Chapitre 33: New-York, New-York (1)

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Eileen
L'effervescence de la ville m'avait manqué. Les immenses buildings qui semblaient sans fin tant ils s'élevaient haut dans le ciel , la foule de touristes émerveillés par l'une des plus grosses villes du monde confondue à la masse de New-Yorkais pressés à l'air renfrognés, le constant brouhaha des klaxonnes mélangé à la musique de la cohue ambiante... Il n'y avait pas à dire j'étais très loin de la petite ville de la Nouvelle-Orléans. New-York était un autre monde totalement à part du reste du pays. La ville ne s'arrêtait jamais de bouger, d'être emplis de monde à n'importe quelle période de l'année, si bien qu'il semblait que la cité elle-même semblait vivre. Si j'aimais la tranquillité de la Louisiane, j'avais grandi qu'à quelques heures de cette éternel agitation et l'ambiance de la ville me manquait.
New-York avait eu différente signification pour moi au cours de ma vie. Petite, Erik m'emmenait en excursion dans les rues de la Big Apple et me faisait découvrir des coins peu connus du grand public. Nous adorions faire ce genre de choses juste lui et moi. Loin de la vie de gangs qui, je le savais, l'épuisait parfois. A l'époque, je ne savais pratiquement rien de leur véritable activité, mon père mettait un point d'honneur à me préserver de toute cette folie. Il voulait, malgré tout, me donner la chance de grandir comme les autres petites filles qui, dans sa tête de parrain russe de la vieille école, rêvaient de prince charmant et de licorne. Marrant comment les choses avaient tourné non ?

La vie... Quelle salope.

Plus tard, New-York était devenu l'un de mes terrains de chasse préférés après Boston, ma ville natale. J'avais toujours du boulot par ici et l'afflux de monde à toutes heures du jour et de la nuit rendait mon job bien plus facile. Ça pouvait paraître étrange mais en réalité, la masse aidait à se dissimuler et à disparaître facilement. C'était d'ailleurs dans ce cadre que j'avais fais la connaissance du Loup de Wall Street, Simon LeRoy qui n'avait rien de Jordan Belfort*. LeRoy était un impitoyable connard mais grâce à qui j'avais considérablement étendu mon réseau de contacts... Et d'ennemis. J'avais du fuir New-York et retourner à Boston quelques mois seulement après mon arrivé quand j'étais devenue la cible numéro un du Seigneur de la ville.

Toni Berlusconi.

Le petit frère de Giacomo avait eu vent de mes activités sur son territoire et de ma liste de cibles et on ne pouvait pas dire que ça lui avait plu. Bon, il était vrai que j'avais été la cause de la mort de Parker, l'un de ces plus gros vendeurs de cames... Mais eh! Fallait pas être à l'origine de l'overdose de la petite fille du patron de la Key Bank de New-York. Heureusement et contrairement à Parker, la gamine n'était pas morte mais elle avait eu la peur de sa vie. Bref, j'étais devenue une véritable cible mouvante et j'avais été contrainte de m'éloigner quelques temps. Seulement voilà, la vie avait décidé qu'elle n'en avait pas finit avec moi et à peine un an plus tard, j'avais intégré les Black Hearts. J'étais d'ailleurs persuadée que LeRoy avait un rapport avec les événements qui avait précédé mon arrivée précipitée en Louisiane et je comptais bien profiter de notre mission pour en avoir le cœur net... Et me venger. J'espérais seulement que mon cousin n'était pas devenu assez con pour s'allier à lui, auquel cas nous allions avoir de gros problèmes.

Je m'apprêtais à tourner dans une petite rue perpendiculaire à Mulberry Street dans Little Italy où je savais trouver un petit café dans lequel Erik et moi avions l'habitude de nous rendre à la fin de chacune de nos excursions, quand une stature que je ne connaissais que trop bien disparue au coin de la rue. Je m'apprêtais à rebrousser chemin, peu désireuse de croiser la route d'Armand Fisher -un des membres du cercle privé de Toni Berlusconi et qui aurait vite fait de prévenir tous les malfrats de la ville que j'étais de retour compromettant ainsi notre mission- quand une personne qui n'aurait jamais dû être après lui se faufila à sa suite. Je me figeais de stupeur. Qu'est-ce que c'était que ce bordel ? Pourquoi diable Donavan le suivait ? Il était tombé sur la tête ou quoi ? Si Armand s'en rendait compte, il était mort. On ne pouvait pas dire que le bras droit de Toni B. était du genre à se poser des questions... Au contraire, c'était d'avantage un je-te-tue-et-je-torture-les-membres-de-ta-famille-pour-savoir-ce-que-tu-voulais type de personne. Je ne savais pas ce que Donavan lui voulait mais je devais absolument l'empêcher de faire une connerie. A la pensée du corps de Donavan mutilé et sans vie, une colère sourde m'envahit. Je ne m'attardais pas sur l'horreur et la fureur que je ressentais à la pensée qu'Armand fasse du mal à mon partenaire, et m'élançais à leur poursuite, une multitude de questions tournant en boucle dans ma tête. La ruelle dans laquelle les deux homme avaient tourné était relativement sombre, malgré le ciel bleu et le soleil d'été, et sale. Des containers débordant de poubelles qui dégageaient une forte odeur de mort étaient alignés le long des bâtiments et un mur de briques noir de saleté fermait la rue contre lequel se trouvait deux autres containers.

