Un jour de plus en moins.
Zooey avait envoyé ses photos pour le concours, sans trop attendre de résultat positif ; du reste, elle était assez satisfaite de ce qu'elle avait produit. Et mieux même, ça l'avait motivé pour s'investir davantage dans cette passion qu'elle avait trop longtemps laissée de côté, par peur d'échouer, principalement.
J'avais comme l'impression de l'avoir aidé à avancer, avec son frère – bien évidemment. Alors, pour les quelques jours qu'il nous restait, le seul problème qu'on devait résoudre n'était autre que celui de la question de notre couple ; aussi sérieuses qu'on voulait être, et aussi convaincue que l'on était, toutes les deux, il y avait des vraies interrogations à se poser.
Les relations à distance n'ayant jamais été mon fort, j'avais, malgré tout, des sérieux doutes sur la longévité de notre promesse ; et partir si loin de la personne avec qui je venais de me mettre en couple, à l'approche de mon départ, me semblait bien plus déprimant que ce que j'avais imaginé ; plus la date approchait, plus ça devenait réel, et fatalement, plus mes craintes et doutes grandissaient ; avais-je vraiment envie de faire ça avec Zooey ; oui, certainement ; en avais-je la force ; je ne sais pas.
C'était ce genre de pensée qui, depuis ces derniers temps, me réveillait le matin ; mais contrairement aux autres jours, j'étais seule dans mon lit cette fois-ci, et pourtant, je m'étais couchée aux côtés de Zooey. Je m'étais relevée alors en sursaut, le cœur battant, tâtonnant – comme si je ne voulais pas en croire mes yeux – le drap froissé de la place vacante ; je jetai un œil à la fenêtre ouverte, où les rideaux s'élevaient doucement avec la brise matinale. Ma gorge se serra. Puis, après un autre coup d'œil, j'aperçus un petit bout de papier sur le sol, probablement soufflé par le vent.
Je me jetai dessus, avant qu'elle ne partît de nouveau, puis, en la lisant à voix haute : « si tu lis cette note, c'est que tu t'es réveillée avant mon retour, ne paniques pas. Je suis juste partie acheter de quoi petit déjeuner, ! j'espère que tu seras encore couchée à mon retour, comme ça, ma surprise sera réussie. PS: je reviens vite ! »
— Et pourquoi je m'imaginais le pire, moi, soufflai-je dans un murmure.
J'étais revenue dans une sorte de torpeur, rassurée, constatant que rien de grave n'était arrivé ; et après avoir baillé longuement et bruyamment, et un étirement digne des plus grandes grasse mat', j'avais enfilé un unique et large tee-shirt blanc – pour cacher ma nudité – et m'apprêtais à descendre pour préparer toutes les boissons chaudes qu'il fallait pour réaliser le petit-déjeuner parfait.
Sur le chemin, j'entendis du bruit dans la cuisine ; Zooey était si proche de réussir sa surprise que j'étais quelque peu déçue de m'être réveillée avant son arrivée.
Alors l'idée de la surprendre à mon tour me vint à l'esprit ; postée au détour d'un couloir, scrutant le moindre bruit de ses pas, j'attendais le bon moment pour lui sauter dessus !
Mais, il y a toujours un mais, quelque chose d'étrange me frappa ; pourquoi diable y avait-il tous ces vêtements par terre : une longue jupe fendue à petites fleurs, un caraco blanc à dentelles, des baskets blanches, et un string qui n'avait clairement aucune utilité tant il y avait peu de tissu ; typiquement le style vestimentaire que Zooey ne portait pas.
Et seule une personne à ma connaissance se vêtait de cette manière...
— Leah ! me cria Judy en me sautant dessus, toute nue.
Oh merde !
— Tu m'as tellement manqué, chaton ! me dit-elle en me couvrant le visage de baisers, puis évidemment la bouche, aussi.
J'étais trop surprise pour me défendre, à la fois ravie et étonnée de la voir ici ; mais la réalité de la situation me rattrapa rapidement. Il fallait que je me sortisse le plus vite possible de ce bourbier, Zooey pouvait revenir à tout moment, et le quiproquo pouvait être dévastateur. Je la repoussais alors, le deux mains sur ses seins, et elle, ne comprenant pas ma réaction, me regarda d'un air très intrigué :
— Qu'est-ce qu'il y a ? me dit-elle.
— C'est que- tu dois vite te-
C'était à ce moment que la poignée de la porte d'entrée s'enclencha ; Judy, cul nu, était dos à cette dernière ; alors, dans un mouvement désespéré, je la retournai – pour pas que ses fesses halées – aussi belles qu'elles étaient – fussent la première chose que Zooey allait voir en entrant ; et comme tout ce qui se fait dans la précipitation, ça se soldait par un lamentable échec : j'étais tombée par terre, à la renverse, les fesses en avant, dans un grand fracas de linge mouillé qui claque sur un carrelage froid, et Judy avait compris ce mouvement, qui ne voulait rien dire, comme une invitation passionnelle.
Elle plaqua ses lèvres sur les miennes, et m'avait saisi le visage entre ses mains. Et merde ; je ne pouvais même pas apprécier la qualité de son baiser – qui m'avait manqué, si je devais être tout à fait honnête – mais la question n'était pas là ; la seule personne que je voulais embrasser, à ce moment-là, me voyait dans les bras d'une autre, bouche contre bouche, et qui de surcroît était complétement dénudée. Ce qui, sans la blâmer et elle aurait tout à fait raison de le croire, avait tout l'air d'une tromperie éhontée.
Dans un ultime effort, avant que Judy ne glissât sa langue dans ma bouche, j'avais réussi à la repousser en criant « attends, c'est pas ce que tu crois ! » Mais en réalité, c'était elle qui s'était relevée, voyant mes non-réponses à ses avances.
— Que je crois quoi ? me demanda-t-elle.
— Non pas toi, dis-je en essayant de m'extirper de ses jambes.
Et me tournant vers la porte :
— Zooey, ce n'est pas ce que tu crois ! répétai-je.
Judy leva à son tour sa tête, s'étonna, me regarda, puis regarda Zooey de nouveau ; alors d'une voix qui n'avait rien de naturel, un peu languissante et dépourvue de lucidité, elle lui dit :
— Je ne savais pas qu'on attendait une troisième personne.
— Judy ! criai-je en me tournant vers elle, toujours entre ses jambes. C'est pas le moment, je te jure.
Puis, voyant qu'elle n'était pas dans un état normal, je lui demandai, après un court silence :
— T'es bourrée, Ju ?!
Et me tournant de nouveau vers Zooey :
— Je peux tout expliquer !
Ju me répondit, dans un murmure d'enfant fautive, suivit d'un minuscule rot :
— Un peu... juste un peu... pompette ?
— Mais il n'est même pas dix heures du matin ! lui dis-je.
Quant à Zooey, durant cet instant éternellement long, elle ne dit rien, ne prononça aucun mot, ni aucun son, nous regardait juste, le visage fermé, dans un mutisme cruel. Sans colère ni indignation, elle semblait porter un lourd jugement sur la faute que j'avais supposément faite, mais qui dans sa tête était tout à fait tangible et réelle ; puisque tout se déroulait devant ses yeux, dans une violence et vérité crue. Elle lâche, jeta presque, les sacs de course qu'elle portait. Et sans dire quoi que ce soit, toujours, elle s'en alla en courant.
Tout se déroula si vite, et le choc était tel que je n'avais pas eu le temps de réagir. Elle avait déjà filé sur son vélo ; et finalement, Ju, après un très long silence, encore à califourchon sur moi :
— J'ai fait une bêtise, non ?
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Toi, Moi, La fin des temps. (GxG)
Roman d'amourPar un concours de circonstance malencontreux, Leah doit passer ses vacances d'été dans sa ville natale. Loin de l'agitation de la capitale, elle va séjourner, seule, dans la grande maison de sa mère. D'abord bougonne, pestant contre tout le monde...