Je m'étais réveillée en sursaut, comme sortie d'un rêve trop étrange et qui, de cette manière qu'ont les songes de nous laisser des messages cryptiques, ne resta que quelques secondes à peine dans ma mémoire. J'avais surtout, et à vrai dire, la gorge sèche et la bouche pâteuse ; et des vagues souvenirs d'une nuit trop agitée me revinrent petit à petit. C'étaient là des symptômes que je connaissais bien trop par cœur, et je me laissais, accoutumée à ça depuis des années maintenant, le temps de retrouver mes esprits. J'étais assise sur mon lit, lasse déjà, dans la lumière crue et aveuglante d'une journée qui s'annonçait caniculaire.
Puis, les images commencèrent à se former une à une, et les bribes d'une soirée se télescopaient entre elles, pour former une sorte de bazar de lumières et de sons. Quand, soudain, au milieu du tumulte de mes mémoires qui se bousculaient, un éclat ; Zooey et moi. Je me tournai d'un coup sec, me retrouvai à côté d'elle ; elle dormait toujours, paisiblement, allongée sur le ventre, la bouche entr'ouverte, soufflant une haleine lente et languissante sur les quelques mèches blondes qui couvraient son visage, à moitié. Son unique et fine tresse coulait sur son cou, et je voyais toute sa nudité vierge, sa peau nue, son dos nu, les courbes de son échine, et la forme de ses fesses, de ses hanches se dessiner sans pudeur sous le drap blanc de mon lit.
J'avais dégluti. Je me souvins très clairement de l'accident de la veille, de ce terrible épisode de gêne qui avait succédé à ce qui aurait pu être un échange plein de passion réciproque ; mais non, il avait fallu que j'eus abusé de l'alcool. Je m'en voulais davantage, et coûte que coûte, je me devais de rattraper cette erreur.
— Ça va ? me murmura soudainement Zooey, les yeux toujours clos, d'une voix silencieuse, presque inaudible.
— Ça va, répétai-je après un silence, trop surprise de la voir réveillée.
Elle se décala alors vers moi, m'attrapa à la taille, me fit un câlin, et posa sa tête sur mes cuisses ; peau contre peau, je sentais sa douce chaleur, celle qui se cultive dans les draps d'hiver, m'irradier les cuisses.
— Tu as bien dormi ? demanda-t-elle, encore endormie, semblait-il.
— Je crois, dis-je.
Puis après un silence, j'avais posé ma main sur sa tête, elle me sourit ; je lui retournai sa question, sans trop me rendre compte de la situation ; elle répondit oui de la tête, en élargissant d'autant plus son sourire, et en ouvrant enfin les yeux, elle me dit :
— Pas trop la gueule de bois ?
— Un peu... je suis désolée...
— De quoi ?
— De hier !
— Mais pourquoi ?
— Je m'en veux, répliquai-je, très honteuse. Je n'aurais pas dû t'infliger ça, vraiment pas !
— C'est pas grave, répondit-elle en se tournant sur le dos, cachant ses yeux de la lumière du soleil avec son bras.
Je la vis là, devant moi, elle, toute entière, toute dénudée, sans pudeur, d'une innocence presque touchante. Elle me parlait, me parlait, me racontait son rêve, je crois ; mais je ne l'entendais pas, j'étais ailleurs, hypnotisée par sa bouche, par ses lèvres, par cette manière qu'elle avait de sourire quand elle parlait, par ces creux qui se formaient dans ses joues quand elle riait. J'étais hypnotisée, hypnotisée... hypnotisée par la gentillesse naturelle qu'elle dégageait, par son aura solaire, sa joie communicative et sa voix ; elle me parlait, me parlait, mais je ne suivais pas. Mes yeux, mon esprit, mon imagination, se perdaient dans la contemplation de son être, de sa personne.
