Révélations déplaisantes

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Charles

C'est dans la calèche qui nous emmenait vers Londres que Darcy m'expliqua tout ce qui se disait sur ma sœur aînée.
J'avais accepté de l'accompagner jusqu'à la capitale pour quelques jours mais j'ignorai alors que la route allait devenir un vrai cauchemar.

Au début je ne le prenais pas au sérieux mais Darcy n'a pas l'humour noir. Plus je l'entendais parler plus je perdais contenance et raison. Est-ce bien vrai ? Cela ne se pouvait ! Ma sœur peut être stupide et cupide parfois mais de là à l'imaginer dévergondée et lubrique, vraiment ?

Caroline. Dans ses veines coulent le même sang que moi et nous avons eu les mêmes parents et la même enfance. Comment cela pourrait-il ? Certes, je n'ai point été au pensionnat comme elle, mais au prix d'une telle éducation, je ne peut imaginer qu'on ait pu lui enseigner pareille perversion !

Ensuite je me raisonnais que cela n'était que bavardages, que ces rumeurs étaient infondées et que cela passerait avec le temps et faute de preuves. Mais Darcy s'obstinait avec détermination à réfuter toutes mes hypothèses, trouvant toujours le mot qui appuyait sa position.

Je ne comprenais pas son entêtement à me dépeindre pareille image de ma sœur et ne pouvais croire la chose réelle. Je savais Darcy rancunier. Était-ce là une manière de se venger pour son cheval qu'elle avait fait seller ?

Après bien des paroles que je ne voulais entendre, entrecoupés de lourds silences pesants, je compris avec peine que Darcy voulait simplement m'ouvrir les yeux sur une situation qui n'avait que trop duré. Que c'était au nom de notre longue et fidèle amitié qu'il m'avait fait vivre ce calvaire durant tout le trajet.

C'est donc abasourdi et éreinté que nous arrivâmes chez lui, à Grovenor square. Mon soulagement fut de courte durée car, dès le lendemain matin, il programma que j'aille questionner mes propres domestiques afin de savoir à quoi pouvait bien s'occuper habituellement ma sœur et qui venait régulièrement la visiter.

L'après-midi, avec les informations que j'avais récoltées, Darcy décida de m'accompagner dans une maison discrète d'un quartier de Londres que je ne connaissais guère.

Je ne sais qui des deux qui fut le plus surpris, moi ou l'homme qui ouvrait la porte de sa garçonnière ? Je reconnus en lui immédiatement le mari d'une des amies de Caroline et mon sang ne fit qu'un tour. Tout cela était donc vrai ! Cet homme, je l'avais maintes fois invité à des dîners et fréquenté à des soirées.

Darcy me dépassa dans l'embrasure, empêchant l'homme de refermer la porte et entra dans l'unique pièce en maintenant fermement l'homme aux pans de sa robe de chambre. L'homme n'était même pas habillé et sa chambre.... comment dire ?

Sa garçonnière ressemblait moins à un temple dédié aux plaisirs charnels qu'à une salle de torture ! Je me figeai, m'imaginant un bref instant Caroline dans une pareille mise en scène et dans les bras de cette ordure.

Darcy m'apostropha, me faisant revenir à la pénible réalité. Nous avions devant nous l'homme qui salissait à lui seul l'honneur de ma sœur et de ma famille. Sous le regard insistant de Darcy, le récitais avec colère la menace qu'il m'avait conseillé de dire. L'homme, certainement plus impressionné par le regard agressif de mon ami et par son poing serré sous sa gorge, que par ma ridicule prestation, promit en pleurnichant de couper tout lien et contact avec Caroline, définitivement.

Jamais je n'avais vu mon ami aussi menaçant. Il m'avait impressionné et même mis quelque peu mal à l'aise, mais en même temps je lui suis reconnaissant d'avoir été présent durant toute la visite. Qui sait ce que j'aurais pu dire ou faire sans l'avoir à mes côtés ?

Maintenant que j'ai rejoins seul ma maison londonienne, je repense à ce que j'ai vécu. Il me faudra faire revenir ici ma sœur séance tenante et la mettre sous surveillance permanente. Elle niera c'est certain mais maintenant on ne m'y prendra plus. Avec tout cela, je n'ai pas eu l'occasion de faire mes adieux aux habitants du Hertfordshire et je me vois dans l'obligation de fermer la demeure. Je ne sais quand j'y retournerais et si je le ferais un jour. Ma pauvre Jane, quel déshonneur qu'est le mien !

Pourtant Darcy prétend que Jane n'est point faite pour moi. Qu'elle subirait uniquement la pression maternelle et qu'elle n'aurait pour moi d'affection véritable. Il m'avait semblé que nos quelques échanges dans l'intimité étaient sincères. Nos frôlements de mains, nos caresses discrètes et nos baisers volés n'auraient été que feints ?

Je dois admettre, la mort dans l'âme, que Darcy ne s'est pas trompé concernant Caroline alors j'ai tendance à le croire concernant le reste de la gente féminine. Bien malgré moi. Darcy à toujours été le plus clairvoyant de nous deux.

Orgueil & TentationsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant