Cette journaliste, elle la déteste. C'est officiel. Elle ne la connait pas mais il ne lui faut pas longtemps pour jauger les gens, à Anna. Elle est très douée pour ça, son instinct ne la trompe que rarement et cette fille... cette fille sent le mensonge à plein nez. Elle la guide pourtant là où s'est regroupée leur petite équipe d'enquêteurs, à l'autre poste de douane, côté suisse. Cinq flics y sont installés, deux suisses, trois français. Tous à l'exception se tournent vers elles quand elles entrent. Même Anna se sent mal à l'aise, elle n'imagine pas ce que doit ressentir Odile.
- Bonsoir messieurs ! Je vois que vous êtes confortablement installés. C'est bien, vous vous surmenez pas au moins. On reconnait les fins limiers de la police à vos postures...
- C'est qui ce clown ?
- Tu nous ramènes qui là au juste ?
- Dis-nous que c'est un témoin et qu'elle a des infos en béton.
Anna ferme les yeux. Une seconde, deux secondes. Bon sang, elle a envie de hurler.
- Je vous ramène une journaliste, pas un clown. Et oui, elle aurait des informations sur la femme qui a perdu la mémoire. Sans être un témoin toutefois. Je pense qu'elle raconte n'importe quoi, mais c'est suffisamment important pour tenter le coup.
Au pire, ils pourront toujours la boucler et lui faire passer quelques heures en cellules en guise de punition pour l'avoir roulée dans la farine. Ils trouveront bien le motif adéquat pour ça, après tout mentir à des flics sur une affaire de disparition de masse ça doit être un délit. Et si ça ne l'est pas en France, peut-être que ça l'est en Suisse.- Je suppose qu'elle n'avait pas ses papiers sur elle, si vous ne savez pas qui elle est.
Anna se retourne vers la pseudo-journaliste comme si elle lui avait craché dans le dos.
- Vous étiez censée savoir qui elle est, je vous rappelle.
- J'ai dit que j'avais des informations sur elle, pas que je connaissais son identité. Vous auriez un ordinateur ?
La blonde reste bouche-bée, elle regarde ses collègues qui sont dans le même état qu'elle. Ils se regardent, ils hésitent, l'un d'eux finit par lui désigner le poste de douane du menton pendant que les autres le fixent comme s'il avait tout bonnement perdu l'esprit.
- Là-dedans, il y a un pc fixe. Mais il est super vieux, alors vous attendez pas à une rapidité incroyable. Et René va vous accompagner, histoire de vérifier que vous faites pas de conneries.
- C'est moi qui l'accompagne.
Après tout, c'est elle qui leur a amené cet espèce de petite fouine colorée, mi-chiot mi-vipère. C'est sa responsabilité maintenant de veiller à ce qu'elle ne casse rien et ne s'amuse pas à les flouer davantage qu'ils ne le sont déjà. Odile lui indique de passer devant elle de la main, Anna déverrouille le local et attend que la journaliste s'installe.
- Je vous préviens, si vous tentez quoi que ce s...
- Du calme Miss Sur-Les-Nerfs. Tout va bien se passer, je suis réellement venue vous aider.
Ce dont elle a surtout l'impression, c'est qu'elle est venue glaner les informations. Et il n'y a rien de plus dangereux que ça à ses yeux, rien de plus dangereux que les médias qui prennent les informations, les bouffent et en vomissent une mélasse immonde qui n'a plus rien à voir avec ce qu'était le met de départ.- Voilà votre dame. C'est bien elle n'est-ce-pas ?
Anna plisse les yeux. Merde, c'est elle.
- Les gars ? Je crois qu'elle a vraiment trouvé quelque chose.
Les gars s'agglutinent à la porte, une tête, puis deux, la troisième ne passera pas.

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Memoriae
Misterio / SuspensoGare de Genève, 8 août. La chaleur est insupportable. Onze sexagénaires disparaissent sans laisser de trace. Le seul témoin présent ne se souvient de rien. Absolument de rien. Et puis il y a ces deux-là, celles qui n'ont jamais vraiment su commen...