Chapitre 18

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Dans la vie, il y a des événements que l'on n'oublie pas, que l'on ne peut pas oublier, tant ils ont marqué notre mémoire ; d'une force absolue, dans le bien ou dans le mal, ces moments-là resteront en nous pour toujours, font partie intégrante de notre personne à jamais. Très souvent, ce sont les premières fois des épreuves qui nous terrorisent le plus, ou bien les premiers ratés : la première chute à vélo, le premier râteau, la première rupture ; ces choses qui nous forgent, qui font ce que l'on est.

Ce baiser, ce n'était pas notre premier, seulement le deuxième ; pourtant, et malgré tout, il avait le goût de ces premières fois, plein de maladresse, d'hésitation, et de franche passion. Mes mains étaient restées sur ses joues, les caressaient doucement, pressant mes lèvres aux siennes, dans la chasteté simple des baisers timides de jeunes amoureuses. Je sentais sa respiration, ses doigts s'accrocher aux miens ; ils étaient froids, tremblaient un peu, se réchauffaient au contact de ma peau. Et ses lèvres avaient ce petit goût sucré, cette tiédeur légère, humides à peine.

J'ouvris enfin mes yeux, une fois que je m'étais décrochée d'elle. Je retins mon souffle, et tout autour de moi, de nous, étais suspendu dans l'instant ; il n'y avait plus rien, comme dans ces films romantiques où les deux protagonistes principaux s'avouent leur amour respectif dans un jeu de regard sincère, sans prononcer un mot, et qui mérite, au moins, un oscar.

C'était elle, qui, balbutiante, et après avoir cligné des yeux à répétition qui me dit, d'une petite voix à peine audible :

— Tu es saoule ?

Et moi, tout naturellement :

— Oui.

Ensuite, après une pause, d'une vérité si naïve, pleine de candeur, et sans la moindre culpabilité, je rajoutai :

— J'ai pas mal bu ce soir.

Zooey se retira d'un pas en arrière, fronça les sourcils et avait une expression de méfiance, de doute. J'eus compris alors ma bourde, et tenant de me rattraper tant bien que mal :

— Non, c'est pas ce que tu crois !

Elle croisa les bras d'un air triste, alors j'avançai vers elle, la saisis par les épaules. Une fois encore, j'avais planté mes yeux dans les siens, et sans le moindre hésitation, puisqu'elle n'était pas permis dans ces moments-là, je lui dis, le plus sérieusement possible :

— Oui, j'ai bu. Et oui, j'ai totalement conscience de ce que je fais. Pourquoi je l'ai fait ? je ne sais pas. Mais ce que je sais, c'est qu'il fallait que je le fasse.

Elle déglutit, fuit du regard, jeta un œil par-dessus mon épaule, vers la maison encore toute vibrante de la soirée. J'avais compris, elle voulait partir de là.

— Tu veux rentrer ? lui demandai-je à l'oreille.

Elle dit oui de la tête, timidement, les pommettes rosées.

— Viens, ajoutai-je. On va au moins prévenir ton frère.

J'avais pris sa main, l'emmena une fois encore à l'intérieur, cherchant son frère dans ce foutoir de gens bourrés et de musique trop forte. Une certaine excitation montait en moi, d'ordinaire, je savais par avance comment aller finir une soirée où j'embrassais quelqu'un ; là, tout me semblait flou, et je n'avais aucune idée de comment tout ça allait se terminer, et par la force de l'inconnu, par ce jeu où rien n'est gagné, mon cœur s'emballa très vite.

On retrouva Greg et Francis, toujours sur le même canapé, mais cette fois seuls. Les deux avaient les yeux vitrés et un sourire niais aux lèvres. Ils semblaient parler de choses très importantes tant ils essayaient tant bien que mal d'avoir l'air concentré et sérieux. Mais arrivée à leur niveau, je m'étais vite rendu compte que ces deux heureux imbéciles déblatéraient des paroles sans queue ni tête ; Greg me regarda le premier, puis Francis, interrompu dans leur débat de philosophie de comptoir.

Toi, Moi, La fin des temps. (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant