Chapitre 27

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On s'installa à une petite table pour quatre, à l'étage en dessous, afin d'attendre Greg après son passage. Du monde, il y en avait, dans ce bar, qui déjà, avait l'air plein à craquer ; d'autres personnes, pourtant, continuaient de rentrer, de saluer le barman d'une franche camaraderie ; c'était surtout des jeunes gens, étudiants de première année pour la plupart, ça se voyait à leurs commandes : les bières les plus accessibles, et en très grande quantité. Se saouler pour un sou était toujours d'actualité, malgré les générations qui se succèdent. Et c'était drôle, pour moi, parce que c'était la toute première fois que je voyais de mes yeux ce décalage des âges ; je souriais béatement – sans trop le vouloir – en me remémorant mes premières années d'études supérieures, mes premières beuveries, et mes premières gueules de bois... puis ma première rencontre avec Ju... merde Ju !

J'avais jeté un petit regard discret vers Zooey ; Zooey qui, tout comme moi, observait avec une certaine attention le bal des jeunes étudiants qui défilaient devant nous. Elle avait un visage impénétrable, qui ne reflétait aucune émotion, ni bons ni mauvais et du reste, je soupçonnais une peine au fond de ses yeux. En réalité, malgré le brouhaha ambiant qui bourdonnait autour de nous, à notre table, c'était un silence gênant qui régnait. Depuis ma bourde téléphonique j'avais, comme qui dirait, jeté un froid – mais peut-être que l'expression est exagérée.

— Hé bah ! avait fini par s'écrier Francis.

Se balançant doucement en arrière sur son gros fauteuil, les deux mains derrière la tête, il regardait le plafond. Puis, revenant vers la table :

— Vous êtes bien bavardes, ce soir ! J'ai l'impression de ne pas pouvoir en placer une, tellement que vous jacassez !

Zooey se tourna vers lui, ne dit rien, se contenta de lui sourire, simplement. Enfin, après un petit silence à le regarder, elle ajouta :

— C'est parce qu'il n'y a rien à dire.

— Tu en as pensé quoi ? répliqua-t-il.

— C'était bien !

— Très bien, répétai-je.

— Juste ça ? demanda Francis. « Bien, » c'est tout ?

— Non, non, très bien ! appuyai-je. Vraiment très drôle ! puis, il est très bien sur scène !

— Vous voulez boire quelque chose ? nous demanda Zooey, sans transition.

— On va peut-être attendre ton frère, non ? rétorqua l'autre.

— Je vais au moins choisir ce que je veux boire, alors, dit-elle en lisant un menu posé sur notre table.

— Pareil, dis-en me penchant à ses côtés, pour lire en même temps qu'elle.

Je m'étais rapprochée de Zooey, pour mieux voir la carte ; elle fredonnait une petite mélodie, parcourait la liste de cocktails, de bières et autres shots avec son doigt, minutieusement. Elle me dit alors, toujours les yeux rivés sur le catalogue de boissons – aux noms formés de jeux de mots –, de son air innocent :

— Tu sais ce que tu vas prendre, toi ?

— Je ne sais pas encore, lui dis-je. Peut-être une bière seulement.

Dans une tentative inconsciente de me racheter, j'avais posé ma tête sur son épaule ; Zooey ne dit rien, posa simplement la sienne, de tête, sur la mienne, continua à lire. J'entendais sa respiration lente et calme, sentais son doux parfum. Francis avait dit quelque chose comme « oh que vous êtes, mims » sur quoi Zooey lui avait répondu avec une langue tirée, timidement. Je m'étais perdue, quelques instants, collée à elle, heureuse de ce moment hors de tout ; mais elle m'extirpa de ma courte rêverie en râlant doucement :

Toi, Moi, La fin des temps. (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant