Avant même que je pusse dire une syllabe, un mot, ou un bonjour, Ju, à l'autre bout du fil, commença par déverser une longue tirade de sons incompréhensibles ; un mélange de colère et de déception, de phrases mal articulées.
Elle était dans une de ses fulgurances de rage, où son esprit vif et volatil échappait carrément à toute forme de raison. Ju, à l'image de sa personnalité chaotique, avait des colères explosives – toujours justifiées, cela dit ; incapable de rester sans broncher devant une injustice, des cons, ou des mains baladeuses des ravagés du métro. Elle aimait – comme elle le dit si bien – laisser gronder le volcan qui sommeillait en elle, parce que « si on se laisse faire, ils nous prendront tout ! »
— Ju ! Ju ! dis-je pour couper son élan.
— Quoi ?! répliqua-t-elle d'un ton sec, stoppant net son flot continu de parole.
— Respire un bon coup, et parle plus doucement... sinon je ne comprends rien de ce que tu me raconte ! Calme-toi...
— Me calmer ?! Me calmer !? répéta-t-elle de plus belle.
— Non, c'est pas ce que je- enfin- tu-
— Mais bien sûr que je vais me calmer, enchaîna-t-elle, je me calmerais quand l'autre gamin de Justin aura décidé de se comporter comme un adulte, et pas comme- pas comme- pas comme un gros con ! Pourquoi il faut toujours que ce soit pareil ? hein ! tu le sais, toi ? tu le sais ?! Parce que j'en ai ma claque de me coltiner tous ces petits merdeux à l'ego de gros fragile, incapable de faire preuve de discernement et de se rendre compte de son comportement de gros bébé ! Pourquoi ça doit toujours tomber sur moi ?! J'ai fait quoi pour mériter ça, hein ? parce que monsieur est jaloux, monsieur se croit être le centre de mon univers ? hein ? tu penses que je t'appartiens, c'est ça ?! Alors ça y est, je parle avec des gens et il en fait toute une crise ?! il m'a chié une pendule parce que je parle avec d'autres gars ?! alors qu'il fait exactement la même chose, en plus !? Oh, le culot ! le culot ! Je crois qu'à port son ego, c'est le truc le plus gros chez lui ! Alors, ouais, je vais me calmer ! je vais bien me calmer quand je l'aurais viré de chez moi ! parce que tu sais ce qu'il m'a fait, là ?
— Euh... non je ne sais p-
— J'étais chez un pote hier soir, rien de spécial, mais monsieur n'a pas voulu comprendre, de toute façon, il ne comprend que ce qu'il a envie de comprendre ! Et j'avais beau lui expliquer que c'était juste un ami, non, il s'est entêté dans ses grands délires de paranoïaque jaloux et possessif ! Alors, il n'a pas trouvé mieux que de venir squatter devant mon palier, à crier comme un fou ! J'ai eu sept appels de mes voisins !
— Oh...
— Il était complètement bourré à ce qu'il parait, et il a fini par s'endormir sur le sol !
— Ah...
— Alors je vais le prendre par la peau du cul, grogna-t-elle, et il va dégager fissa !
— Tu... ça va aller ?
— Oui ! répliqua-t-elle, pleine d'assurance.
Puis, après une pause et un long souffle :
— Je te jure, j'en ai ma claque, des hommes !
— C'est pas la première fois que tu me dis ça, loulou, soufflai-je entre deux pouffés de rire retenu.
— Mais c'est la première fois que je vais l'appliquer ! Ça tu peux en être sûre et certaine !
Puis, d'une voix allant de cette rage indestructible à une profonde tristesse, elle me dit :
— Tu sais, j'en ai marre, vraiment. Au-delà de ça, de tout ça, je veux dire, j'en ai plus que marre. J'en ai assez, Leah, de virevolter dans tous les sens, de ne jamais m'attacher, par peur d'être blessée – et en même temps – regarde sur quoi je tombe, ha ! Mais quand même, je veux vivre le grand amour ! Merde ! Pourquoi, moi, je n'aurais pas droit à ça, hein ? Putain, c'est pas trop demander, non ?! Je veux me sentir aimer ; je veux me sentir unique ; je veux une putain de belle histoire, je ne veux plus de mensonges, je veux quelque chose de grand, qui sauve la vie, qui trompe la mort, un regarde qui me perfore de part en part, je veux que ça me tombe dessus sans crier gare, un truc bandant, un truc dément, un truc qui me redonne la foi ! Putain, Leah, je veux juste aimer sans raison, et qu'on m'aime de la même façon !
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Toi, Moi, La fin des temps. (GxG)
RomancePar un concours de circonstance malencontreux, Leah doit passer ses vacances d'été dans sa ville natale. Loin de l'agitation de la capitale, elle va séjourner, seule, dans la grande maison de sa mère. D'abord bougonne, pestant contre tout le monde...