46.

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Je fais les cents pas dans la chambre de Manel. Ce qu'il s'est passé un peu plus tôt me perturbe toujours autant. Tout allait bien jusqu'à que j'amène le sujet de l'annexion...

- Tu connais mon frère, Hiyam. Dit Manel en soupirant. Il ne se contrôle pas quand quelque chose l'énerve.

Je m'arrête et me mets face à elle.

- Ce qui l'énerve est que je lui fasse confiance ! Dis-je avec incompréhension. Il ne veut pas que je lui fasse confiance, il veut être craint, il veut être seul.

Je soupire, puis m'assois.

- Mais... j'ai peur de lui et à la fois, je n'ai pas peur. Dis-je faiblement. Et ça, il ne le supporte pas. Il me traite comme s'il était un kidnappeur, et que j'avais le syndrome de Stockholm. Comme s'il ne concevait pas qu'une personne n'ayant pas le même sang que lui arrive à voir le bon en lui.

Manel prend mes mains dans les siennes puis me regarde dans les yeux.

- C'est exactement ça, Hiyam. Il ne peut pas concevoir qu'une autre personne que son sang puisse l'aimer. Me dit-elle. L'aimer, lui faire confiance, s'inquiéter pour lui, prendre soin de lui. Dans son monde, ça n'existe pas. Et... et tu bouleverses son monde. Tu remets en question tout ce en quoi il croit. C'est dur pour lui.

Je détourne le regard. La chose que je comprends le moins est : pourquoi je m'en préoccupe ? Il a un problème de confiance, il a un problème avec lui-même, et pourtant... cela me touche. Cela me touche plus que je ne le voudrais.

- ... Je ne veux pas changer sa vie, Manel. Je ne veux pas le changer. Dis-je en soupirant. Si je le change, cela voudra dire que... que je fais partie de sa vie. Et c'est impossible. Si tout est réellement comme tu le dis, si ma présence est ce qui le change, alors je veux qu'il reste éloigné de moi. Je vais bientôt partir, et il souffrira.

- Non... Peut-être que vous vous trouverez. Me dit-elle. Peut-être qu'à la fin, tu resteras et tu vivras l'histoire de tes parents avec Reza. S'il change, peut-être lui laisseras-tu une chance ?

Je secoue ma tête. Impossible. C'est impossible.

- Il n'y aura rien entre ton frère et moi, Manel. Dis-je, en étant sur la défensive. Je ne le déteste pas, mais je ne l'aime pas non plus. Par contre lui, me déteste. Je ne peux pas être avec un homme qui ne sait pas aimer.

Elle soupire avant de rouler des yeux. Ce qu'elle est en train de s'imaginer dans sa tête n'arrivera pas. Et finalement, peut-être que j'avais besoin de revoir l'émir dans son état de colère. J'en avais besoin pour reprendre mes esprits. Il faut que je me tienne éloignée de lui autant que possible.

- Mais Hiyam, une dernière chose... sache que le jour où mon frère te racontera son histoire, ce sera trop tard. Me prévient-elle. Il n'y aura plus de retour en arrière possible pour lui. Mais pour toi... ce sera à toi de décider.

REZA

Assis sur la chaise de mon bureau, je rejette ma tête vers l'arrière, le regard sur le plafond. Je me sens mal à cause de tout à l'heure, pourtant Reza ne se sent jamais mal. Non. Reza a un cœur en glace et ne ressent aucune émotion. La seule chose qu'il peut ressentir est la colère.

Reza est un être maudit depuis la naissance.

Alors que j'étais perdu dans mes pensées, la porte s'ouvre fortement. Je me relève pour voir mon conseiller, Salih. Il a l'air inquiet.

- Que se passe-t-il ? Lui demandais-je.

- Quelques pays ont décidés de vous juger, votre Majesté. Me répond-il. Ils arrivent avec leurs armées. Nos hommes aux frontières sont en train de les combattre.

Je serre les poings. Le moment que j'attendais est arrivé. J'ai pris le trône il y a presqu'un an, et ils l'ont toujours pas digéré.

- Fais appel à tout nos hommes. Lui ordonnais-je. Et que nos citoyens ne sortent pas de chez eux. C'est trop dangereux. Ils ne doivent pas s'approcher du palais.

- Ne vous inquiétez pas, cheikh Reza. Me dit Salih. Nous ne les laisserons pas vous approcher.

Je lui fais un signe de tête puis il s'en va. Je le savais. Je savais qu'ils voudront me faire payer mes actions. Ils m'enverront sûrement dans un pays qui pratique la peine de mort. Au mieux, j'aurais perpétuité et au pire, ils me tueront. Mais je ne me laisserais pas prendre sans une bataille.

Parce que Reza ne se rend pas.

Et je ne les laisserais pas me prendre. Je ferais tout pour les tuer. Tous. Jusqu'au dernier. Parce que si Reza s'en va... qui protégera Manel ? Qui protégera oncle Hamza ? Et qui protégera... la princesse Hiyam ? Ces gens sont liés à moi. Ils ont besoin de moi.

Mais toutes les possibilités sont à prendre en compte. La mort est possible au bout du tunnel. Ils essaieront de me faire peur avec elle mais ce qu'ils ne savent pas c'est que...

La mort libérera Reza.

Je sors de mon bureau et me dirige vers la chambre de ma sœur. Je ne peux pas prédire la fin de cette histoire, alors je dois me préparer à toutes possibilités. Et si c'est la dernière fois que je reste dans ce palais, alors soit. Mais je veux que mes derniers instants soient avec ma sœur.

J'ouvre la porte et tombe nez à nez avec la princesse. Je ne pensais pas qu'elle serait là. Je vois qu'elle évite de me regarder.

- Reza. Me dit Manel en me prenant dans ses bras.

Je la serre contre moi en gardant le regard fixe sur la princesse. Finalement, peut-être qu'elle se débarrassera de moi aujourd'hui. De moi et de mes crises de colère.

Je m'éloigne ensuite de Manel. Je ne veux pas l'inquiéter mais je finis par lui expliquer ce qui risque de se passer par la suite. Le regard inquiet de la princesse et les pleurs de ma soeur me font comprendre une chose.

Reza doit survivre.

L'émir Des TénèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant