Chapitre 41

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Greg me remplaça sur le vélo, c'était lui qui, de toutes ses forces d'homme qui veut impressionner une femme – et ce n'est pas faute de lui avoir dit que c'était une idée stupide – prit le guidon : Ju à l'arrière, sur le petit espace réservé au panier, et moi devant, assise dangereusement en équilibre sur ledit guidon. On fila à toute berzingue, et lui et moi, savions très bien où elle s'était réfugiée, Zooey. Quant à Ju, elle semblait apprécier cette petite escapade, accrochée à la taille de Greg, poussant parfois des petits cris amusés pour chaque cahot du vélo, sur cette route plus que douteuse.

— Ça va les filles ? demanda-t-il, suant, à bout de souffle et cachant tant bien que mal sa fatigue grandissante.

— Fais attention, lui dis-je. J'ai pas envie de me péter l'autre pied.

— On est bientôt arrivés, ne t'inquiètes pas ! me rassura-t-il. Et toi, ça va Ju ?

— Très bien ! répliqua-t-elle, en cachant son visage contre le dos de Greg.

Ses mains avaient remonté le long de son torse, croisant carrément ses bras autour des pectoraux de Greg. Et plus l'on s'approchait du lieu, plus mon cœur se serrait au fond de mon torse ; et accessoirement, plus il était difficile pour Greg de pédaler, tant le chemin était escarpé. Quand soudain, après avoir pénétré dans la forêt, au détour d'un arbre, je criai :

— La !

Et Greg qui avait la tête baissée, très à fond dans sa besogne de bête de somme, pareil à ces cyclistes du tour de France qui fonce sans même regarder devant eux, se releva d'un coup, puis cria à son tour :

— Zooey ?!

— Non, son vélo, lui dis-je.

Il s'arrêta subrepticement, sans crier gare, seulement accompagné par le grincement des freins du vélo ; et moi, soumise – comme tout objet de l'univers – à la première loi de Newton, je continuai sur la lancée. Comme je ne tenais plus le guidon, tout mon corps, encore dans l'inertie, se vautra lamentablement quelques mètres plus loin, presque au pied du vélo de Zooey, dans un vol plané ridicule, peut-être accompagné d'un cris ; tout se passa si vite.

— Merde ! s'écria Greg, horrifié.

— Leah ! enchaîna Ju.

— Ça va ! dis-je en me relevant, époussetant mes vêtements rapidement, déjà en marche vers Zooey.

Je ne pouvais pas courir, seulement sautiller, tous les deux pas, aussi vite que mon corps pouvait supporter la douleur à ma cheville ; et il était fort probable qu'après ma dernière chute, d'autre partie de moi était cassée. Mais je n'avais pas le temps pour ça, et l'adrénaline, l'endorphine, et tout ce que mon cerveau pouvait me procurer d'hormone, coulait à flots dans mes veines, annihilant – en surface – toute forme de douleur.

Après avoir réglé ça, très probablement, j'aurais tout le temps que je voudrais pour souffrir.

Enfin, après une courte lutte, à presque monter à quatre pattes les pentes abruptes de la montagne, suivie de près par Ju et Greg, je déboulais sur le petit lieu secret de Zooey ; et elle était là, bel et bien là.

Dos à nous et face au paysage majestueux qui s'étendait de loin en loin, elle était assise là, par terre, en tailleur, figée dans cette vue pittoresque, à l'allure de carte postale bon marché. Elle semblait ne pas avoir entendu notre arrivée en fanfare, isolée dans cette bulle où elle se réfugiait des affres de la vie ; pareille à une statue, Zooey restait impassible, intouchable, loin de la réalité. Et enfin, après que j'eusse prononcé son nom, pour l'appeler, pleine de timidité et d'hésitation, elle se tourna, très-doucement.

Toi, Moi, La fin des temps. (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant