Chapitre 22 ⋅ Les jeux du sort

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Le mont Maya était sans conteste le plus connu et le plus fréquenté des gratte-ciels naturels que composaient les monts Rokkō. Haut de plus de sept cent mètres, avec à son pic un sanctuaire en hommage à la déesse qui lui avait donné ce nom, il surplombait le Kansai et toute la baie d'Osaka, visible à des kilomètres à la ronde. C'était lui que les marins apercevaient à l'horizon lorsque leurs bateaux abordaient la mer de Seto, et c'était lui qui veillait sur tous les habitants de la mégalopole amassée à son pied.

Mahiru n'aurait pas su expliquer comment elle s'était retrouvée là. La journée avait été chargée, entre les visites de monuments et de lieux emblématiques de la ville, pour la plupart encerclés de rouge sur le flyers froissé de l'adolescente, si bien que dans les rires et les dizaines de photos-souvenir prises devant des paysages divers, tout s'emmêlait un peu dans son esprit embrumé. Car sa barre d'énergie était tombée plus vite que le soir, à faire brûler ses pieds de douleur et pulser le sang dans son crâne pris de migraines. À ce stade, l'adolescente n'était même pas sure d'avoir assez d'énergie pour ne serait-ce que pleurer un peu. Pourtant, elle se trouvait quand même là, au sommet d'un des plus hauts monts du Kansai, à attendre dans l'air pur de l'altitude le retour de ses parents en pèlerinage – et ce en bien particulière compagnie.

— Pourquoi il a fallu que tu viennes au seul endroit où j'allais pendant ces vacances ? grommela Atsumu, les mains fermement enfouies dans la poche kangourou de son hoodie, tandis qu'ils remontaient d'un pas lent l'allée qui menait au parc Kikoseidai.

— Mais toi, pourquoi t'as choisi cet endroit ? siffla Mahiru en retour, et les douleurs dans ses pieds n'aidaient pas à calmer son agacement. Tu avais bien vu que je comptais y aller, vu que tu passes ton temps à fouiner dans mes affaires !

— Oui ben j'avais oublié, ça va ! En plus, je fouine pas, je m'informe...

Le volleyeur serra les dents, avant de se retourner à demi vers son jumeau qui traînait le pas, à quelques mètres au-dessous d'eux, et un onigiri déjà bien entamé à la main

— Bon, 'Samu, qu'est-ce que tu fous ? On a pas toute la nuit, non plus !

— Ça va, j'arrive... marmonna l'argenté en réponse, avant de poursuivre d'une voix blasée. J'ai juste pas méga envie de tenir la chandelle, c'est tout.

Il aurait fallu être aveugle pour ne pas voir l'éclat malicieux qui vola à la surface de ses yeux gris, quand ils se posèrent sur Mahiru comme sur son voisin, lourd de tous les sous-entendus qu'il faisait là. Et sa taquinerie eut l'effet escompté : les deux Némésis levèrent leur majeur à son intention en simultané, si bien qu'Osamu s'esclaffa sans retenue

— De vraies âmes sœurs, commenta-t-il en agrémentant sa remarque de trois haussements de sourcils narquois.

— Roh, la ferme ! pesta Atsumu, avant même que la jeune fille n'ait le temps d'ouvrir la bouche pour protester, mais son jumeau enchaîna. J'ai déjà un casse-burnes dans ma vie, j'ai pas besoin d'une deuxième ; je fais pas collection !

Inutile de préciser que cela remit deux sous à la musique.

— Eh, mais va te faire mettre ! répliqua la concernée aussi sec. Moi non plus, j'ai pas envie de sortir avec toi. T'es tellement débile que tu trouverais le moyen de t'embrouiller avec une fougère !

— Ça, ça risque pas, les fougères sont moins relous !

— C'est l'hôpital qui se fout de la charité, là.

— Oh, leur première dispute ~

La voix faussement mielleuse d'Osamu les interrompit dans leur joute verbale. Elle se mordit l'intérieur de la joue pour retenir l'insulte qui lui vint à l'esprit, consciente que déjà quelques coups d'œil curieux volaient dans leur direction en raison de leur animosité – une retenue dont son interlocuteur n'était, de toute évidence, pas doté.

Salade de Fruits |HQ!!|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant