Mahiru contemplait l'horizon sans vraiment le regarder. Le toit du lycée était un endroit que la reporter s'était toujours efforcée d'éviter, par le passé ; les courants d'air froid en provenance de la mer de Seto avaient tendance à lui glacer les os, et le fait de se savoir séparée du vide par une simple grille en métal la mettait un brin mal à l'aise. En outre, il s'agissait aussi d'un coin isolé et calme, où les couples pouvaient trouver un peu d'intimité pour se se rencontrer – et la peur de tomber sur l'un d'entre eux en pleine séance de roulage de pelle achevait de la dissuader de monter les dernières marches d'escalier qui y menaient. Et pourtant... pourtant force était d'avouer que c'était également l'endroit parfait pour se réfugier quand on voulait sécher les cours.
— T'es sûre que t'en veux pas ?
La brunette cligna des yeux, brutalement ramenée à la réalité par cette voix un peu rauque sur les bords qui la tourmentait depuis bien trop longtemps déjà. Elle tourna la tête vers Atsumu, installé à ses côtés sur le toit, avec sur ses genoux le bento préparé par ses soins la veille. Il ne la regardait pas, les yeux baissés sur la nourriture qu'il engloutissait goulûment et sans trop de précaution – un grain de riz avait d'ailleurs échappé au gouffre sans fin que constituait sa bouche, collé à sa joue comme une moule à son rocher. Un sourire triste se faufila sur les lèvres de Mahiru, qui haussa les épaules.
— J'ai pas très faim, murmura-t-elle en réponse. Tu peux tout manger, si tu veux.
— Y'en a assez pour qu'on partage hein, argua-t-il en lui montrant la boîte à repas déjà bien entamée.
— Je le sais ça, puisque c'est moi qui l'ait préparé, andouille.
— Bah mange au lieu de m'insulter du coup.
L'adolescente roula des yeux, mais secoua la tête pour lui faire part de son refus. Elle n'avait pas faim, l'estomac noué par un quelque chose qu'elle ne parvenait pas à identifier, et qui pour une fois n'avait rien avoir avec le volleyeur qui lui servait aussi de trouble-cœur. Tout ce qu'elle avait en tête, pour l'heure, était l'image troublante de Kinako, de sa main dans celle de Murao, et de l'immense complicité qu'ils semblaient partager. Une image bien trop frappante et inattendue pour que son cerveau ne peine pas à l'assimiler, pour que ses émotions déjà éparses ne volent pas un peu plus en éclats.
Une fraîcheur soudaine contre sa joue l'empêcha de cogiter davantage. Mahiru grogna, prête à insulter Atsumu pour ses bêtises, avant de ravaler brutalement sa réplique lorsqu'elle tourna la tête et que ladite fraîcheur un peu visqueuse sur les bords se heurta à ses lèvres.
Un gyoza.
Atsumu lui tendait du bout des baguettes un gyoza.
Ça n'avait rien de romantique, malgré ce que les apparences laissaient penser. Le volleyeur lui avait collé le ravioli contre les lèvres sans grand ménagement, lui étalant de la sauce soja sur le menton au passage, et à en croire son air blasé, ça n'était clairement pas son activité préférée de la journée. Et pourtant son cœur s'emballa aussitôt que leurs regards se percutèrent.
— Mange, marmonna-t-il en exerçant une énième pression sur ses lèvres à l'aide du gyoza. T'as le ventre plus vide que tes yeux, là.
— Atsumu, tenta-t-elle de protester en reculant, mais il ne céda pas – et ça aurait été mal le connaître de croire le contraire.
Car sans baisser les yeux une seule seconde de son visage, à éveiller quelques frissons à la base de sa nuque, le volleyeur insista un peu plus. Mahiru lui adressa un regard furibond par-dessus les baguettes pour son insistance, mais il répondit par son habituel sourire insolent. Celui qui le rendait encore plus tête à claques qu'il ne l'était déjà. Celui qui mettait ses nerfs en pelote à chaque fois. Celui qui avait su se faufiler dans les méandres de son cœur pour le faire exploser de l'intérieur. Celui qui faisait toujours tout céder, à commencer par sa volonté même.
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Salade de Fruits |HQ!!|
FanfictionMahiru ne s'est jamais intéressée à Miya Atsumu. Elle ne le déteste pas, elle ne l'admire pas non plus, rien d'extrême. Il ne lui inspire que les sentiments qu'on a habituellement à l'égard d'un camarade de lycée un peu mignon et populaire : un ou d...