Et mes mains brûlaient de cette envie de la caresser, de la prendre, de la serrer, d'attraper passionnément cette chair qui s'offrait à moi ; mais la pudeur et la bienséance, le respect de l'autre, me l'interdisait ; elle enleva son bras de ses yeux, me regarda :
— Leah ? demanda-t-elle après un silence.
— Pardon... j'étais... ailleurs...
— Je vois ça ! dit-elle avec un petit rire. Tu n'as rien suivi de ce que j'ai raconté, c'est ça ?
— Non, désolée, m'excusai-je. D'ailleurs, ce soir, tu reviens, d'accord ?
— C'est possible, pourquoi ?
— Je voudrais me faire pardonner, je te ferai à manger ! D'accord ?!
Elle me sourit simplement, déposa un bisou sur mon flanc et se leva :
— Ok, c'est possible !
Ensuite, elle se prépara, me dit qu'elle devait travailler, et rejoindre son père pour un chantier important. Je l'avais regardé se rhabiller, me sermonner gentiment de ne pas l'avoir écouté, parce que son rêve était, disait-elle, très drôle tout de même. Elle ajouta ensuite qu'elle n'avait pas le temps de s'attarder pour un petit-déjeuner, elle sauta sur le lit, me bisa subrepticement sur les lèvres, me laissa toute chose après ce réveil mouvementé. Je l'avais regardé s'en aller, et je sentais poindre dans mon bas-ventre cette sensation étrangement agréable de flottement, de papillonnement.
Je devais, très certainement, et j'en mettrais ma main à couper, sourire niaisement. Je m'étais alors affalée sur mon lit, regardai sans voir grand-chose ; je devais lui faire le meilleur repas de toute sa vie !
Mais le problème était que, les années qui s'étaient écoulées entre nous, avaient par la même occasion, divergé nos goûts culinaires ; et sans prétention aucune, je voulais lui préparer un meilleur repas que celui de sa mère. Je devais alors appeler son frère, la seule personne à ma connaissance, qui la connaissait mieux que personne d'autre. Alors, sans hésiter, après avoir attendu le temps qu'il me semblait nécessaire pour éviter tout retour surprise de Zooey, j'attrapai mon téléphone et appelai Greg ; et lui, à l'autre bout du fil, après seulement une tonalité :
— Alors, ça s'est passé comment ?! Vous avez... euh... C'est quoi les histoires ?
Je m'étais tu, nullement prête à l'entendre aussi vite et aussi fort, à croire qu'il attendait cet appel depuis des heures ; mais étonnée surtout par ce qu'il allait me demander. Alors, d'une voix hésitante, je lui dis :
— Tu allais vraiment me demander si avec ta sœur, on a... genre...
— Non, non, me coupa-t-il. Je me suis peut-être un peu trop vite emballé...
Et après un silence gênant :
— Je voulais juste savoir... comment ça s'est passé ?
— Je... J'ai pas le temps de rentrer dans les détails, dis-je toute penaude. En fait, je voudrais-
— Lui faire à manger, ce soir ! me coupa-t-il la parole.
— Comment tu l'as deviné ?
— Héhé, c'est comme ça, répliqua-t-il, très-fier.
Je pouvais entendre son sourire au téléphone ; ils avaient, lui et Zooey, et même avec Owen d'ailleurs, pas seulement eux deux, ce lien qui lie les âmes ; ils pouvaient se comprendre sans se parler, dans une sorte de connexion muette, et leur complicité naturelle me rendait, par moment, je me souviens, assez jalouse ; moi aussi, je voulais partager ça avec Zooey. Et Greg ajouta :
— Rejoins-moi à mon boulot, et je te donnerais quelques tips pour ravir ses papilles gustatives.
— Merci beaucoup Greg, j'arrive au plus vite !
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Toi, Moi, La fin des temps. (GxG)
RomansaPar un concours de circonstance malencontreux, Leah doit passer ses vacances d'été dans sa ville natale. Loin de l'agitation de la capitale, elle va séjourner, seule, dans la grande maison de sa mère. D'abord bougonne, pestant contre tout le monde...