Chapitre 36

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Greg, un peu gêné, s'était installé dans la cuisine. Il nous attendait, sagement, ne sachant pas où cacher son embarras ; et après nous être habillées en vitesse, on l'avait rejoint. Il était là, sans trop savoir que faire de ses bras, ni de lui-même, semblait-il.

Zooey le regarda avec des gros yeux, non sans malaise, elle non plus, en fin de compte. La situation, plus qu'improbable, était de toute évidence bien réelle ; son frère, par un moyen qui lui échappait encore – et moi aussi, à vrai dire – était rentré dans ma maison, par effraction. On se regardait, durant un court silence, tous les trois, dans le blanc des yeux. Et c'était lui, qui d'une voix précipitée, avait fini par dire, comme pour se justifier :

— Non, mais c'est comme j'ai dit, j'ai vu les vélo, par terre, sur la pelouse, posés comme ça, je me suis dit-

— Tu t'es dit, lui coupa sa sœur, que c'était une bonne idée de rentrer, comme ça, par effraction dans la maison !

— Par effraction ? répéta-t-il, étonné. Non, qu'est-ce que tu racontes, la porte d'entrée était grande ouverte...

Je m'étais penchée pour vérifier ses paroles, et constatant que cette dernière ne l'était pas, je revins vers lui, plus intriguée qu'au début :

— Mais... elle est fermée la porte...

— Bah bien sûr ! répliqua-t-il. Je l'ai fermé, j'allais pas la laisser ouverte, quand même !

— Oh putain ! s'écria Zooey, dans un éclaire de mémoire. Non, mais oui, hier, on a tout laissé ouvert... parce qu'il faisait trop chaud et...

— Et vous avez oublié de la fermer, conclut Greg en riant. J'étais vraiment inquiet, je m'imaginais le pire, déjà !

— Finalement, ce n'est pas grand-chose ! dis-je sur le même ton. Ça, c'est parce qu'on est rentrée tard hier soir.

— Ah ouais ? s'étonna Greg. Et vous avez fait quoi ?

— Oh, et bien, on est allé-

— Chut ! s'écria Zooey, avec un regard secret, et sur le ton de la blague. Ça ne te regarde pas, mon cher Greg.

— Oh, murmura-t-il en surjouant, mesdames font des cachotteries, si je comprends bien !

Puis, après un échange de banalités joyeuses sur sa soirée – celle de Greg et d'Owen – j'avais installé de quoi prendre le petit-déjeuner ; le temps s'était drôlement rafraîchi, et des franges de longs nuages blancs se dessinaient sur le ciel du matin. Le climat idéal, en somme, pour profiter du jardin ; sur la petite table de métal, circulaire et aux pieds ronds, style terrasse parisien, j'installai une nappe à carreaux rouge et blanc, histoire de ne pas tout tâcher. Et avec ce qui traînaient dans les placards, j'avais improvisé un petit festin à base de céréales, de pâte à tartiner, de biscuits et autres biscottes à beurrer ; deux jus de fruits, un reste de fond de lait, et les thés au citron qui ne semblaient pas diminuer en quantité, bien au contraire.

On rigolait, on s'amusait, on parlait de la vie, de la météo, de la fin de l'été qui arrivait à grands pas ; et sans m'en rendre compte – sur le moment du moins –, au fil de la discussion, on parlait comme des adultes, et malgré la légèreté du ton employé, les sujets n'en restaient pas moins lourds. Tout tournait autour de l'avenir, de l'incertitude, et sans gâcher la bonne humeur de ce moment, on se posait réellement les questions, trouvant par moment, des bribes de réponses, loin de tous les fantasmes d'adulescents qu'on était tous plus ou moins encore.

Ça parlait de travail, de logement, de perspective d'avenir ; et tout était amené, intelligemment, d'une pédagogie subtile et sans douleur, par Greg.

Toi, Moi, La fin des temps. (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant