Mahiru dut se faire violence pour ne pas tuer Atsumu. Que ce soit au réfectoire, après s'être fait asperger de pas moins de la moitié d'une bouteille d'eau par le volleyeur, ou plus tard, lorsqu'elle le recroisa en cours. La lycéenne n'avait pas pu répliquer sur-le-champ, trop surprise pour trouver comment répliquer dans le silence gênant qui avait suivi, et alors que s'écoulaient les secondes, le reste de sa fierté s'était envolé. Alors elle avait simplement quitté les lieux comme une furie, en compagnie de Kisara qui, choquée jusqu'à la pointe de ses cheveux, lui avait demandé au moins une dizaine de fois si ça allait – ce à quoi elle avait chaque fois répondu avec aplomb que oui, ça allait parfaitement.
Miya Atsumu n'en démordit pas. Fier de son coup, chaque fois qu'il entra en classe après cet événement, il adressa à la brunette le plus narquois des sourires – sourire qui lui valait toujours une œillade assassine. Et comme pour enfoncer le clou, dès lors qu'il avait une bouteille à portée de main, le sportif la buvait sans détourner une seule seconde son regard noisette de la demoiselle, effronté, provocateur.
— Quel enfoiré.
Le marmonnement de Mahiru rebondit sur les murs de sa petite chambre plongée dans la pénombre, puis elle martela rageusement la touche « effacer » de son clavier. Voilà une heure et demie qu'elle planchait sur cet article de journal sans réussir à en écrire la moindre ligne, perturbée – et surtout irritée – par les dernières actions du volleyeur. Comment les choses avaient-elles pu s'escalader aussi vite en à peine dix jours ? Comment ce garçon avait pu passer du stade de « camarade de classe un peu mignon et rigolo » à celui de « bon sang, je veux lui arracher les cheveux à la tondeuse à gazon » ?
Un petit coup à la porte l'arracha à ses pensées orageuses, puis le battant s'ouvrit sur la tête de sa mère, rayonnante derrière le rideau de ses cheveux ébène. Nomura Kaoru était une petite femme de tout juste quarante ans, discrète et douce dans la vie de sa fille, mais pas moins présente : un roc solide mais enfouit sous le flot de ses émotions explosives, auquel s'ancrer comme un bateau à la dérive. Ce soir-là n'échappait nullement à la règle :
— Ouh, ce qu'il fait sombre ici, grimaça-t-elle un instant, avant que son regard gris n'embrasse la silhouette recroquevillée de Mahiru devant son ordinateur. Tu fais une séance de spiritisme, ma luciole ?
— Non, répondit l'intéressée dans un sourire un peu forcé, je veux juste finir un article pour le club de journalisme.
— Je vois. Essaie de faire une pause, c'est pas bon de rester trop longtemps enfermée, tu sais.
Ça, la jeune fille en était bien consciente, mais ce n'était pas comme si elle avait le choix. Son vieil ordinateur chauffait tellement qu'il lui avait fallu ouvrir la fenêtre pour ne pas étouffer, et les volets clos empêchaient le pollen de se faufiler dans la pièce. Or même avec ses antihistaminiques à portée de main, elle n'était pas prête à courir de nouveau le risque de ressembler à un clown triste avec ses allergies. Sa mère dut s'en rendre compte, car elle changea de sujet pour revenir à celui qui avait mené ses pas jusqu'ici :
— On mange à emporter ce soir ; italien. Je te prends la même chose que d'habitude ?
— Hum, acquiesça-t-elle sans trop tergiverser, avec l'assaisonnement aux herbes.
— D'accord, je te prends une boisson avec ?
— Un soda.
— Lequel ?
— Ce que tu veux.
La brévité de ses réponses finit par arracher à Kaoru un froncement de sourcils concerné.
— Tu es sûre que ça va ? T'as l'air toute tendue...
— Mais oui, ça va !
Son affirmation s'était faite plus sèche que prévu, et elle s'en voulut aussitôt. Ses doigts se figèrent au-dessus du clavier comme elle réalisait son erreur. Ce n'était pas parce que ce fichu article et l'autre andouille d'Atsumu la rendaient chèvre que sa mère devait en payer les conséquences. Alors elle prit une grande inspiration avant d'à nouveau lever les yeux vers sa maman, dont l'air tant peiné que surpris lui vrilla le cœur. Mahiru se reprit d'une voix plus douce, un brin hésitante.
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Salade de Fruits |HQ!!|
FanfictionMahiru ne s'est jamais intéressée à Miya Atsumu. Elle ne le déteste pas, elle ne l'admire pas non plus, rien d'extrême. Il ne lui inspire que les sentiments qu'on a habituellement à l'égard d'un camarade de lycée un peu mignon et populaire : un ou d...