrange de vous appeler ainsi ! Fit-elle à son encontre. Pour moi, vous resterez toujours le petit John qui chipait au cellier des biscuits !

Il rit de bon cœur, d'une manière franche et enfantine.
J'étais de plus en plus intriguée mais n'osais les questionner.

– Miss Darcy, seriez-vous de la famille des Darcy du Derbyshire?
– Tout à fait, Mr Fitzwilliam Darcy est mon frère. Le connaissez-vous ?
– Je n'ai pas cet honneur, fit-il tout sourire, juste de réputation ! J'en ai grandement entendu parler lorsque mes soeurs ont fait leur entrée.
– Ma pauvre Miss Darcy, vous ne devez rien comprendre, laissez moi vous expliquer, fit Mrs Annesley.

Elle raconta alors les nombreuses années qu'elle avait passé au service de feu le Earl et la Comtesse. Elle était en charge des deux filles aînées jusqu'à ce qu'elles se marient et quittent le nid.

– Votre frère, miss, était alors le jeune homme le plus convoité durant au moins trois années et son nom était sur toutes les lèvres des jeunes filles à marier.
– Voilà qui ne m'étonne guère, fis-je un brin ironique en cachant mon sarcasme derrière ma main gantée.
– Votre frère a t'il, depuis, trouvé chaussure à son pied, Miss Darcy?
Je ne savais que lui répondre. Je fis juste non de la tête, soudainement gênée.

– Mr le Comte... commença Mrs Annesley.
– John, pour vous ce sera toujours John, lui répondit-il en toute simplicité.
– John... n'était alors qu'un tout jeune enfant lorsque j'ai commencé à travailler chez eux. M'expliqua t'elle. Je l'ai donc vu grandir...
– ...Et faire toutes sortes de bêtises ! Ajouta t'il.

Ils continuèrent à relater quelques souvenirs qui les mettaient en joie, je les écoutais d'une oreille distraite, profitant de cet intermède pour en apprendre davantage sur cet homme si surprenant et simple à la fois. Il me jetait de temps à autre des regards rieurs gris acier, des yeux qu'on a du mal à éviter.

Avant de prendre congé, il me demanda quel gentlemen's club mon frère aimait fréquenter. J'hésitais avant de lui répondre le Boodle's club. Il nous salua avec prestance et s'en alla de son coté.

Sur le trajet du retour vers Darcy house, Mrs Annesley continua à relater quelques anecdotes. L'enfant gâté qu'était le futur comte, son côté espiègle et tout ce qu'il inventait pour ne pas se faire disputer. Elle en parlait avec une tendresse toute maternelle, ce que je lui fis remarquer. Elle m'expliqua que, tout comme moi, il avait perdu sa mère bien jeune et son père était le genre d'homme très occupé.

À peine arrivées, l'intendante nous informa du retour prématuré de mon frère. Ni une, ni deux, et sans écouter davantage, je me précipitais en direction du bureau de Fitz, son antre, où je savais toujours le trouver.

Je comptais m'exclamer joyeusement sur ma surprise de le voir déjà rentré. Mais alors que j'ouvrais grand la porte et m'apprêtais à le questionner si les félicitations étaient d'usage, si la date était déjà fixée et quand j'aurais le grand bonheur de revoir ma future belle-sœur, son regard à lui seul m'en a dissuadé.

– Géorgie, Fermez cette porte je vous prie.

Le ton était donné et je savais déjà que je n'allais pas aimer ce qu'il allait me dire.

Il s'assit la mine sombre et j'en fis autant. Il eut beau m'expliquer la froideur des retrouvailles avec Miss Elisabeth, leur peu d'interactions et sa grande déception, je ne comprenais pas ce qu'il faisait là, à Londres, devant moi, alors que semble-t-il il n'avait pas pris le temps de vraiment lui parler.

Je décidais de changer de sujet un instant et demandais ce qu'il en était pour Mr Bingley. Il me répondit platement qu'à cette heure où nous parlions, il devait sûrement être fiancé.

– Mais c'est une excellente nouvelle ! Pourquoi ne pas être resté pour fêter cela à ses côtés ?
– Je ne m'en sentais pas légitime, Georgiana, me confia t'il. Je lui ai tout avoué. Mon incursion afin de les séparer, lui et Miss Bennet et le fait qu'elle séjournait à Londres et que je le lui ai volontairement caché.
– Et comment a-t-il réagi?
– Il a paru surpris mais il semble avoir surtout retenu le fait que Miss Bennet ait pu aller seule à Londres pour tenter de lui parler.
– Mais c'est une bonne chose, non? Ce brave Mr Bingley ne perçoit toujours que le meilleur. Le connaissant, il ne saura pas vous en tenir rigueur bien longtemps.
– Je l'espère...
– Fitzwilliam, votre ami Charles n'a pas votre entêtement et votre rancune. Je suis certaine que pour lui tout est déjà oublié et qu'il est très heureux auprès de cette Miss Bennet !
– C'est bien ce qui m'est égoïstement douloureux.
– A cause d'Elisabeth n'est pas?
Il opina de la tête en se frottant l'arrière de la nuque.

Il mit alors fin ainsi à la conversation et me pria de sortir, me laissant coite dans le couloir. J'avais pourtant encore tant de choses à lui dire, tant d'arguments à défendre et tant de raisons d'espérer, encore. Mais mon sot de frère est si maladroit et empoté, si bourru et si inflexible à la fois !

Orgueil & TentationsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant