Le Harfang & Le Loup - T2 - Le Manipulateur d'Énergie

14. Les sujets importants

Mi-embarrassée, mi-perplexe, je souffle :

- Ah... oui... bonjour...

- Je suis désolé, je n'ai pas pu répondre quand vous avez cherché à me joindre tout à l'heure. J'étais avec une famille importante de la cour... mais je me suis enfui dès que j'ai pu ! Les prêtresses m'ont fourni l'occasion de m'éclipser.

Passant sa main dans ses mèches sombres, il ramène ses cheveux en arrière avant de me contempler d'un air particulièrement enjoué, s'exclamant :

- On peut dire que c'est la première fois que je suis aussi content que des spectres aient perturbé mon quotidien ! Sans eux, je serais encore coincé dans ce pavillon à attendre que les heures passent...

Un large sourire espiègle vient conclure sa phrase. Malgré sa tenue si formelle, il n'a jamais autant fait son jeune âge. En totale opposition d'avec son attitude devant les prêtres, il se tient de manière décontractée, penché vers moi, coudes sur les genoux. On croirait qu'une montagne de responsabilités a soudain glissé de ses épaules et que nous nous apprêtons à faire l'école buissonnière. Ses propos me laissent toutefois sceptique :

- C'est si désagréable que ça ?

J'ai un peu de mal à concevoir comment papoter ou faire des jeux dans un pavillon luxueux peut être si barbant.

- Disons que je préfère être avec vous, m'avoue-t-il, un sourire en coin. Mais même sans ça, toute cette journée n'a aucun sens. Je suis là, à faire semblant d'être intéressé quand des nobles se battent pour essayer de me faire épouser leur fille ! Je trouve ça de plus en plus pénible de prétendre que vous n'existez pas. J'aimerais pouvoir leur dire qu'ils perdent leur temps.

- Sauf que je ne serai pas toujours là.

Ma remarque transforme son sourire en grimace. Il s'abstient d'abord de me répondre, avant de soupirer :

- De toute manière, tout n'est que faux-semblants et manipulations lors de ces entrevues. Si je veux vraiment savoir à qui j'ai à faire, mieux vaut me fier à mes informateurs. Ces rencontres ne valent rien.

- Je vois... et le buffet privé ? Il n'est pas bien non plus ?

- Ha ! s'esclaffe-t-il. Qui donc vous a parlé de ça ?

- Un de mes professeurs.

Il hausse une épaule, dédaigneux.

- Ce buffet est très bien, mais ça ne rattrape pas le reste. Et ça ne vaut certainement pas le fait d'être ici, avec vous.

Il y a un je ne sais quoi dans le regard qui ponctue sa phrase qui me fait rougir de gêne. Presque malgré moi, je rabats mon attention sur les motifs du tapis à mes pieds, bredouillant :

- Bon, euh, vous vouliez vous entretenir avec moi à quel sujet ?

- Vous êtes pressée ? s'interroge-t-il, arquant les sourcils.

- Pas forcément, mais j'aimerais avoir le temps de retourner à la fête avant la cérémonie de ce soir.

- Ah..., fait-il en reculant dans son fauteuil, aussi déçu que penaud.

Croisant les bras, il ajoute :

- Le fils Hudarem vous manque déjà ? Finalement, il vous plaît maintenant ?

Oh non, pitié...

- C'est ça le plus important pour vous ? fais-je, consternée. Vraiment ? Ça ne vous intéresse pas que la reine se réveille ? Ça ne vous inquiète pas que le spectre aux yeux rouges se balade au palais en ce moment-même ?!