Chapitre 11

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Une fois la photo prise, après moult tentatives plus ou moins chaotiques, Evelyn, d'une voix mielleuse, avait supplié une ultime fois Greg de lui envoyer la dite photo. Owen, de son air d'adolescent farouche et peu docile, grommela quelques mots que personne n'avait clairement entendus. Son grand frère, regardant fièrement ses clichés, lui avait ébouriffé les cheveux, en lui disant qu'il était le plus beau et le plus mignon de tous, si seulement il avait souri. Ensuite, il me montra son téléphone et mes yeux tombèrent tout de suite sur Zooey ; Zooey qui me tenait la taille, Zooey qui souriait tranquillement, Zooey qui avait posé sa tête sur mon épaule. Une fois de plus, j'avais rougi.

— Elle est bien ! nota Greg.

— Oui, dis-je dans un souffle.

— Allez ! conclut Evelyn, tout le monde à table maintenant !

— Mais maman ! se plaignit Owen. Déjà ?! J'peux pas manger dans ma chambre ?

— On a une invitée de marque, Owen, répliqua-t-elle d'une voix douce et ferme à la fois. Alors, tu fais comme tout le monde, et tu t'assois à ta place.

Il m'avait fusillé du regard, se demandant sûrement qui j'étais pour troubler son petit monde et mettre à mal ses habitudes d'adolescent fainéant. Il finit quand même, à contre-cœur, sans trop avoir le choix, par mettre les pieds sous la table. On était installé comme ça : Christophe et moi présidions la table chacun à notre bout – il fallait, paraît-il, une place prestigieuse pour une invitée qui l'était, puis vint Evelyn en face d'Owen, Greg à son côté, et, pour finir Zooey, tout proche de moi, à ma droite.

Contre toute attente, Evelyn avait réussi à débouchonner les deux bouteilles de vin, sans les gâcher, ni les bloquer, ni les bouchonner ; il se révéla que c'était presque comme une deuxième nature chez elle ! On trinqua à mon passage, nos retrouvailles, et à ce modeste repas que nous allions partager ensemble. Rien de bien exceptionnel, me disait Evelyn avec un sourire désolé, elle n'avait pas le temps, et n'avait pas prévu non plus de grand festin pour ce soir-là !

— C'est pas grave, vraiment ! insistai-je. Je viens à l'improviste, ce n'est pas très correct, finalement !

— Comme poser des lapins, murmura Zooey sans me regarder.

Et moi, piquée en plein cœur par cette remarque si cruellement vrai, avais gardé la bouche entr'ouverte, arrêtée en plein vol. Alors, elle me regarda, me sourit d'un air de dire « je te taquine. » Mais, comme personne ne l'avait entendu, la discussion continua sans même faire allusion à cette pensée subreptice de Zooey.

Christophe, portant drôlement son verre de vin à la bouche, m'avait demandé, avec un peu plus de sérieux que la première fois :

— Alors, tu deviens quoi ? Comment se passe la vie à la capitale ? pas trop mouvementée ? Ça ne te manque pas ici ?

J'avais pris une grande respiration et le temps pour réfléchir à toutes ces questions. Il était vrai que, depuis mon départ, je ne me les étais jamais posées, ces questions. La vie s'écoulait si vite là-bas, qu'en un rien de temps les années passaient sans que l'on ne les remarque ; finalement, c'était la toute première fois que je prenais du recul. Puis, après une deuxième grande inspiration :

— Et bah... Ça va plutôt bien ! Je suis pas mal occupée, entre les études, les stages, les sorties, je n'ai pas vraiment eu de temps pour moi... mais, après tout, j'ai choisi de partir... je pense... je crois... que

Puis, en regardant Zooey, un peu coupable :

— Je ne le regrette pas, et est-ce que ça me manque ici ?

J'avais laissé une pause. Et Zooey, tenant son verre à pied comme il ne le fallait pas, me regardait par-dessus son breuvage, les sourcils levés, les yeux grands ouverts. Sa bouche formait une moue toute mignonne pendant qu'elle portait le vin à ses lèvres. Alors, avalant de travers, j'avais dit, les pommettes toutes rougissantes :

Toi, Moi, La fin des temps. (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant