Autrefois

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Il regarde de nouveau la photographie et je me décide à m'asseoir, sachant que je m'apprête à entrer dans un long monologue.

Il se pose à côté de moi, et me dit tu m'expliques ?
Le ton qu'il a employé me paraît accusateur.

J'inspire profondément, n'osant plus le regarder, et je commence :

Quand Jim à commencé à s'occuper de moi sur le foyer, il m'a fait découvrir les bécanes, mais aussi la danse.
Il m'a inscrite dans une école pour faire un essai et j'ai adoré ça. C'est la seule chose qui me tenait au foyer. Ça limitait le nombre de conneries que j'étais capable de faire. C'était la carotte.

J'étais douée, réellement douée!! Ça captivait Jim de voir à quel point, je pouvais être douce et gracieuse, lorsque je dansais et à quel point je pouvais être un vrai pit bull, quand on me cherchait.

Je sourit en repensant au seul homme qui avait pris soin de moi, durant mon enfance.

Quand j'ai dû quitter le foyer, j'ai crêché à droite à gauche.
Je traînais beaucoup et pas toujours au bon endroit.

Un soir, j'ai rencontré un type, Tony. J'ai fini dans son pieu le soir même et je suis restée chez lui.

J'avais rien et il avait tout!

Il était beau, intelligent, un apart luxueux, il avait du blé plein les poches et plein ses comptes. Il m'avait raconté qu'il était propriétaire d'un énorme réseau d'import- export.
Il me couvrait de cadeaux... le suivant, toujours plus chers que le précédent. Des bijoux, des vêtements, des voyages, une moto... J'ai finis par me convaincre que je l'aimais.

Un soir, il y avait des potes à lui. Le ton est monté entre eux, et j'ai compris qu'il traînait dans de sales affaires.
Il était question de trafic de drogues, et de dettes de plusieurs milliers de dollars.
Je m'en suis pas mêlée mais j'ai compris ce soir là, que je devais foutre le camp d'ici. Tout ce fric... C'était pas le résultat de sa société... Ce soir là, tout a changé. Il a vu que j'avais compris.

En parallèle de tout ça, j'avais repris des cours de danse. Je bossais d'arrache pied, pour réussir, devenir quelqu'un..
Il y avait une audition. Une place à décrocher dans une pièce qui devait faire une grande tournée. Je me suis inscrite. Fallait que j'essaie.

Je fais une pause, puisant la force de continuer mon récit.

La veille de l'audition, je suis restée au studio, pour répéter encore et encore.
Je suis rentrée tard et en ouvrant la porte de l'appartement, j'ai été accueillie par un coup de poing dans le visage.

Il était alcoolisé, sans doute drogué et il a pas supporté que je rentre tard. J'ai eu tout un tas de reproches, d'insultes, que je n'étais rien sans lui, que je lui devais tout, qu'il m'interdisait de partir.

J'ai tenté de répondre et j'ai repris un coup.

Il a pris son arme et il a tiré, faisant toujours exprès de me rater.
Je sens une larme perler au coin de mon œil.

J'étais terrorisée parce que je savais qu'il allait me tuer, ce soir là.
J'ai tourné la situation à mon avantage et je me suis retrouvée avec son arme dans les mains. J'ai pointé le canon dans sa direction et j'ai appuyé.

(Silence..)

... Aucune balle n'est sortie. J'entends encore son rire sadique et ses paroles, " tu vois, tu peux rien faire! "
Après ça, j'ai repris un coup et j'ai perdue connaissance.

Quand je suis revenue à moi, j'avais mal partout, mais ce qui me faisait le plus mal, c'était de m'être trompée à ce point, d'avoir été aussi conne de penser que j'avais le droit à la vie de château.

Bien évidemment, le lendemain je ne me suis pas présentée à l'audition.

Il était pas là ce jour là, sûrement en train de régler "des affaires".

J'ai réuni quelques fringues propres dans mon sac à dos, j'ai pris ma moto et je suis partie.
La route a été atroce. J'ai souffert le martyre à chaque bosse, chaque virage. Je voyais à peine où j'allais, tant mon œil était gonflé. Le casque appuyait sur mes hématomes, c'était un supplice.

J'ai passé ma première nuit dehors. J'avais plus rien. Pas une tune, rien à bouffer, pas d'endroit où me réfugier.

Les jours sont passés et les marques sur mon corps ont commencé à disparaître. J'ai vendu ma moto pour avoir un peu de fric histoire d'avoir quelques nuits à l'hôtel et j'ai été me faire un fast food.
A partir de ce jour là, la sensation de faim m'a quitté. Mangé était devenu totalement optionnel.

Fallait que je trouve un job, n'importe quoi. Mais il me fallait un toit, en priorité.

Je suis tombée sur une annonce, pour être danseuse. J'ai été me présenter , j'ai fait un essai et j'ai été embauché.
Je savais que c'était temporaire. Que c'était juste pour pouvoir repartir ailleurs.

Le soir même, j'ai commencé à travailler au Luxx. C'était franchement un beau club. L'ambiance était là, c'était plutôt cossu.
À 00h, c'était mon tour. Je suis montée sur l'estrade et j'ai attrapé la barre. J'étais officiellement devenue danseuse de pôle dance.

Le gérant était réglo. Les conditions avaient été posées dès le départ. Ce serait uniquement du spectacle. J'étais tombée très bas, mais j'avais des principes et il était impensable que j'en arrive à me prostituer.

J'ai perfectionné la technique et rapidement, je suis devenue l'une des meilleures. Les chaussures plates-formes, par contre c'était trop compliqué pour moi. Je lâche un rire nerveux.
Mon corps faisait absolument tout ce que je voulais. J'ai même parfois pensé que si je décidais de voler, mon corps en serait capable... C'est assez drôle en y repensant, que tu m'appelles le piaf...

Si on retire l'aspect sexuel de la discipline, je crois que j'aimais la prouesse de ce que j'étais capable de faire.
C'était uniquement du spectacle. Le peu de fringues que j'avais je pouvais les garder et malgré quelques insistances de certains, ça s'arrêtait à du spectacle.
Le gérant a toujours était clair à ce sujet et n'a pas hésité à intervenir lui même quand certains en voulaient plus.

Puis l'épidémie s'est déclarée et j'ai fuit... encore.

Le tatouage dans mon dos... Ça symbolise le fait que si je veux voler, je le peux ! Mais aussi, pour me rappeller que j'ai toujours flirté entre deux mondes.
Si je veux voler je le peux, mais ça coûtera forcément quelque chose. A chaque fois, c'est un pacte avec le diable que je signe..
Les choix que j'ai fait sont.... J'ai fais des choses dont je suis pas fière, mais je les ai faites, pour pas crever.

Je decrispe mon visage doucement.

J'en parle pas, parce que je veux pas être vue comme un bout de viande, comme une fille qui est prête à tout, même à vendre son corps. Je veux pas être vu comme une pute.
Je veux avoir une chance de sortir de cette spirale, dans laquelle je suis coincée.

... Tu sais qui je suis maintenant.

J'essuie mes joues, incapable d'affronter le regard de Daryl, qui vient de poser la vieille photo.


Je t'ai retrouvé...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant