Chapitre 38

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Et l'on passa le sujet sous silence à chaque fois qu'il commençait à poindre dans nos esprits ; comme si nous ne voulions pas y faire face, ni elle ni moi, dans cette peur primaire de rendre un problème trop réel si on l'exprime de vive voix. Mais comme pour tout, et malgré tout, l'ignorance n'efface rien de la réalité des faits, ni à l'impossibilité de la situation future.

On était toutes les deux allongées sur mon lit, dans un silence partagé, éclairées seulement par les premières lueurs d'un soleil timide, d'une journée commencée bien trop tôt ; il était six heures du matin à peine. Comme à son habitude, maintenant, elle s'était blottie contre moi, sa tête posée sur mon sein ; et de son index, elle dessinait des ronds, très doucement, sur ma peau nue. Elle se baladait, parcourait mon corps, qu'elle avait appris à connaître. Je sentais son souffle me caresser, sa chair contre la mienne, elle me réchauffait de sa douce chaleur corporelle ; la fenêtre ouverte, mon regard perdu à travers, posé sur les quelques nuages colorés par l'astre naissant, je m'égarai dans la rétrospective de tout ce que j'avais parcouru – ce que l'on avait parcouru.

— C'est drôle quand même, dis-je dans un souffle.

Zooey ne répondit rien, leva sa tête vers moi, simplement, et attendit la suite de ma phrase. Et moi, avec un sourire :

— Au début, je veux dire, en arrivant ici, j'étais loin de m'imaginer tout ce qui allait se passer.

— Hum, acquiesça-t-elle simplement, en me rendant mon sourire.

— Si on m'avait dit qu'en venant ici, il se passerait ça ! dis-je en la désignant d'un signe de main vague. Je ne l'aurais clairement pas cru.

— C'est vrai, répondit-elle, moi non plus, je ne l'aurais pas cru.

— Et tout ça à cause de ma bourde avec le lavabo ! Et tu savais qu'on a failli se croiser à la supérette, au tout début ?! Tu t'en souviens ? Mais ça ne s'est pas fait parce que, et tu ne vas pas me croire, c'est parce que je me suis cachée, je te jure, je savais pas quoi faire, j'étais pas prête du tout ! Même quand tu es arrivée chez moi, pour réparer le truc, je n'étais pas prête, et en plus j'étais crado, j'avais pas encore pris de douche ! l'angoisse, haha ! un enfer, comme première retrouvaille, tu ne trouves pas ?

Zooey, ne me répondit pas, une fois encore ; elle continuait, sans me regarder, à faire des ronds sur ma peau, je la sentais se blottir de plus en plus près de moi, le souffle s'accélérant, le nez qui coule, avec ces déglutitions caractéristiques, tous les symptômes des larmes qui montent aux yeux. Évidemment, elle aussi, elle y pensait. Puis d'un coup, après un silence, elle me dit, comme si de rien n'était :

— Oh ! il faut que j'envoie les photos aujourd'hui ! Sinon ça va être trop tard !

— Ah... dis-je. Euh, oui, c'est vrai.

— Et les résultats vont vite arriver, aussi... Je m'y prends un peu au dernier moment !

Elle s'était redressée, me présenta son dos nu, regardant à son tour le jour qui se levait. En essayant de faire vite, sans vraiment prendre le soin d'être discrète, elle s'essuya d'une main rapide les joues, se recoiffa, faussement naturelle. Et après s'être raclée, sans discrétion aucune, la gorge, elle se tourna enfin vers moi :

— Je suis bien, avec toi, me dit-elle doucement.

— Moi aussi, lui rétorquai-je.

Zooey me lança alors un regard dont elle seule en avait le secret ; un regard qui me touchait, plein d'envie et de tendresse charnelle. Elle avait ce don pour passer d'un sentiment à un autre, sans transition, chose qu'elle devait faire depuis des années sûrement.

Toi, Moi, La fin des temps. (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant