XXIV - Mercy

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   Mar est aux petits soins avec moi. Les premiers jours elle me rapportait tout dans la chambre, la nourriture, des infusions, des confiseries, le goûter. Puis j'ai décidé que j'en avais marre d'être cloitrée au lit, je vais bien. J'ai craqué, j'ai eu un moment de faiblesse mais ça va mieux. J'ai eu le temps de remettre les choses au clair dans mon esprit et j'ai repris du poil de la bête. Bones m'a quitté. Quand j'ai ouvert les yeux le lendemain de ma crise, il était parti. Sur le moment ça m'a légèrement dérangé puis je me suis souvenue qu'il n'était pas obligé de rester, que nous n'étions rien et que s'il m'a soutenu, je me suis calmée et que je n'avais plus besoin de lui.

   Je pense à eux de temps en temps. Encore plus jour où j'ai reçu une somme astronomique sur mon compte en banque avec un petit mot qui disait :

   Pour te récompenser, Beauté. PS : Kat n'arrête pas de parler de toi.

   Ça m'a fait sourire autant que j'ai regretté de ne pas être une personne à part entière dans leur quotidien.

   — Tu es sûre que tu vas bien ? Tu es ailleurs... Est-ce qu'on...

   J'attends la suite alors que son mouvement meurt et qu'elle me dévisage gravement.

   — On ne ta pas fait du mal ?

   — J'ai tué Warren.

   La bouche de Mar s'ouvre grandement sous le choc de l'annonce, je ne lui ai rien raconté, seulement rassurée que tout allait bien et qu'elle ne devait pas s'inquiéter. Elle plaque une main contre le trou béant et s'approche de moi à pas feutrés. Marta s'assoit près de moi sur le canapé et de sa main libre elle me caresse le bras.

   — Il est mort de ma main. Je ne l'ai pas lâché jusqu'à la dernière seconde, il doit être quelque part dans la Méditerranée à se désintégrer. Il remontera sûrement à la surface mais il n'y aura ni témoin ni preuve que c'était prémédité. Qu'est-ce que je pouvais faire d'autre ? Il a sauté, il voulait fuir, il ne voulait pas que je comprenne pourquoi il nous a fait ça... Il... il... je...

   La pression sur ma peau s'intensifie, mes yeux plongent dans ceux de Marta. Ils sont brillants et son menton tremble. Est-ce qu'elle est... triste ? Elle aussi, elle sent ce manque ? Aussi débile soit-il ? Comment peut-il me manquer ? Pourquoi cette relation père-fille dont j'ai constamment rêvé et qui n'est jamais arrivé m'étrangle douloureusement ?

   — C'est ce qu'il méritait ? (elle acquiesce) Oui, c'est ce qu'il méritait ! Je sais ! Je le sais et pourtant... As-tu réussi à le pardonner de t'avoir coupé la langue ? Est-ce que tu... l'appréciais ?

   — Il aurait pu me supplier, il n'aurait jamais eu mon pardon. Je lui en voudrais éternellement et j'espère qu'il a souffert...

   A-t-il souffert ? Oui, c'est certain. J'ai senti mes poumons se remplir d'eau quand je cherchais de l'air, ça m'a oppressé et c'était une sensation horrible. Je l'ai vu se débattre, tenter de s'extirper de ma prise, de remonter prendre sa respiration, se noyer et mourir. Ses traits étaient tirés d'une manière effrayante, relatant à quel point ses dernières secondes avaient été atroces.

   — ... Mar... Explique-moi pourquoi c'est si vide... pourquoi je ne suis pas comblée...

   Je désigne mon cœur et sa moue s'attendrit davantage, ses bras m'attrapent et m'enveloppent dans une étreinte forcée. Ma joue repose contre sa poitrine et les battements rapides de son cœur sonnent comme une douce mélodie à mes oreilles. Elle renifle et me caresse le dos maternellement. À quel moment ai-je arrêté de l'appeler maman ? S'est-elle sentie rejetée ? L'ai-je fait souffrir ? L'ai-je ignoré comme papa le faisait avec moi ?

Stone ColdOù les histoires vivent. Découvrez maintenant