Chapitre 35

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De retour chez moi, les vélos posés sans précaution devant la maison, on s'était installées à même le sol de la cuisine ; le seul endroit où l'on ne cuisait pas à l'étouffée. La chaleur de la journée s'était accumulée dans toutes les pièces, et malgré les fenêtres grandes ouvertes, les courants d'air ne voulaient pas s'inviter à notre petit tête-à-tête de fin de soirée.

Zooey s'éventait avec les prospectus qui présentaient aux hôtes la maison, posés çà et là, en évidence pour les personnes qui louaient, d'ordinaire, pendant les vacances ; c'était notre seule source de fraîcheur, jusqu'à ce qu'on trouve un vaporisateur d'eau. Alors, à tour de rôle, l'on s'arrosait abondamment ; ce qui, à force, trempa la chemise blanche de Zooey, la rendit totalement transparente et la colla contre sa peau ; elle ne le remarqua pas, et toute sa poitrine se révélait à moi, sans même qu'elle ne se dévêtît.

— Hé mais ! s'écria-t-elle, comme piquée d'une soudaine idée de génie. On peut aller barboter dans le jacuzzi !

— À cette heure-ci ? demandai-je, un peu amusée.

— Hum... fit-elle lentement dans un semblant de réflexion. Et bien, d'après l'heure, c'est le moment idéal pour faire un bain de minuit !

— Un bain de minuit ! répétai-je, très-amusée.

— Allez ! Ça va être drôle !

Elle avait enlevé sa chemise qui, de toute manière, ne cachait plus rien de son intimité, et s'était élancée dans le jardin. Je la suivais, sur les traces de ses quelques vêtements qui jonchaient le sol, et à peine avais-je eu le temps d'atteindre à mon tour le jardin, que je la vis sauter, toute entière et toute nue, dans ledit jacuzzi ; et après les bruissements de tout son corps qui pénétrait, d'un coup d'un seul, dans l'eau, elle rit à gorge déployée, surprise sans doute par la fraîcheur saisissante de l'eau.

— Chut ! sifflai-je dans un rire, me dévêtant tant bien que mal, à cloche-pied. Tu vas réveiller les voisins !

— Quels voisins ?! répondit-elle en riant.

Je la rejoignis, une fois libérée de mes habits, plus timidement, appréciant – avec la pointe des pieds d'abord – la température de l'eau ; et elle, taquine, m'éclaboussait à grand coup pour que j'accélérasse ; j'avais fini, alors, par y plonger d'un coup, l'éclaboussant à mon tour.

Je ne savais combien de temps l'on était restées dans cette eau agréablement froide ; et l'on discutait de tout et de rien, comme si l'on avait repris une ancienne conversation datant d'une autre vie ; l'on débattait, aussi, sans grand sérieux sur des questions tout à fait sérieuses ; c'était l'heure idéale pour de la philosophie légère, pour se perdre dans les réponses infinies des exercices de pensées abstraites, des « qu'est-ce que tu ferais si tu étais immortelle ? » ou « tu crois qu'on est seul dans l'univers », des « et si » et des hypothèses lunaire, des embranchements et chemins supposés de vie, créés par des choix différents de ce qu'on avait déjà fait. L'on se grisait de tous ces imaginaires, adossées et côte à côte, au bord du jacuzzi, la tête tournée vers la vaste couverture d'étoiles.

Zooey avait baillé bruyamment, sans cacher sa bouche grande ouverte, puis posa sa tête sur mon épaule. Et, d'une petite voix, très silencieuse, elle me chuchota :

— Je commence à être fatiguée...

— Moi aussi, lui répondis-je sur le même souffle.

L'accumulation des tous nos efforts physiques et nos trop-pleins d'émotions, de cette trop longue journée, avaient fini par nous rattraper ; et pareille à la foudre qui frappe sans prévenir, la fatigue s'abattit sur nous de la même manière.

Toi, Moi, La fin des temps. (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant