L'émir Des Ténèbres

56.

Après avoir reçu ce message de mon frère, je cours jusqu'au bureau de l'émir. Je toque avant d'entrer puis le vois avec son conseiller, Salih. Mais en ce moment, c'est la dernière chose à laquelle je pense.

- Votre Majesté, Rayan est en vie ! Lui dis-je joyeusement.

Il me regarde interloqué. Cette phrase me procure un soulagement... parce que oui ! Mon frère n'est pas mort et je veux le crier sur tous les toits.

- Regardez, il m'a envoyé un message. Dis-je en lui montrant le téléphone.

Il le regarde attentivement puis donne le téléphone à Salih.

- Salih, localise moi ce numéro. Ordonne-t-il.

Salih hoche la tête puis s'en va rapidement.

- Vous allez le retrouver ? Lui demandais-je.

Il hoche la tête. Je sais que ce message peut être faux, mais je garde espoir. J'ai de nouveau espoir. Si Rayan est en vie, alors il m'en informerait. Et c'est ce qu'il a fait. Peut-être que c'est naïf de ma part, mais j'y crois. Je le sens. Rayan est en vie.

- Je suis content pour vous. Me dit l'émir.

Je lève la tête vers lui et me sens tout de suite gênée. Tout ce que je lui ai dis me revient en tête.

- D'ailleurs... je voulais m'excuser. Je vous ai accusé à tort... Dis-je en grimaçant. Je ne savais pas ce que je disais.

Il se lève alors, s'approche de moi et pose ses mains sur mes bras.

- Vous n'avez pas à vous justifier, princesse. M'assure-t-il. Je comprends tout à fait.

Je lui fais un petit sourire. Cela me rassure qu'il ne le prenne pas mal. Malgré moi, ce qu'il pense, ce qu'il ressent, est important pour moi.

- Et quoi que vous direz, je vous protégerais. M'avoue-t-il. Je vous protégerais pour toujours.

- ... Même quand je retournerais chez moi ? Lui demandais-je.

Il me regarde longuement avant de hocher la tête.

- Je continuerais à vous protéger n'importe où parce que votre cœur est aussi blanc que la neige. Et tant qu'il sera aussi blanc, vous continuerez de faire confiance aux mauvaises personnes. Donc je continuerais à vous protéger d'eux. Me dit-il doucement.

Je sens mon cœur arrêter de se battre. Il ne m'a jamais dite ce genre de mots et... et maintenant que cela arrive, j'en reste sans voix.

- Êtes-vous une mauvaise personne, votre Majesté ? Le questionnais-je.

- ... Je suis une bonne personne avec vous. Souffle-t-il.

Je fais les gros yeux et mes joues chauffent. Je baisse la tête, gênée. Et cette proximité entre nous ne m'aide pas.

- Je... On... On devrait aller voir Salih. Dis-je timidement.

Il se recule alors, se racle la gorge puis hoche la tête. J'ai l'impression que lui aussi a remarqué que nous étions très proche, que nos paroles et gestes sortaient de l'ordinaire. Mais je n'arrive pas à me contrôler. Je suis comme un aimant. Je ne peux pas m'éloigner. Je dois me rapprocher, encore et encore.

On finit par sortir du bureau pour se diriger vers celui du conseiller. L'émir ouvre la porte, me laisse entrer puis entre après moi.

- Tu as trouvés quelque chose ? Lui demande l'émir.

- Pour l'instant, non. Ça me prendra un peu de temps pour le localiser. Dit-il. Ce que je sais, c'est qu'il est aux alentours du Royaume de Sanaa.

Je me mets à sourire légèrement. Mon frère est en vie, et il est proche de nous.

- Je vais envoyer mes hommes le chercher dans cette région pour ne pas perdre de temps. Prévient l'émir.

Je hoche la tête puis il se met de côté pour faire quelques coup de fils. Je continue à regarder ce que fait Salih sans parler.

- Ne vous inquiétez pas, nous rerouverons le prince. M'assure Salih.

Je lui fais un signe de tête parce que j'ai espoir. Oui, on retrouvera mon frère. Cela ne peut pas se passer autrement.

- Vous savez... j'ai entendu certaines personnes au palais parler. Ils disent que vous changez l'émir. Me dit-il. Et je pense qu'ils ont raison.

Il me parle sans me regarder, restant concentré sur son ordinateur.

- Je ne l'ai pas changé... Dis-je en soupirant.

- Je connais l'émir depuis des années, il n'est plus le même. M'assure-t-il.

Je détourne le regard sans lui répondre. Qui suis-je pour le changer ? Non... ils doivent se tromper. L'émir a seulement dû s'habituer à vivre en paix avec les Hommes. Il ne vit plus dans les montagnes. Son environnement l'a changé. Pas moi... mais en même temps...

Enfin, non. Peu importe. Cela ne devrait pas me préoccuper tant.

- Princesse, allez vous reposer. Dès qu'il y aura une nouvelle, je vous préviendrais. Dit l'émir en s'approchant.

- Non, je veux rester avec vous. Dis-je. Je ne pourrais pas être tranquille sans avoir de nouvelles de mon frère.

Il soupire puis me regarde.

- ... Bien. Dit-il en soupirant. Mais vous allez faire tout ce que je vous dis. D'accord ?

Je hoche la tête. Je sais que ce qu'il veut dire est que je n'irais pas derrière lui quand il ira chercher mon frère. Même si j'en meurs d'envie, j'ai confiance en l'émir. Il amènera mon frère sain et sauf. Lorsque mon frère sera avec lui, nous n'aurons plus rien à craindre.

Je m'assois de côté, et inconsciemment, mon regard se tourne vers l'émir. Je ne sais pas, mais je ne me lasse pas de le regarder. En fait, cela me rend heureuse. Il a énormément d'impact sur moi, et il n'en est même pas conscient.

Je crois... je crois que je connais la réponse. Enfin. Je crois que je comprends ce qu'il m'arrive. Mais l'avouer ? Non. Non, c'est beaucoup trop tôt. Je le sais, mais je le nierais jusqu'au bout. Parce que c'est tout simplement impossible.

- Princesse... Entendis-je.

Je relève la tête. Sa voix m'a extirpée de mes pensées.

- J'ai parlé avec Salih, je vais partir. Me prévient l'émir. Comme ça, lorsque je recevrais une information je serais déjà sur place.

Je me relève alors.

- Puis-je venir avec vous ? Lui demandais-je.

Il pose ses mains sur mes bras puis me regarde dans les yeux.

- C'est beaucoup trop dangereux. Dit-il en grimaçant. Je ne veux pas qu'il vous arrive un quelconque mal, alors s'il vous plaît, n'insistez pas.

- Bien... je vous fais confiance. Lui dis-je doucement.

Il me regarde comme pour me demander si j'ai oublié la dernière fois que j'ai dis ces mots. Je soutiens son regard pour lui dire que oui, je pense ces mots et je les répéterai autant que possible, parce que ma confiance, il l'a pour toujours.