Chapitre 27 : James Bond

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- On peut savoir ce qui t'as pris, sérieux ?

Mais elle n'en sait rien, elle a juste paniqué. Elle a entendu le vieux parler de police, il avait l'air sûr de lui et plutôt agressif, alors elle s'est dit que le mieux à faire c'était de l'assommer. Anna vérifie que l'homme est bien vivant pendant qu'Odile lâche le chandelier sur le tapis.

- On n'est pas dans un James Bond là, ce qu'on fait a des conséquences je te rappelle.

- TU ES ENTRÉE PAR EFFRACTION. TU AS BRISÉ UNE VITRE.

- MAIS JE N'AI BLESSÉ PERSONNE.

- SI, UNE VITRE.

Anna abandonne vite l'idée de converser quand elle est dans cet état là. Les pensées défilent dans la tête d'Odile, pourquoi est-ce qu'elle a fait ça ? Elle ne fait jamais ça d'habitude, elle n'est pas très courageuse, certainement pas violente, pas très réfléchie non plus mais de là à assommer quelqu'un ? Et dire qu'elle aurait pu le tuer. Par tous les dieux, elle aurait pu le tuer. Elle aurait pu devenir une meurtrière. La meurtrière au chandelier. On se croirait dans Cluedo. Odile avec un chandelier dans le salon étrange. Ça aurait fait les gros titres, c'est sûr. Sa vie aurait été finie, sa carrière aussi. Ah ça, elle l'aurait sa renommée. Elle l'aurait eu la gloire. Pas la catégorie qu'elle espérait, mais tout le monde aurait entendu parler d'elle. Si ça c'est pas une belle manière de faire passer de l'information.

- Bon, tu viens m'aider ? 

L'aider ? L'aider pour quoi faire ? Il est mort c'est ça ? Il faut cacher le corps ? Oh non pourquoi elle a fait ça. Est-ce qu'elle aurait pas pu réfléchir pour une fois ? Mais non, faut toujours qu'elle fasse la maligne. Elle peut tout mettre sur le dos d'Anna en vérité, c'est elle qui la perturbe. Elle et ses trous de mémoire, elle avec qui elle a accidentellement couché, elle à qui elle s'est involontairement confié, elle, toujours elle. Tout est de sa faute.

- Tout est de ta faute.

Elle croit la voir rouler des yeux alors qu'elle pense cauchemarder en la voyant transporter le corps encore inanimé de John sur un fauteuil très très vieux. Elle veut le mettre en scène maintenant ? Comme les tueurs en série ? Comme dans les séries ? Elle a perdu la tête ?

- On peut savoir ce que tu fais ?

Anna soupire ou peut-être râle ou peut-être les deux. Sûrement les deux. Elle fait un bruit curieux en tout cas. C'est peut-être l'effort qui fait ça. Oh et puis on s'en fout, elle a sûrement tué un homme.

- Je l'attache. Tu l'as agressé Odile, il vaut mieux qu'on ait quitté l'Angleterre quand on le trouvera. Je crois que tu lui as rien fait, rien de grave en tout cas. Il est juste un peu sonné. Et on a des questions à lui poser alors...

Oh non, elle veut se la jouer à la bratva maintenant. Interrogation. Questions. Réponses. Ou conséquences. Non, non, non. Odile blanchit. Ça lui aurait sûrement plu dans un contexte plus coquin mais pas celui-là.

- Mais Anna on... on peut pas faire ça ?

Si, elles peuvent. Bien sûr que si. Elles peuvent et elles vont le faire. Odile n'arrive pas à savoir si elle trouve ça terrifiant ou exaltant.

- On peut pas assommer des gens non plus Odile et pourtant vois où nous en sommes. On va pas lui faire de mal, juste le faire flipper un peu.

- Le mal est déjà fait.

Elles se regardent un instant, peu sûres de ce qu'elles entreprennent. Et puis en une fraction de seconde, le regard d'Anna change et elle se met à tapoter la joue du malheureux. Elle a frappé un vieux, dans quel genre d'enfer elle finira ? C'est pas un peu comme donner un coup de pied à un chiot ? Et maintenant elle laisse une fille avec qui elle a couché tapoter la joue de sa victime. De pire en pire.

- Allez, on se lève le vieux. T'as sûrement des trucs à nous dire alors on partira pas avant de les avoir entendus.

John ouvre un œil sonné, puis le deuxième. Il veut bouger, remue ses mains qui sont désormais attachées derrière le fauteuil. Avec une ficelle qui servait à tenir les rideaux, apparemment. Pendant ce temps-là, Odile est très occupée à se faire toute petite dans un coin de la pièce.

- Vous êtes entrée par effraction dans mon magasin. Vous m'avez frappé et désormais vous me séquestrez. Vous ressemblez beaucoup à votre mère. 

Et comme à chaque fois qu'elle est mentionnée sans que personne n'y soit préparé, un silence froid se pose sur la pièce, nourrit l'atmosphère. Odile a peur qu'Anna ne tienne pas, encore une fois. Qu'elle fasse ce qu'elle fait à chaque fois, se recroqueville, fuit. Mais la flic ne bouge pas, elle le regarde fixement.

- Je ne vous ai pas frappé. Ça pourrait changer. Qu'est-ce que vous savez sur les personnes disparues à Genève ?

C'est devenu évident que John est au courant de ce qu'il s'est passé, sans doute qu'il était en contact régulier avec eux. Odile regrette un peu de ne pas avoir été honnête avec Anna et de ne pas lui avoir raconté ce qu'elle a oublié. Elle a cru que ce serait plus facile comme ça et qu'elles pourraient résoudre cette enquête sans avoir besoin de remuer de vieux souvenirs probablement douloureux. Elle avait tort.

- Rien. Rien sur leur disparition du moins, ils étaient de bons partenaires commerciaux. Vous n'avez pas idée de combien les gens sont prêts à payer pour de vieux objets, surtout les collectionneurs et les... curieux.

Odile hausse un sourcil, les curieux ? Qu'est-ce que ça veut dire ça ? Il y a des curiosités qui ne s'appliquent qu'aux vieux objets ? Anna semble perturbée elle aussi, mais elle parait surtout bouillir de l'intérieur.

- Vous faisiez du trafic d'œuvres d'art alors, c'est ça ? À quelle échelle ? Depuis combien de temps ?

- Vous avez toujours des trous de mémoire ?

Et c'est à ce moment là qu'Odile les voit, les voitures de police.

- Anna ?

- C'est pas le moment là.

- ANNA.

La blonde relève la tête, les lumières bleues se reflètent sur son profil. Elle n'a presque pas le temps de défaire les liens du vieux avant qu'on leur braque une arme sur le visage. Et voilà, la célébrité. Définitivement pas celle qu'elle convoitait mais Odile se contente de peu. Elle déglutit, jette un coup d'œil à Anna. Cette fois, elles sont cuites.

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