Un cul de sac. Génial!

Je m'avançais de quelques pas et tournais sur moi-même, me demandant où ils avaient bien pu passer. Des voix se firent soudainement entendre. Je décrochais l'un des couteaux fixés à ma cuisse et m'approchais de l'endroit d'où il me semblait les avoir entendu. C'était comme si les voix venaient de derrière les poubelles. Dégoûtée à l'idée de toucher le vide-ordures puant, je dus retenir ma respiration et ne pas trop regarder sur quoi je mettais les mains. Je décalais la poubelle qui révéla un trou dans le mur de briques de la taille d'un être humain normal. Sans plus réfléchir, je m'y engouffrais et me retrouvais dans une ruelle plus sombre encore que la précédente. C'était comme si j'étais passée du jour à la nuit en un seul pas. Les voix se faisaient plus éloignées alors j'accélérais le pas, arme à la main. Malgré mon pas léger et mon extrême précaution, le moindre de mes mouvements résonnaient dans toute l'allée, prévenant de mon arrivée comme une cloche annonçait l'heure. Mon pied rencontra une flaque de je ne savais trop quoi, et je n'étais pas sure de vouloir le savoir d'ailleurs. Le boucan qui sembla résonner dans tous le passage me fit grimacer. Je me plaquais contre l'un des murs, au cas où un curieux eut la bonne idée de venir vérifier d'où provenait le bruit. Je comptais jusqu'à dix et, n'entendant rien que le silence écrasant de la ruelle, repris ma filature.

Je longeais les murs sales en réprimant un frisson chaque fois qu'un truc poisseux me touchait jusqu'à ce que les voix, qui s'étaient considérablement éloignées, furent plus distinctes. Je tournais à gauche et me jetais derrière la voiture brûlée garée sur le côté. La voix d'Armand était toute proche, à quelques mètres seulement. Je ne comprenais pas tout ce qu'il disait car il parlait dans sa langue natale et que mes notions d'italien étaient lointaines mais il n'avait pas l'air ravi. Sa voix était dure et ces mots d'avantage crachés que parlés. Je ne voulais pas être à la place de la personne en face de lui. J'inspectais discrètement les alentours à la recherche de Donavan mais ne le vis nulle part. Une peur panique qu'il lui fut arriver quelque chose me prit aux tripes à m'en rendre malade. Des images de lui en sang s'empara de mon esprit avec une telle force que je pouvais entendre ces cris de douleur résonner dans mes oreilles jusqu'à m'en étourdir. Je m'administrais une claque mentale et me concentrais à nouveau sur la situation. La clé était de ne pas céder à la panique, ce qui ne m'était pas arrivé depuis mes premières fois sur le terrain avec les Boston Scotts avant d'intégrer officiellement le gang, puis paniquer ne m'amènerait nulle part d'autant qu'il était fort probable que je ne me fisse seulement des films. Je ne devais pas oublier que Donavan était un combattant aguerri et l'un des meilleurs tireur d'élite que j'avais vu. Mike et Finn me l'avaient d'ailleurs suffisamment répété. Je pris donc une grande inspiration pour clarifier mes pensées et retrouver le calme de la professionnelle que j'étais. Je roulais sur le côté de la voiture de sorte à me cacher entre le mur et elle et d'ainsi me rapprocher d'Armand. Avec un peu de chance, je comprendrais au moins la teneur de ces propos. D'autant que la voix de l'italien s'était radouci et que je comprenais d'avantage ce qu'il disait désormais.

- ... impaziente... piano...russo...congresso...francese...

Bon de ce que je comprenais, les Berlusconi savaient que mon cousin et Dragan se rendaient au Congrès pour rencontrer Simon mais c'était tout. Cela signifiait-il qu'ils allaient tenter quelque chose ? Allaient-ils être présent au Congrès ? Avaient-ils l'intention de tuer Vlad et Drag lors de l'événement ? Tant de questions en suspends et si peu de réponses... Si les Berlusconi débarquaient au Congrès, ça allait être la merde. Je devais absolument retrouver Donavan et ce n'était pas en restant là que j'allais réussir quoi que ce soit. D'autant que je ne comprenais rien à ce qu'ils disaient donc...

Je me relavais discrètement et commençais à rejoindre la ruelle de laquelle j'étais arrivée. Avant de m'éclipser, et afin d'amasser le plus d'infos possibles, je jetais un œil à Armand par dessus mon épaule pour voir à qui il s'adressait. Ce que je vis me glaça le sang. Tout mon corps se figea et mon esprit cessa de fonctionner un instant, refusant d'accepter qui il voyait.

Donavan.

Nda: *personnage principal dans le film Le Loup de Wall Street

Black Hearts : Le poids du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant