Chapitre 41

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Joy

- Ellipse de deux semaines -

Quelle est la description de l'enfer ? Chaque personne a sa définition propre et je pense que moi, j'ai malheureusement trouvé la mienne. Ce qui se rapproche le plus dans mon enfer personnel, c'est cet acharnement que subit mon cerveau et qui a des répercussions sur tout mon être. Je ne mange plus, je ne dors plus et en prime, j'ai le droit à des remontées de souvenirs et des cauchemars. Je ne vis plus, je suis plutôt en train de suivre. De survivre à mon propre malheur. Maintenant que Raphaël n'est plus là, l'auteur de mes tourments n'est autre que mon cerveau. Mon putain de cerveau qui s'obstine à vouloir me tourmenter. Je ne suis plus qu'une coquille vide.

J'ai passé le dernier mois dans cet établissement dans lequel toute personne responsable me regarde avec pitié et les autres sont dans un état bien pire que le mien. Je ne sais pas vraiment ce que je fais ici. Les médecins pensaient que j'étais dans un état tellement pitoyable que je mettais ma vie en danger, mais malgré tout, je ne suis pas bête au point de vouloir mettre fin à mes jours. Certes, ce n'est pas facile et il y a des moments où j'ai juste envie d'une chose, perdre la mémoire de nouveau, mais jamais je n'aurai essayé de me tuer.

Comme chaque jour, j'ai dans l'après-midi, un rendez-vous avec la psy en charge de mon dossier et comme chaque jour, aucun mot ne sort de ma bouche durant toute l'heure. Je ne vais pas mentir, c'est comme ça tout le temps depuis que j'ai été admise ici. Je ne dis jamais rien et ouvre la bouche seulement lorsque c'est nécessaire. Mon infirmière, Sandrine, dit que c'est tout à fait normal et que le traumatisme est bien plus fort que ma volonté de guérir. Je vous assure que j'ai envie d'aller mieux, de ne plus voir la vie en noir et surtout, j'ai envie de pouvoir de nouveau sourire, rire, vivre. Malheureusement, j'en suis incapable. C'est bien trop compliqué. Je ne me reconnais plus, que ça soit dans le miroir ou alors extérieurement. Je suis simplement devenu l'ombre de moi-même et tout ça dure depuis quatre mois.

Aujourd'hui ne fait pas exception, dès que je sors du bureau de ma psy, je me dirige vers la chambre qui m'a été attribuée puis attrape mon sac pour rejoindre la piscine de l'établissement. Au début, personne n'était très enthousiaste à ma demande de nager sans surveillance, mais ma psy m'a été d'une grande aide puisque d'après elle, j'avais beau être dans un état mental compliqué, je ne l'étais pas au point de vouloir me suicider. Personnellement, je pense surtout qu'elle a lu mon dossier et qu'elle sait que je ne mettrais pas fin à mes jours si j'avais la possibilité de revoir Ash un jour. Chaque jour qui passe diminue ses chances, mais je ne perds pas espoir. Jamais...

Quoi qu'il en soit, j'ai eu le droit à un Pass pour pouvoir aller nager en dehors des heures de surveillances. C'est devenu un peu comme mon rituel. Chaque jour après mon rendez-vous, je m'amène ici et nage. Je pourrai rester ici pendant des heures. À nager jusqu'à en oublier mes problèmes. C'est pour cela que je viens ici. Me concentrer sur tous ces mouvements m'empêche de réfléchir et de me souvenir. C'est un peu comme une perte de mémoire momentanée. Et puis, ça me rappelle tellement les après-midi passées au lac avec Ash. Je me sens bien et j'ai l'impression qu'être dans cette piscine me rapproche de lui. Il me manque tellement.

Une fois prête, je dépose ma serviette sur le banc qui se trouve près du bassin puis saute dans l'eau. Au début, je la trouve fraîche, mais ça me fait un bien fou, puis peu à peu, je m'habitue à sa température. Je ne perds pas plus de temps et me lance dans des longueurs. Je ne sais pas pendant combien de temps je nage, mais je fais le vide dans ma tête et me coupe du reste. Je me concentre sur chaque mouvement puis prévois le prochain. De la sorte, je n'ai pas le temps de me souvenir des mains de Raphaël sur moi ni même de cette odeur de sang qui ne veut cesser de me suivre. Je me contente simplement de nager et de relever de temps en temps la tête de l'eau pour penser à respirer.

The Flame Of MemoriesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant