Chapitre 7 ⋅ Proposition

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La journée qui suivit s'avéra aussi brève qu'une étoile filante pour Mahiru. Elle qui, d'habitude, ne craignait rien ni personne la passa tassée sur sa chaise, à guetter en silence les capitaines des équipes sportives comme un garde du haut de son mirador, sans jamais oser les aborder. Son enthousiasme de la veille face à cette responsabilité inouïe s'était évanoui bien vite pendant la nuit, quand elle avait réfléchi à la façon dont elle pourrait bien aborder certaines personnes – Murao Ryouhei et Miya Atsumu, pour ne citer qu'eux – avec qui elle ne se voyait pas se comporter comme si de rien n'était.

Pour le premier, la raison était toute trouvée, tant son crush d'adolescente l'avait transformée en midinette un peu mielleuse, et surtout incapable d'aligner deux phrases avec un minimum de sens. Quant au second, dont les cheveux avaient retrouvé leur splendeur dorée entre deux, signe d'un passage tout récent chez le coiffeur, il semblait l'avoir totalement oubliée ce jour. Ni regard hautain, ni sourire narquois, ni insulte dissimulée sous des taquineries de mauvais goût. Elle n'irait pas jusqu'à dire que le volleyeur l'ignorait, car il arqua un sourcil interrogateur à son intention en la surprenant dans ses observations discrètes, mais son comportement anormalement calme la déroutait bien assez. Peut-être le coup de la bouteille d'eau lui avait-il suffi ? Difficile d'avoir une réponse avec la quasi omniprésence des professeurs, qui ne daignaient pas les lâcher d'une semelle pour leur troisième année.

Aussi, la fin de la journée arriva étonnamment vite, et les jours qui gagnaient en longueur au fil du printemps renforçaient cette impression. L'air du sud baignait Kobe dans l'allégresse, et les rues comme les couloirs du lycée fourmillaient de gens désireux d'en profiter. L'espace d'un fol instant, l'œil perdu vers la fenêtre qui donnait sur la rue, Mahiru eut une terrible envie de sécher le club de journalisme et d'aller les rejoindre, de courir sur la plage à seulement quelques stations de train ou juste de se balader à l'ombre des arbres. Ses responsabilités l'empêchèrent toutefois de rêvasser plus longtemps, ainsi que la déléguée Ugaki Norika qui lui fit comprendre – certes gentiment – qu'il fallait qu'elle prenne congé pour la première réunion des représentants des élèves. Ce qu'elle fit bien vite, avant de se figer à peine dans le couloir, l'attention happée par une chevelure blonde pour le moins inhabituelle.

— Ah, Atsumu ! le héla-t-elle sans réfléchir, les pensées focalisées sur cette maudite interview.

Malheureusement pour elle, le capitaine l'entendit – fichue voix qui porte – et fit volte-face, avant de faire la moue en réalisant qui l'appelait. S'il salua d'un hochement de tête ses accompagnateurs, qu'elle identifia comme les autres membres du club de volley, il arrêta cependant de marcher pour l'attendre. Mahiru ne sut pas trop quoi en penser, mais trottina malgré tout jusqu'à sa hauteur.

— Qu'est-ce que tu veux ? soupira-t-il sans cacher son agacement à son égard. Je vais au club, là.

— Moi aussi, répliqua-t-elle aussi sec en pinçant les lèvres, et c'est justement pour le journal que je dois te parler.

— Tu viens t'excuser pour l'article ?

— Non, rêve pas trop non plus.

Un soupir de tout évidence agacé franchit les lèvres d'Atsumu pour effleurer le sommet de son crâne. Elle recula d'un pas pour conserver un minimum de distance entre eux.

— Comme tu l'ignores sans doute pas, tous les ans c'est l'Inarizaki Today qui est chargé de vendre les clubs auprès des petits première année.

— Ouais ?

Une pointe de suspicion colorait ce simple mot. Mahiru se renfrogna un peu mais s'efforça de poursuivre d'une voix prudente.

— Et comme tu le sais déjà, je fais partie du club de journalisme. Tu me suis ?

— Viens en aux faits, j'ai pas tout ton temps.

Salade de Fruits |HQ!!|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant