Chapitre 47 : Laura

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- Et Laura du coup ? Qu'est-ce qu'il lui est arrivé ?

Odile prend des photos depuis une bonne vingtaine de minutes maintenant. Du groupe entier, du groupe devant les œuvres d'arts, des œuvres d'arts devant le groupe, des lieux, de leur organisation quasi militaire, le tout avec beaucoup de professionnalisme. Prendre des photos pour un reportage, c'est presque un art. Une image ça peut résumer des milliers de mots, ça peut compter pour preuve, c'est ce qui marque les gens, c'est aussi ce qu'ils regardent en premier, c'est la partie la plus importante et la plus difficile en même temps. C'est ce qui est le plus contesté, les images. Surtout aujourd'hui où chaque photo peut être construite ou retouchée. Personne ne croira ce qu'elle racontera sans ces images, tout le monde les remettra en question. Il lui en faut, même si elle sait très bien qu'elles ne sont pas toujours prises au sérieux. Alors il lui faut les photos les plus précises, les plus marquantes. Les photos que les gens croiront parce qu'elles traduiront une atmosphère, raconteront une histoire. Il lui faut de très bonnes photos.

- Elle a joué la comédie. Il nous fallait un témoin et il fallait surtout que ça ait l'air...

- Mystique.

- Incroyable.

- Spectaculaire.

- On voulait partir en grandes pompes et surtout que la nouvelle se diffuse à l'international.

Odile acquiesce, pourquoi pas. Elle savait que Laura était liée à l'une des disparus, ce n'est pas très étonnant qu'elle ait été de la partie. Mais elle se souvient encore de toute la noirceur qu'elle avait ressenti à ce moment-là, se demande alors si l'impression venait de tout les mystères qui entouraient cette disparition ou si elle provenait au contraire du malaise bien réel qu'avait ressenti Anna. En plus ils n'ont pas tort. Les journaux n'en auraient sûrement pas autant parlé si les circonstances de leur disparition avaient été explicables.

- Eh bah vous direz à Laura qu'elle mérite un foutu César.

Elle entend deux trois rires en arrière-plan, un peu de fierté aussi. Avec des parents pareils, pour sûr que la dame sait mentir. Odile soupire en regardant les clichés qu'elle vient de prendre. Pas mal. On peut toujours faire mieux, mais c'est pas mal.

- Quand est-ce que l'article paraitra ?

La rousse relève les yeux, hausse les épaules. Elle est peut-être journaliste, elle est peut-être diplômée mais elle est surtout virée. Virée d'un très grand journal, qu'elle a quitté en fanfares, d'ailleurs. Si ses différents employeurs étaient moins prestigieux que le précédent, elle a néanmoins des histoires similaires avec eux. Alors pour ce qui est de la sortie de cet article...

- Bientôt. J'imagine. Je contacterais les journaux pour lesquels je travaillais.

Une histoire pareille fera vendre et c'est bien la seule chose qui les intéresse. Elle n'est jamais restée plus de deux ans dans un journal pour beaucoup de raisons plus ou moins justifiées, mais leur opportunisme est sans doute la plus importante. Si au moins ça peut lui servir à quelque chose pour une fois, elle en sera ravie.

- Ou alors je balancerai ça sur les réseaux sociaux, peu importe.

C'est toujours mieux quand ça sort d'un journal, les gens ont l'habitude de faire confiance aux journaux là où les réseaux sociaux sont toujours remis en question. Sauf que plus le temps passe, plus la façon dont l'information sort importe peu. Il suffit d'avoir les bons contacts, les bons mots, les bonnes photos. En soi, Odile est confiante.

- De toute façon, votre histoire sera racontée.

Une fois qu'elle a fini, elle remarque une épée. Une épée qui lui fait une drôle d'impression, puisqu'elle est persuadée de l'avoir déjà vu avant. Son doigt la pointe quelques secondes le temps que les souvenirs reviennent, après ça elle se retourne vers eux.

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