Chapitre 17 ⋅ Une main sur la poêle

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On attribuait souvent à Albert Einstein une citation très parlante pour définir la relativité ; placer la main sur une poêle brûlante pendant une minute nous paraissait durer une heure, là où passer une heure en compagnie de quelqu'un de charmant semblait à peine plus long qu'une minute. Tout prenait son sens lorsqu'on avait à l'esprit le visage de celui ou celle avec qui on s'imaginait passer cette heure, ainsi qu'un supplice au moins équivalent à celui de la poêle.

C'est cette même citation qui tangua ironiquement en boucle dans la tête de Mahiru tout l'après-midi durant, à mesure que les minutes puis les heures de cours passaient trop vite à son goût, pour la rapprocher inexorablement de la fin de la journée – et donc de ses corvées avec Miya Atsumu. Un soupir lui échappa lorsque la grande aiguille de l'horloge de la classe s'arrêta sur la cinquante-huitième minute, à seulement deux de la sonnerie ; sa perception de la relativité avait encore la vie dure.

Dans une tentative de dissiper son angoisse, qui avait sans mal occulté sa peine de cœur, elle balaya la salle de classe, s'attardant sans réellement s'arrêter sur le large dos du volleyeur avec qui elle devrait passer la prochaine heure à tout nettoyer, avant de très vite baisser les yeux sur son pupitre quand ce dernier se retourna pour ricaner avec son voisin de derrière. Il se fit rappeler à l'ordre par le professeur – et elle ne put retenir un sourire moqueur – mais ça ne lui apporta pas que du bon.

— Hum, vous êtes bien dissipés aujourd'hui, marmonna l'adulte dans sa barbe, plus dépité qu'énervé par ce constat. On va mettre ça sur le compte de la fatigue. Allez, je vous libère, vous avez bien travaillé aujourd'hui.

Un élan de joie silencieuse traversa la classe – à l'exception d'une certaine reporter chez qui cela eut l'effet inverse – qui se leva d'un même mouvement pour le saluer comme l'exigeait la bienséance, avant de rompre les rangs à vitesse grand V. De son côté, Mahiru ne se pressa pas. À vrai dire, elle entreprit même de ranger ses affaires avec une lenteur exagérée, comme pour retarder autant que possible le moment fatidique où elle se retrouverait seule à seul avec l'andouille de service qui lui servirait de partenaire de nettoyage

— T'es de corvée, Mahiru-chan ?

Elle leva les yeux vers Kisara, qui s'était approchée de sa table, sac déjà sous le bras. L'espace d'un court instant, la brunette loucha sur ses boucles blondes parfaitement lisses et soyeuses, avant de se rappeler qu'elle lui avait posé une question.

— Hum, acquiesça-t-elle sans grand enthousiasme. Avec Atsumu.

— Ah, je comprends, après ce qu'il s'est passé dernièrement...

Ce disant, elle tourna le regard vers l'endroit où se trouvait le principal concerné, dont s'échappaient ricanements et autres idioties qui ne pouvaient venir que de lui, avant de revenir sur Mahiru qui s'était subitement décidée à tailler chacun de ses crayons avec minution avant de les ranger. Kisara l'observa un instant, puis poursuivit avec hésitation :

— Ça va aller ? Tu... tu veux que je reste avec toi pour... ?

— T'en fais pas, l'interrompit la reporter pour l'empêcher de finir sa phrase. T'avais quelque chose de prévu, de toute facon, non ?

La blondinette écarquilla les yeux, prise de court, les joues déjà rosissantes d'embarras. L'autre ne réprima pas un sourire ; lors de la pause méridienne, elle l'avait entendue parler d'un rendez-vous avec un garçon après les cours avec ses amies – dont l'une ressemblait cruellement à Nagano Ritsuka. Aussi, ce ne serait guère honnête de lui faire gâcher du temps en compagnie de son crush pour le passer avec un énergumène comme Miya Atsumu.

— T'inquiète, réitéra-t-elle en levant un pouce vers le haut. De toute façon, s'il m'embête, je lui fais manger les brosses du tableau.

— D'accord, gloussa Kisara derrière le dos de sa main. À plus tard, du coup !

Salade de Fruits |HQ!!|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant