Quand elle pousse la lourde porte d'acier, c'est une dizaine de personnes qui lèvent les yeux de leur poste de travail pour les poser sur elle. Onze personnes, après avoir compté. Plus elle regarde, plus elle reconnait les visages. Henriette, Paul, Jacques, Marie, tous ceux qu'elle a traqué pendant des semaines avec Anna en se demandant si oui ou non, ils étaient vivants.
- C'est qui elle ?
- Qu'est-ce que tu nous ramènes encore...
- Elle semble perdue, cette pauvre enfant.
- Quelqu'un aurait vu passer le scotch ?
Une fois ce choc là subi, c'est le nombre d'objets se trouvant ici qui la frappe. Dans ce qu'elle imaginait, les objets concernés par le trafic mis en place par Céleste se comptaient en centaines, au mieux. C'est plutôt des milliers d'œuvres, de chandeliers, de lustres, de statues, de statuettes, de représentations sacrées, d'armes anciennes qui se trouvent ici. Elle n'ose même pas imaginer le nombre de jours qu'il a fallu pour entasser tout ça. Des années. Des siècles peut-être.
- Vous êtes vivants, bordel de merde.
C'est un peu vulgaire mais c'est la seule chose qui lui vient à l'esprit en voyant les onze disparus la fixer et commenter chacun de ses faits et gestes. Elle aurait tellement aimé qu'Anna voit ça.
- J'ai besoin de m'asseoir. Et d'un verre. Et qu'on m'explique ce qu'il se passe ici.
Les vieux se consultent tour à tour du regard, paraissent tous connectés comme des smartphone sur le même réseau WIFI. Ou de vieille chouettes dans la même meute d'oiseaux, Odile ne sait plus trop. Sa tête tourne un peu, c'est la pression qui redescend et la surprise qui lui fait ça.
- Vous allez bien ma petite ? Vous êtes toute pâle.
- Vous voulez un verre d'eau.
- FERNAND, VA LUI CHERCHER UN VERRE D'EAU.
- NON.
- POURQUOI ?
- PARCE QUE JE SUIS OCCUPÉ, FAIS LE TOI-MÊME.
- MAIS QUEL EMMERDEUR DE PREMIÈRE.
- JE T'ENTENDS TU SAIS, JE SUIS PRESQUE AVEUGLE MAIS PAS ENCORE SOURD.
Si elle ferme les yeux, elle se croirait chez ses grands-parents. La main qui s'est posée sur son épaule est chaude et agréable comme celle d'une grand-mère, quand elle lève la tête elle reconnait les traits si longtemps observés d'Henriette. La grand-mère de Laura. Première identifiée. Il y a d'autres visages dont elle ne connait pas les noms, ceux dont elles n'ont malheureusement pas réussi à percer les mystères malgré leurs efforts.
- Je ne veux pas d'eau mais s'il vous plait, j'aimerais qu'on m'explique.
Cet endroit est stupéfiant, c'est sa conclusion dans tout ça. Une conclusion brève mais efficace qui ne lui apporte cependant aucune réponse. Et maintenant, elle aimerait savoir. Quand elle repense à la jeune femme qu'elle était en arrivant dans cette gare il y a un mois, elle ne la reconnait pas. Elle était naïve, elle était vorace, elle était bête parfois, elle était définitivement différente de celle qu'elle est aujourd'hui. Même s'il lui arrive toujours d'être bête. Cette histoire l'a changé, quoi qu'il en soit. Et maintenant qu'elle la sait moins sordide que ce qu'elle pensait, elle aimerait qu'elle cesse aujourd'hui. Alors elle est soulagée quand c'est Céleste qui prend la parole.
- Mes amis, je vous présente Odile. Odile est une amie de ma fille et elles ont enquêté ensemble pendant plus d'un mois sur nous, bien après que la police ait bouclé le dossier.
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Memoriae
Mistério / SuspenseGare de Genève, 8 août. La chaleur est insupportable. Onze sexagénaires disparaissent sans laisser de trace. Le seul témoin présent ne se souvient de rien. Absolument de rien. Et puis il y a ces deux-là, celles qui n'ont jamais vraiment su commen...