Chapitre 36 ⋅ Explications

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Mahiru ne parvint pas à rattraper Kinako tout de suite. Le temps de se décider à aller lui parler, puis de se retourner pour remercier Atsumu de sa présence à ses côtés – et il s'était décomposé encore une fois à ses mots – que sa meilleure amie était déjà loin, en train d'ouvrir la porte du bâtiment principal. Il lui avait alors fallu sprinter pour la rattraper, quitte à perdre un poumon en route, jusqu'à débouler quelques secondes après elle dans le local de l'Inarizaki Today.

La reporter déglutit en avisant le lieu de leur « face-à-face », car c'était celui dans lequel elles avaient passé le plus de temps ensemble depuis leurs débuts au club, celui qui abritait leur passion commune qu'était le journalisme, celui où leur amitié avait débuté autour d'un article sur les ragots qui secouaient le lycée. Voilà un bien cruel coup du sort. Et pourquoi avait-elle la désagréable impression que tout allait se clore ici même, dans cet endroit où tout avait commencé ?

Kinako se retourna en entendant le bruit de pas juste derrière elle, avant de blêmir lorsque ses yeux se posèrent sur la nouvelle arrivante. Pas le temps pour elle d'esquiver comme elle l'avait fait les fois précédentes, car Mahiru avait avancé d'un pas pour l'en empêcher – et de toute façon, la porte s'était refermée toute seule sous son propre poids, à croire que tous les destinait à se parler là, maintenant, sans plus attendre. La plus âgée secoua la tête avant d'articuler d'une voix hésitante :

— Mahiru...

— Je sais, coupa cette dernière sans lui laisser le temps d'en dire davantage.

L'autre tressaillit à la vivacité de cette réponse. On était loin du ton implorant que la reporter avait employé lors de leur dernière conversation. C'était beaucoup plus confiant, moins secoué par les émotions, moins perdu. Sûrement que le fait de savoir pourquoi sa meilleure amie se comportait ainsi l'aidait à y voir plus clair.

— Tu sais ? répéta Kinako, aussi confuse que craintive.

— Pour Murao et toi. Je sais.

En dépit de ce que ses mots pouvaient laisser croire et de leur sécheresse, Mahiru n'était pas en colère. Elle ne lui en voulait pas vraiment, pas pour ce qu'elle croyait, en tout cas. C'était juste une manière pour elle de garder le contrôle sur elle-même, de ne pas se confondre en supplications, de garder un peu de dignité – et elle n'en avait plus beaucoup depuis qu'elle côtoyait Atsumu.

Kinako resta muette, comme sonnée par la nouvelle qu'elle ne s'attendait visiblement pas à entendre – pas aussi vite, tout du moins. Elle tituba en voulant reculer, avant de se rattraper de justesse à l'ilot central contre lequel elle finit par s'appuyer dans un soupir tremblotant qui fêla le cœur de la reporter. Cette dernière baissa un instant les yeux, pas tout à fait sûre de comment amorcer le sujet, puis poursuivit d'une voix prudente :

— Je comprends pourquoi tu me fuis. Je comprends un peu mieux pourquoi... pourquoi tout s'est passé comme ça, mais...

Elle déglutit, comme ses pensées commençaient à lui nouer la gorge à force de vouloir les formuler à voix haute. La mention des dernières semaines avec sa meilleure amie fit remonter toute l'incompréhension, la solitude, l'inquiétude que cette distance lui avait fait ressentir. Sans doute que c'était pareil pour Kinako, puisqu'elle s'était crispée contre son appui et la dévisageait sans oser l'interrompre. Ça l'aida à retrouver un zeste de contenance pour continuer, tout en se frottant nerveusement le bras.

— Mais j'aimerais qu'on discute, enfin... si tu veux bien. Histoire de crever l'abcès, tout ça...

La voix de Mahiru n'était plus qu'un murmure incertain, si bien que même avec les ordinateurs éteints et le silence écrasant qui y régnait, elle se demanda un instant si sa meilleure amie l'avait entendue. Ce fut le cas, bien sûr, puisqu'elle écarquilla les yeux à sa proposition, les iris vacillants de surprise au milieu de leur sclère brillante de larmes. Pourtant elle ne répondit pas d'emblée, quand bien même ses lèvres articulaient dans le vide sans prononcer les mots qui se coinçaient dans sa gorge. Une longue seconde s'écoula, étirée à outrance par le calme oppressant des lieux et par l'attente interminable de la suite. Puis enfin, à l'instant même où un sanglot déchirait le silence sans que la reporter n'arrive à savoir s'il venait d'elle ou de son interlocutrice, Kinako hocha la tête.

Salade de Fruits |HQ!!|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant