Prologue

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Gare de Genève, elle observe. Il y a un chien devant elle, une sorte de petit chihuahua blanc et marron. Le genre de joli petit chien qu'on trouve dans les sacs des filles en Californie, le genre de petit chien fort gentil, fragile mais piaillard, peureux mais courageux. Elle observe le cabot tourner en rond, gratter les jambes de sa maîtresse et sa grosse valise en toile. Il tourne, il tourne, et il se calme. Il s'assoit là, au milieu de la pièce, sur ses petites pattes repliées. De fortes vibrations secouent la pièce, on suppose qu'il s'agit d'un train qui démarre. Le chien frotte son oreille de sa patte recourbée, ça tremble vraiment fort. Il s'arrête, ça s'arrête. Il reprend et ça recommence. Les lumières clignotent. La dame au chien regarde son voisin, un septuagénaire au moins et une chemise à fleurs. Merde, on dirait une véritable maison de vieux cette salle d'attente. La dame au chien se sent un peu seule, elle et sa petite trentaine d'existence. Elle vient conduire ses parents, mais elle ne s'imaginait pas qu'il y aurait une réunion des pompes funèbres à ce moment là. C'est pas grave, c'est bientôt l'heure.

La sol tremble une nouvelle fois. Le chien s'arrête, il gémit un peu. Se couche au sol, il ne bouge plus. La lumière s'éteint à nouveau. Plus longtemps. Beaucoup plus longtemps.

Il n'y a plus personne à éclairer dans la salle d'attente, si ce n'est le chien, sa maîtresse et sa grosse valise en toile. Tout le reste a disparu. Les vieux, leurs sacs, même les souvenirs de la blonde se sont envolés. Onze personnes en tout, volatilisées. Le chien gémit une nouvelle fois, il a tout vu. Il se planque derrière les jambes de la blonde, il observe. Il la regarde partir, celle qui était là. Il la regarde partir, il sent jusque dans ses os son influence. Il a peur, vraiment peur. Peur comme il n'a jamais eu peur, plus peur encore que lorsque ça tonne dehors, plus peur que lorsqu'un gros chien avance vers lui. Il a peur alors il fait ce que beaucoup font dans des conditions similaires : il hurle.

Mais il est trop tard, plus personne ne l'entend.

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