Il fallait que j'agisse vite. Je ne savais pas depuis combien de temps toute cette eau avait coulé, mais d'après l'ampleur des dégâts – pas si affolant que ça finalement – les meubles pouvaient encore être sauvés, comme on dit ! La première chose que je devais faire était de couper l'eau ; des petits sauts vers le lavabo, tout en faisant gaffe de ne pas glisser, et j'avais atteint mon objectif. Semblait-il que la tuyauterie avait lâché quand j'eus précipitamment jeté mes courses sur le plan de travail. Le problème était que je ne savais plus où est-ce que ma mère rangeait les serpillières.
Et après une bonne dizaine de minutes à ouvrir les innombrables placards et rangements de ce palace – beaucoup trop grand pour moi toute seule, d'ailleurs –, je les avais enfin retrouvées ! Puis, toute fière d'avoir l'arme qui allait me sortir de ce pétrin, pareille à Arthur qui brandissait Excalibur, je levai glorieusement le tissu dans mon poing serré. Je n'avais plus de temps à perdre, et je me mis à la tâche ; je voyais le bout du tunnel, ma mère n'allait même pas se rendre compte de ce qu'il s'était passé.
Une fois ma besogne achevée, je m'étais essayé la sueur de mon front d'un revers de poignet ; l'honneur était sain et sauf. Mais alors que j'allais ouvrir l'eau pour me laver les mains, un jet aussi puissant que froid me frappa de plein fouet, dévissa même le robinet qui avait volé sur deux mètres de haut. J'étais alors toute trempée, de la tête au pied, et revenue à la case départ. Je n'avais plus d'autre choix à ce stade, que de complètement couper l'eau de toute la maison. Je devais me rendre à l'évidence ; ma mère allait s'en rendre compte...
Mais, comme dans ces moments où plus aucun espoir ne subsiste, un éclair de génie me vint ! C'était pourtant si simple que je n'y avais pas du tout pensé ; il fallait que j'appelle un plombier, et pour qu'aucune trace ne subsiste, je n'avais qu'à le payer en liquide ! Je m'étais souvenue alors du petit bol en céramique qu'il y avait dans le vestibule, ce genre de vide-poche, ou plutôt fourre tout, qu'il y avait dans toutes les maisons. Des tonnes de cartes de visite y traînaient, et mon bonheur devait sûrement y être :
– Bingo ! m'écriai-je quand j'eus trouvé celle d'un plombier de quartier.
Je regardai une dernière fois le désastre avant de me tourner comme une reine ! Demain, tout ça allait être réglé. Je n'avais plus qu'à me sécher, et à attendre patiemment que la nuit passe, que le sommeil me gagne ; j'étais excitée dans un sens, avec toute cette histoire, j'aurai quelques heures d'occupation, moi qui désespérais déjà de ne rien trouver à faire. Alors, si ça se trouve, c'était un acte manqué !
Et dans mon plus simple appareil, les fenêtres grandes ouvertes, j'étais avachie sur le lit, scrollant sur mon téléphone, à voir tous mes amis s'amuser, sortir, boire et faire la fête ; j'étais là, moi, seule dans cette maison trop silencieuse. Je n'avais que pour unique compagnon que la lumière bleue de mon portable, la tranquillité nocturne de la ville et ce pot de glace vanille pécan. Judy avait l'air de bien s'amuser avec Justin, et me dire que leur nom de couple allait être « juju » me décrocha un rire gras de gamine ; mais bon, ce n'était pas du tout son genre, à Judy, de s'enfermer dans une relation, et je ne pouvais que ressentir de la peine pour ce garçon qui, peut-être, en attendait plus qu'une relation charnelle. Mais au moins, avec Judy, et sa réputation de croqueuse d'hommes et de femmes – qu'elle assume totalement d'ailleurs – il savait à quoi s'attendre.
C'était sur ces pensées mitigées que Morphée me gagna doucement. Après tout, ma première journée était remplie de rebondissements déjà, et ce séjour s'annonçait plus mouvementé que je ne l'avais imaginé. Et en un claquement de doigts, comme dans ces lourds sommeils qui défilent sans qu'on ne les sente, la nuit avait passé. C'était alors avec une lumière crue, très-blanche, annonciatrice d'une journée étouffante que je m'étais réveillée, toujours mon téléphone dans la main.
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Toi, Moi, La fin des temps. (GxG)
RomancePar un concours de circonstance malencontreux, Leah doit passer ses vacances d'été dans sa ville natale. Loin de l'agitation de la capitale, elle va séjourner, seule, dans la grande maison de sa mère. D'abord bougonne, pestant contre tout le monde...