Lizzie
J'ai encore fait un rêve étrange cette nuit. Un de ceux où je me trouve auprès de celui que j'imagine être mon « mari ». Cette fois-ci, nous promenions dans un magnifique parc, au loin on apercevait indistinctement un grand château. Il riait de mes taquineries et j'aimais entendre ce rire que je provoquais chez lui. Je le regardais et je me sentais bien auprès de lui. Comme dans tous ces songes du même acabit, je ne me souviens ni de son visage, ni de son nom, ni de sa voix.
Mais le rêve ne s'arrêta pas là et se fit moins sage. Notre promenade se prolongea à travers des prés et de bucoliques bocages. La campagne était belle et vallonée. Arrivés dans un champ de céréales fraîchement coupé, il me saisit soudainement la taille et me cala le dos sur une meule de foin. Il me regardait amoureusement alors qu'il emprisonnait mes mains dans les siennes. J'aimais visiblement ce jeu et appréciais ses lèvres chaudes sur les miennes. Les yeux rivés sur mon corsage, il entreprit de le délacer et je le laissais faire, trouvant le jeu qui se présentait tout à fait délicieux.
Du reste de la scène, je n'en ai que quelques brides. Mes jupons relevés avec empressement, deux grandes mains fermement arrimées à ma croupe, une bouche haletante dans mon cou et une sensation enivrante similaire à celle que m'avait procuré un jour un certain jouet d'ivoire dans une baignoire cuivrée.
Puis, brusquement, il me retourna et se fit plus sauvage. J'ai honte d'avouer que, dans mon rêve volage, cela me plaisait grandement ! Me tenant toujours fermement, nous continuions ce remue-ménage, agrémentant la partie de quelques cris ardents.
Maintenant que j'y repense, cette scène m'a été fortement inspirée de celle que j'avais réellement surprise jadis dans un champ de blé. Aussi cela me rassure que ce rêve n'est que chimère et extrapolation, mélangeant pures fantasmes et réelles évocations.
Mon rêve ne dura plus longtemps. Alors que nous mettions de l'ordre dans nos allures et que j'enlevais les fétus de pailles à ma chevelure, je le vis se pencher pour récupérer son habit. De celui-ci tomba un objet. Un carnet. Rouge rubis.
Je me suis réveillé en nage et sûrement en criant car Jane, à mes côtés, m'observait, le visage compatissant. Voilà des semaines que je n'ai plus pensé à cet ouvrage, à ce carnet rempli de poésie de cabotinage.
Comme j'en ai pris l'habitude, je suis partie l'après-midi en promenade. J'avais une nouvelle fois insisté pour que ma sœur aînée m'y accompagne mais elle a décliné. Son indisposition et son manque d'appétit m'inquiète au plus haut point. Elle réfute toujours ma théorie concernant le fait que les sœurs Bingley seraient à l'origine du départ précipité de leur frère. Je ne peux toujours pas accepter que, lui qui semblait si attaché, puisse partir ainsi sans s'être expliqué.
Préoccupée par mes idées, je ne prêtai pas attention où mes pas me menaient jusqu'à ce que je reconnaisse le parc de Netherfield devant moi. Celui-ci était encore plus magnifique que cet été, paré des couleurs chatoyantes de l'automne, saison que particulièrement j'affectionne.
Sachant la propriété désertée, j'en fis le tour afin de profiter de cette vue que plus personne n'admirait. Enfin c'est ce que je croyais car, en me dirigeant vers la demeure, je fus saisie de trouver toutes ses baies grandes ouvertes.
Je m'approchai discrètement et curieuse, en pensant à Jane qui, si elle m'avait accompagnée, aurait été heureuse de découvrir que ses locataires étaient enfin de retour. Mais, depuis une fenêtre, je ne vis que le concierge et sa femme occupés d'étendre un long drap sur la table de la salle à manger.
Ma présence malgré moi fut vite remarquée et je ne pus me dérober aux salutations gênées.
