Le Harfang & Le Loup - T2 - Le Manipulateur d'Énergie

21. Une matinée inhabituelle

J'ouvre les yeux une première fois, je ne sais pas exactement vers quelle heure, mais probablement aux alentours de celle où on se lève à l'école. Ou tout du moins, c'est ce que je crois. Mais, la pièce est encore plongée dans la pénombre, personne n'a allumé de lumière.

Je me doute bien que l'empereur me réveillera quand il faudra que je me prépare ! Aussi, encore comateuse, je n'ai aucun scrupule à replonger sous les draps et me rendormir pour les quelques minutes qu'il me reste.

Mais quand j'ouvre une nouvelle fois les yeux, le soleil est déjà bien levé. Il s'infiltre avec force dans la chambre, aussi bien sous les panneaux qu'au travers, prêt à l'illuminer dès que quelqu'un voudra bien le laisser franchement entrer.

Malgré mon étrange soirée, je crois que c'est la première véritable bonne nuit que je passe ici. L'empereur n'est plus dans le lit, ni nulle part en vue. Je me demande même si je n'ai pas rêvé son retour...

Je n'entends aucun autre bruit que celui des oiseaux dans le jardin. Il est peut-être dans la salle de bain ? Décidément, c'est louche. Il est forcément plus de six heures du matin... est-ce qu'on m'a oubliée ?

Inquiète, je me dépêche de quitter le lit et me dirige en premier vers le balcon pour ouvrir grand les panneaux de bois. Il fait un temps magnifique, et c'est un vrai bonheur d'ouvrir les yeux sur un jardin à moitié apprivoisé.

En revanche, il suffit d'observer la position du soleil dans le ciel pour avoir la confirmation qu'il est déjà tard... il est près de dix heures du matin ! Par les esprits, rien d'étonnant à ce que je me sente aussi reposée !

Je pivote vers la chambre et remarque alors seulement une feuille de papier posée sur ma table de chevet. Elle a été pliée puis glissée sous une épingle à cheveux. L'épingle est superbe. En métal doré, elle représente des branches d'arbres décorées de perles, de papillons et fleurs bleutés. De longues chaines, faites de minuscules perles et pierres assorties, y pendent, formant en dessous des branches comme un rideau de pluie ou de rosée.

Il me semble qu'on aurait pu trouver un presse-papier moins onéreux !

Je pousse avec précaution l'épingle et déplie le papier. Heureusement que cette écriture est plus lisible que celle de Semkei. C'est le jour et la nuit. Ici, chaque lettre a été tracée avec soin et clarté :

"Dormez autant que vous le voulez. Vous n'aurez aucun cours - éreintant - ce matin, vous êtes exemptée d'école. Prenez votre temps et reposez-vous, mais ne quittez pas les parties privées du temple.

Si vous avez besoin de quoi que ce soit, adressez-vous à la prêtresse qui monte la garde devant l'appartement. Rinsheng devrait venir vous trouver en début d'après-midi.

Je n'ai pas oublié que nous devions parler. Je vais essayer de faire en sorte de vous retrouver au temple, après la cérémonie. Si ce n'est pas possible, croyez-bien que je le regrette sincèrement. Je vous promets de revenir vers vous dès que je le peux.

Prenez soin de vous ce matin, ne vous souciez de rien,

Avec toute mon affection

Kianshei

PS : l'épingle est pour vous. Vous pouvez la faire passer pour un cadeau de vos cousins."

Je ne sais pas pourquoi, mais alors que j'ai fini ma lecture - et que j'ai très bien compris le message ! - je le relis pourtant plusieurs fois encore.

Bon, j'aurai donc un peu de temps pour ressasser ce qui s'est passé hier soir, plutôt que d'être distraite en cours par mes pensées. Tant mieux. Dès que je revois la scène d'hier, avec le père de Kianshei possédé, je me crispe, et les questions et hypothèses se bousculent dans ma tête.