Cette voix grave, qui venait de derrière moi, avait prononcé mon nom. Plusieurs possibilités s'offraient à moi, en réalité, seulement deux : prétendre que je n'étais pas cette personne qu'il avait appelée – au risque de créer un plus grand malaise – ou affronter la vie en face, comme une personne adulte et responsable.
Qui dans cette ville aurait pu me reconnaître, elle n'était pas si petite que ça quand même ?! Est-ce que je pouvais faire une balade tranquille sans qu'on ne me reconnaisse, est-ce que c'était trop demandé ? Alors je me tournai, doucement, avec une grimace qui ne voulait rien dire sur mon visage.
C'était un homme, un grand homme, dans la vingtaine passée, j'aurais dit. Il avait les cheveux lisses, blonds, détachés, assez pour en faire un catogan. À en juger sa musculature, la taille de ses biceps surtout, il avait une passion non dissimulée pour les activités sportives ; ce genre de personne qui se réveille aux aurores pour faire un petit footing, histoire de bien commencer la journée. Il était charmant, l'air tout gentil et attentionné. Il portait un tablier à l'effigie du restaurant, et j'en avais déduit que c'était, très certainement, un serveur ; pourtant, malgré la familiarité sans équivoque de son visage, aucun souvenir de lui ne me venait :
— Tu ne me reconnais pas, c'est ça ? ajouta-t-il, tout sourire.
Je fis non de la tête. Alors, il s'assit en face de moi. Je n'étais pas gênée, étrangement, juste intriguée par ce personnage. Et il s'accouda à ma table, me regardait droit dans les yeux ; quand j'eus vu ses taches de rousseur, les mêmes que Zooey, l'évidence m'avait frappées de plein fouet :
— Greg ? demandai-je à voix basse.
— Oui !
— Merde alors !
— Ça fait un bail, ma parole... ajouta-t-il. Je ne savais pas que tu étais de retour en ville.
Et moi, après un silence :
— Ah, c'est que... en fait, elle ne-
Je m'étais arrêtée. Pourquoi Zooey n'avait pas parlé de notre rencontre à son grand frère... Je ne savais pas. Lui, me regarda un peu étonné, et reprit :
— Elle, qui ? Tu voulais dire quoi ?
— Euh... non, non, rien... c'est que je pensais à autre chose, c'est tout.
Et il me parla de lui, en long en large et en travers, de sa vie, de ses soucis, de son quotidien ici, trop monotone selon lui, de ses rêves qu'il n'a jamais oubliés et qu'il veut un jour, peut-être, réaliser. Il me parlait comme si de rien n'était, se livrait à moi comme à une confidente de longue date, comme si l'on ne s'était jamais quitté, comme si j'étais toujours cette petite fille, la meilleure amie de sa sœur, et qu'il me considérait sans doute comme la sienne. Je n'avais, malheureusement, pas grand-chose à lui répondre ; et toute cette effusion d'intimité m'impressionnait un peu.
C'est fou, comme certaines personnes ont cette facilité déconcertante à se donner pleinement aux autres, et en plus, sans forcément attendre en retour. Je voyais clairement dans ses yeux qu'il était ravi de me revoir ; et d'avoir cette conversation. Alors, dans son flot de paroles, il s'arrêta un moment :
— Mais... j'y pense, tu voulais peut-être manger un bout ?
— Ah oui ! c'est vrai que je suis ici, c'est pour ça à la base ! rétorquai-je en riant.
— Je t'amène la carte, ou à moins que tu saches ce que tu veux déjà ?
— Tu me conseilles quoi ?
— Il y a le croque-monsieur qui est pas mal ! Avec des frites ou de la salade... et avec ça un cheese-cake ! C'est mon menu préféré !
— Va pour ça, alors !
VOUS LISEZ
Toi, Moi, La fin des temps. (GxG)
RomancePar un concours de circonstance malencontreux, Leah doit passer ses vacances d'été dans sa ville natale. Loin de l'agitation de la capitale, elle va séjourner, seule, dans la grande maison de sa mère. D'abord bougonne, pestant contre tout le monde...