– Mais, c'est une des demoiselles Bennet ! Miss Elisabeth, c'est bien cela? Me reconnut l'homme que j'avais croisé quelques fois.
J'opinai de la tête en accompagnant mon geste d'une rapide révérence.
– Excusez-moi, je ne voulais pas vous déranger. Je pensais la demeure infréquentée et voulais juste profiter du jardin.
– Vous avez bien raison mademoiselle, quelle tristesse de laisser un si beau paysage à l'abandon ! Me répondit son épouse.
– Avez-vous des nouvelles des locataires ? Demandai-je timidement.
– Nous avons eu comme instruction de fermer le bâtiment pour l'hiver. Le bail n'a pas encore été résilié mais, à mon humble avis, cela serait préférable de trouver d'autres occupants plus impliqués! Avoua le concierge.Ces paroles me rendaient songeuse et bien que je comprenais sa vision des choses, je pensais à Jane qui avait somme toute bien fait de rester à Longbourn et ne pas avoir à entendre cela.
– Pourrai-je vous demander une faveur ? M'entendis je demander.
– Évidemment mademoiselle ! Que pouvons-nous faire pour vous aider?
– Lors de mon séjour ici, je pense avoir oublié quelque chose dans la bibliothèque. Puis-je aller le récupérer ?
– Bien évidemment ! Vous savez où elle est.C'est ainsi que je me suis retrouvée à déambuler dans les couloirs de Netherfield, vides, sombres et à l'odeur de renfermé. Chaque pièce grande ouverte était peuplée de fantômes à la morphologie mobilière.
En entrant dans la bibliothèque, je fus d'abord frappée par l'odeur de tabac froid et de vieux papiers. Puis me revint en mémoire toutes les fois où j'ai occupé le lieu, seule ou... non. Je me rendis directement vers l'endroit qui m'intéressait afin de ne pas m'éterniser plus que nécessaire dans cette pièce hantée de souvenirs importuns.
Dans le rayonnage que j'avais modestement commencé à réagencer à ma manière, je guidais mes yeux sur l'étagère où étaient classés les ouvrages étrangers. Parmi les recueils de Voltaire et de Molière, point de rouge carnet. J'étais pourtant certaine de son emplacement, ayant hésité longtemps à le laisser ainsi à la vue de n'importe quel curieux. Mais il ne tenait pas à moi de décider de ce que cette bibliothèque se devait de contenir ou de cacher. Je n'en suis pas sa propriétaire, juste une lectrice de passage probablement un rien trop indiscrète.
Je me mis donc à fouiller les autres tablettes, puis j'accrus mon investigation dans les autres bibliothèques. Point de carnet similaire. J'ai même pris l'audace de soulever les draps qui recouvraient le bureau et les consoles disséminées dans la pièce.
Il me fallait me rendre à l'évidence. Il n'était pas ici. Ne pouvant rester davantage dans ce lieu sans paraître impolie, je quittai l'endroit désappointée.
– Avez-vous trouvé ce que vous cherchiez? Me fit sursauter la concierge alors que je sortais.
– Non, je suppose l'avoir égaré ailleurs, mentis je.Je remerciais le couple et sortai du domaine d'un pas las en me questionnant sur moi-même. Pourquoi avais-je eu une soudaine envie de retrouver ce carnet? La réponse qui me venait la première était que, comme l'époux de mes rêves l'avait en sa possession, il me fallait le trouver et le conserver jusqu'à ce que mon rêve se réalise et que je trouve le mari en question. Quelle idée stupide ! Ce rêve n'en était qu'un et ce carnet ne m'appartenait guère !
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Orgueil & Tentations
FanfictionCeci est une fanfiction que j'ai voulu particulière. Elle retrace les réflexions les plus intimes des personnages bien connus d'Orgueil et Préjugés tout en veillant à garder leurs caractères et le contexte de l'histoire originelle. Attention aux pr...