Chapitre 6

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Je ne savais pas trop quoi répondre à sa question. L'affirmative serait étrange, puisqu'on aurait passé tout ce temps, dans le salon, à ne rien dire, pour que finalement l'on se délivre sur le pas de cette porte. La négative, aussi, d'une manière plus étrange encore, était une réponse que je ne pouvais pas donner : ça serait lui mentir ouvertement, genre « écoute Zooey, bien sûr qu'on se connaît, mais ne vois-tu pas que je suis l'incarnation de la gêne-même ? alors, faisons comme si l'on ne se connaissait pas, veux-tu ! » La première option restait donc la plus appropriée ; puis foutu pour foutu, je lui dis, avec jeu acteur plus que médiocre, essayant de reporter la faute sur elle :

— Je me demandais si tu allais t'en rendre compte ! Je me disais bien moi aussi, que je t'avais déjà vu quelque part !

Elle rigola doucement, passa une main dans ses cheveux, puis, après une pause, regarda sur le côté, la douce joie sur son visage s'était effacée. Elle revint vers moi, et, cette fois-ci avec un faux sourire :

— Ça fait bizarre de te revoir.

— Oui, dis-je après une pause. Ça fait quoi ? Au moins dix ans ?

— C'est ça, peut-être même un peu plus, souffla-t-elle en croisant les bras.

Sans m'en rendre compte, je m'étais mise, moi aussi, dans la même posture qu'elle. On était alors, toutes les deux, renfermées sur nous-même, regrettant peut-être cette interaction. Puis, Zooey, après avoir soufflé et regardé au-dessus de ma tête, quelque part dans le vide, fuyant mon regard sans doute :

— Alors, tu deviens quoi, maintenant ? Tu es en vacances, c'est ça ?

— En vacances, on peut dire ça comme ça oui. Et sinon, je serais en troisième année d'archi, à la rentrée, et toi ?

Elle regarda la maison, derrière mon dos, pensive, puis :

— Pas vraiment en vacances ? Tu es juste de passage ?

— Non, non, je reste là jusqu'à la rentrée, papa m'a lâchée, donc... enfin, voilà. Et toi du coup ?

— Ah oui... souffla-t-elle, se rendant compte qu'elle n'avait pas répondu à ma question. Bah je bosse, comme tu peux le voir !

Zooey me montra sa boîte à outil, nonchalamment :

— J'enchaîne les petits boulots, continua-t-elle sur un ton las, et là je bosse avec Christophe, enfin, mon père, tu te... ?

— Oui, dis-je en rigolant, je me souviens de « Chri-chri ! »

Peut-être qu'en apparence, je montrais une certaine joie pendant cette discussion, mais à l'intérieur, je savais que je me sentais extrêmement mal ; mal à l'aise de parler avec elle, comme si de rien n'était. Des excuses, pour une raison obscure, voulaient sortir de ma bouche, mais je n'y arrivais tout simplement pas. Puis, elle me regarda dans les yeux, se mordit la lèvre inférieure, subrepticement, et pas aussi vite qu'elle ne l'aurait voulu, puisque je l'avais remarqué. Mon cœur rata un saut, ou deux ; il venait de chavirer. Il y a ces amours, ces sentiments, ces émotions, que l'on pensait oublier à jamais, mais non, ils sont toujours là, et vous chamboulent autant qu'au premier jour.

— Ça te dit, continua-t-elle après une grande inspiration, de se boire un verre, genre demain ? Tu es dispo ?

Je fis oui de la tête, sans vraiment réfléchir, puis de toute manière, je n'avais rien de prévu d'ici jusqu'à la fin de mes "vacances". Mais, pour autant, je ne voulais pas forcément de ce verre. Du reste, encore prise au piège de ce faux-semblant, j'avais accepté son invitation. Elle continua alors à me parler, sans que je l'entende ; j'étais comme en pilotage automatique. Zooey me donna son numéro de téléphone et un rendez-vous dans un bar, quelque part, c'est super sympa, me disait-elle. Elle repartit ensuite dans sa camionnette, l'air de rien, et heureuse apparemment de notre prochain verre.

Toi, Moi, La fin des temps. (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant