Black Hearts : Le poids du passé

Chapitre 1: Routine

Eileen                                                                                                                                       1 an plus tard

Comme tous les matins, je finis ma course à travers les bois, profitant des derniers instants de fraîcheur avant que la chaleur et l'humidité de la Louisiane ne prenne le dessus. Le temps est particulièrement lourd en été, et il devient de moins en moins supportable. Le domaine des Black Hearts se trouve à quelques kilomètres de la Nouvelle-Orléans, au beau milieu de la jungle qu'est le bayou. Honnêtement, si je ne savais pas qu'il était là, jamais je ne serais tombée dessus.

Les immenses grilles de protection qui ferment le domaine apparaissent devant moi et Stan, un grand brun aux yeux marrons, et Mike, un beau blond aux yeux verts, les gardes en faction ce matin, me laissent passer sans plus qu'un regard. Je me souviens encore qu'au début de mon arrivée ici, j'avais le droit à un interrogatoire musclé chaque fois que je revenais de mon jogging matinal. Éventuellement, la confiance finit par s'installer et désormais, ils me laissent en paix. Je m'entends bien avec Stan et Mike, comme avec le reste du gang en général, mais ils savent très bien que s'ils ne veulent pas se retrouver avec mon poing dans la figure, il ne vaut mieux pas me parler avant qu'une tasse café n'ait touché mes lèvres. Or, je ne prends jamais de café avant d'aller courir. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle les interrogatoires des premiers mois étaient aussi agités. Je m'étais retrouvée plus d'une fois prise au beau milieu d'une bagarre parce que je n'avais pas aimé la question, le ton ou même la tête du garde.

Contrairement à ce qu'on peut croire de l'extérieur, le domaine d'Enrico Guerra, le chef du gang, est particulièrement grand. Après tout, nous sommes l'un des gang comptant le plus de membres avec les Black P Stones - nos principaux rivaux -  et les Tanglewoods. Deux des trois bastions, disposés autour de l'immense manoir principal à l'architecture coloniale, sont des bastions d'habitation. Tandis qu'un immense réfectoire, un gymnase et une salle de tir sont aménagés dans le troisième. Un bâtiment plus petit que les autres sert de garage et deux autres d'entrepôt pour les armes que nous utilisons et celles que nous revendons. Je me dirige vers le manoir principal où je réside et monte rapidement au deuxième étage, où se trouve ma chambre et ma salle de bain. Je suis couverte de sueur et je ne rêve que du bain qui m'attend.

J'ouvre ma porte de chambre et réalise mon rêve parce que je suis ce genre de femme à toujours réaliser ces rêves ! 

À peine cinq minutes plus tard, je barbote, la tête posée contre l'appuie tête, les yeux fermés, de la musique à fond dans mes oreilles et de la mousse me recouvrant le corps. Je pousse un soupir de satisfaction...

Quel bonheur!

Soudain, la porte de la salle de bain s'ouvre et je tends instinctivement la main vers mon flingue qui repose à côté de ma tête. Ça peut paraître étrange mais dans ce monde là, j'ai appris à ne jamais aller nulle part sans une arme. Même lorsque je prends un bain ou une douche.

- Holà chica! S'écrie une voix féminine

Je lâche mon pistolet et grogne à l'attention de Cléo, mon amie la plus proche ici. Si tant est qu'il est possible d'avoir des amis dans notre milieu.

- Oh ça va, je t'ai apporté un café ne t'inquiète pas. Souffle-t-elle, jouant l'exaspération à merveille. Cette femme m'adore. 

Je lève un sourcil et tends la main vers la tasse fumante. 

- Derien, y'a pas de quoi!

Je roule des yeux et bois tranquillement mon café.

- Il est bon. Concédè-je.

Je la regarde par dessus ma tasse et lui demande ce qu'elle fait là.

- Comment ça qu'est-ce que je fais là? S'écrie-t-elle, faussement indignée. Aujourd'hui ça fait officiellement un an que tu fais partie de la famille, il faut qu'on fête ça!

Je grimace à l'entente du mot famille. J'avais déjà une famille et elle était morte sous mes yeux. Alors non, les Hearts ne sont pas vraiment ma famille. Ils sont d'ailleurs d'avantage une couverture et une protection qu'autre chose... Bien qu'aucun d'entre eux ne soient au courant.

- À huit heures du matin ? Bougonnè-je

Elle hausse les épaules avant qu'un grand sourire n'illumine son jolie visage. Cléo est une superbe afro-américaine aux yeux marrons claires et débordante de joie de vivre. Son charme naturel et sa bonne humeur sont parfaits pour ses missions au sein du gang. Les Hearts trempent principalement dans le blanchiment d'argent et le trafic d'armes et d'informations. Bien sure, ils sont à l'origine de nombreux braquages, assassinats et autres réjouissances mais ce ne sont pas leurs activités principales. Enfin bref, bien entendu, Cléo est informatrice pour le gang. Elle part régulièrement à la chasse aux informations sur toutes sortes de gens, du criminel à l'homme politique, en passant par tous les plus grands chefs d'entreprises. Bien évidement, elle excelle dans ce qu'elle fait et n'a même pas besoin, la plus part du temps, d'utiliser la violence. Un sourire et hop, l'info lui est servie sur un plateau en or serti de rubis. L'innocence et la candeur qu'elle dégage aux premiers abords poussent les autres à s'ouvrir à elle. Mais ce que les gens oublient souvent, c'est qu'il ne faut pas se fier aux apparences. Cléo est capable de torturer et abattre un homme sans sourciller et de dormir comme un bébé la nuit qui suit.

- Pourquoi pas ? Sourit-elle. Voyant que je reste perplexe face à sa proposition, elle prend sa tête de chien battu. Aller Eli! Tu sais très bien que je pars en mission à NYC dans deux jours, geint-elle, si on ne fait pas la fête maintenant qui sait quand est-ce qu'on la refera ?

Ah ba voila, je savais que son idée stupide de fêter mes un an d'intégration au sein du gang n'était qu'un prétexte pour qu'Enrico nous laisse faire la tournée des boîtes en ville.

- Pfff... 

Elle sait que je ne peux résister à sa version du chat de Shrek. Cléo pousse un cri suraigu et m'informe qu'on part faire les boutiques dans une heure.

Je marmonne quelque chose d'inintelligible avant de me replonger dans mon bain, Highway to Hell de ACDC à fond dans mes oreilles.

Yep. C'est bien un allé simple en enfer qui m'attend. Je déteste faire du shopping.