IV - Bones

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   — Arrête de ruminer dans ton coin, j'entends tes insultes d'ici.

   Jace étend ses jambes sur le tableau de bord et attend que je lui réponde. Je grogne en lui coulant un regard. Quel gros con. Pas foutu de faire son travail correctement. Je jette un coup d'œil dans le rétroviseur, elle dort encore. Tant mieux parce que je serais tenté d'arrêter la voiture et de lui briser la nuque. Imaginez ma surprise quand j'ai compris que cette putain d'emmerdeuse était la putain de fille de Warren O'Neill.

   Et maintenant elle est dans mon coffre.

   — Aller quoi, Bones. On se calme, c'est une bonne chose en réalité.

   — Arrête de parler, Jace. Avant que tu n'aies plus de nez.

   Il rit à ma menace et je mime le geste pouvant le lui fracturer. Il se stoppe et s'éloigne.

   — Aucun second degré, incroyable ! souffle-t-il en levant les mains vers le ciel. Regarde. Admettons qu'elle soit réellement la fille de notre cher O'Neill. Si jamais il cherche à fuir après avoir eu écho de la mort d'Andrew, on peut faire pression pour qu'il récupère sa fille. Il ne partira jamais si on lui montre qu'elle est avec nous, contre son gré.

   Je l'ignore.

   — C'est du génie, mec ! Un peu comme dans les films et les séries criminelles, à défaut de demander une rançon, on le bute !

   — Ferme-là, Jace.

   — T'as aucun humour bordel, Bones.

   Je le fusille du regard et il renfrogne dans son coin en marmonnant dans sa barbe. Le plan n'était pas de me trimballer cette meuf dans mon coffre ou de demander une quelconque rançon. Je ne kidnappe pas les gens, je les achève. C'est tout. Ce n'est pas faute d'avoir essayé de m'acheter à plusieurs reprises afin d'enlever certaines personnes qui avaient des dettes ou à qui il fallait faire peur. Je n'aime pas ça. J'aime que mes missions soient brèves et qu'elles se terminent par ce pour quoi je suis doué. Une mort lente et douloureuse. Des os qui craquent sous ma poigne. Ma réputation me suit et je n'ai pas besoin de menacer Warren pour lui ôter la vie. Encore moins d'elle, elle ne me facilitera pas la tâche, j'en suis sûr. Surtout que je suis mitigé quant à sa relation père-fille. Petite fille à papa – qui n'en a absolument pas l'air. Père qui adore son enfant – mais qui n'hésite pas à la menacer.

   Je soupire malgré moi, Jace glousse en faisant semblant de regarder son portable, je lui balance un coup dans les côtes et il se plie en gémissant.

   — Putain, contrôle ta force, mec.

   — Tu t'en occupes.

   Je laisse la voiture en vrac devant la villa, lui pointe mon coffre et commence à monter les marches vers la porte d'entrée. Jace claque sa portière, je me tourne pour le trucider mentalement, elle sort de réparation, s'il écaille ne serait-ce qu'un millième de sa peinture, je vais le laisser dormir dehors. Il me fait un signe de la main pour m'apaiser et j'arque un sourcil. J'extirpe une cigarette de son paquet, la place entre mes lèvres, gratte mon briquet et je l'allume. La fumée s'échappe de mon nez quand il ouvre le coffre. Puis, tout s'enchaine. Il se penche pour la soulever, je tire une taffe au moment où je remarque une main empoignant l'arme bloquée entre le jean et le caleçon de Jace. Je recrache la fumée sur le côté afin de ne rien rater et il recule de quelques pas quand elle surgit hors du coffre, le Beretta pointé sur Jace. La tête de ce dernier est effarée, il me lance des regards pour que j'intervienne.

   Ça t'apprendra, mec.

   Je l'ai dit, je n'aime pas les enlèvements. D'un, parce que c'est chiant. Ça demande une surveillance continue, une équipe de confiance et qu'en dehors de Jace, je travaille en solo. De deux, parce que c'est comme à la roulette russe. On ne sait jamais comment la victime va réagir au réveil. De trois, parce que ça m'ennuie de les entendre pleurer pendant des jours et des jours.

   — À terre !

   Jace pouffe devant l'ordre de ladite Mercy, j'esquisse un sourire. S'il croit qu'elle n'ait pas capable de tirer, je pense au contraire que si. Depuis le début, elle me surprend.

   — Je n'aime pas me répéter, le prévient-elle en retirant le cran de sécurité.

   — Aller beauté, ce n'est pas un jouet avec lequel tu fais joujou...

   Le tire part et Jace se tend. Il a les yeux écarquillés et cette fois, il ne rit plus du tout. Il me regarde sur le côté, me fait les gros yeux. Son oreille saigne, la balle l'a effleuré et s'est retrouvée dans le buisson à quelques mètres derrière lui.

   — À terre ! répète-t-elle. La prochaine fois, c'est ton cœur que je viserai.

   Elle ne cille pas. Elle donne l'impression de maitriser la situation, comme si elle ne venait pas de se faire enlever. Jace grimace en obéissant à son ordre et son pied s'appuie fermement sur la main de mon ami. Il se retient de crier mais je vois à son expression que son talon est en train de s'enfoncer sur le dos de sa main. Mercy se tourne vers moi, les sourcils froncés. Elle a envie de me faire la peau, j'en rigole intérieurement. Je tire sur ma cigarette une dernière fois, évacue la fumée et la jette par terre.

   — Vous êtes con ou quoi ?

   Son ton est froid et tranchant, ce qui me fait sourire. Autant ça m'énerve qu'elle me tienne tête, autant j'aime ça. J'apprécie qu'elle n'ait pas peur de montrer les crocs, qu'elle garde la tête haute malgré tout. Elle pourrait avoir peur, supplier pour qu'on la libère, craindre que Jace ou moi lui fassions du mal. Pourtant, elle est comme une lionne en cage. Elle rugit et bondit sur sa proie. Elle n'a pas froid aux yeux et ne se contente pas d'attendre.

   Elle prend ce qu'elle peut prendre.

   En l'occurrence, l'arme de Jace.

   En partie, sa liberté.

   J'admire son courage et sa fougue. Le truc, c'est qu'elle ne me connait pas, ni mon nom ni mon métier. Elle ne sait pas ce dont je suis capable. Je ne sais pas si elle aura la même combativité dès lors qu'elle l'apprendra. En tout cas, elle ne risque pas de s'échapper. Elle peut braquer son arme sur Jace et moi, elle sera la première à plier.

   Parce que Bones ne baisse jamais le regard. Je ne montre aucune faille, elle peut me défier mais je gagnerais. C'est mon terrain. J'y suis installé depuis plus d'années qu'il n'en faut.

Stone ColdOù les histoires vivent. Découvrez maintenant