XV - Bones

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   À partir de quel âge il sera assez grand ?

   Pour que tu l'aimes ?

   Plus on a d'attaches, plus on est blessé. Considère quelqu'un et le jour où on te l'arrache viens me raconter ta douleur. Aime autrui plus que tu ne t'aimes et tu es faible. Donne de l'amour et on te marcheras dessus. C'est la logique des choses. Quand on a des personnes à protéger, on est facilement atteignable. Moins on aime, plus on est impénétrable.

   J'ai perdu ma mère. Ça m'a détruit.

   Ceux que j'aime, je les compte sur les doigts de ma main. Jace, Kat et Aaron. J'ai beau ne pas aimer les petits monstres, il a mon sang, il est ma famille. S'il devait lui arriver quelque chose, je serais le premier à me sacrifier pour lui. La famille c'est à la vie, à la mort. Pour eux, je peux marcher sur des fournaises, gravir les monts les plus haut, sauter d'une falaise ou mourir. C'est tout ou rien avec moi. Après eux, il n'y aura personne. C'est juste eux et moi. Ma vie pour la leur. Je n'ai rien à perdre alors qu'ils ont tout. Une famille, des gens qui les aiment. Je n'ai qu'eux et des morts sur le dos.

   — Elle ne t'aimait pas, elle aime sa fille plus que toi. Sinon pourquoi serait-elle partie sans toi ?

   — C'est faux ! Elle a dit qu'elle m'aimait, elle a dit qu'elle reviendrait !

   — Et elle est où ? Hein ? Dis-moi où est-elle ?

   — Elle dort dans la cave...

   — Il n'y a que moi, Bones. Je suis le seul qui t'aime. Personne ne t'aimera comme je le fais, sans moi, tu n'es rien.

   — Je ne sais pas, ça ne se contrôle pas.

   Mercy ouvre grand les yeux, la rouille laisse place au cuivre et pétillent. Plus vivants que jamais. Je me recule instinctivement et elle murmure, pleine d'espoir :

   — Qu'est-ce qui ne se contrôle pas ?

   — ... L'amour, je grommèle à contre-cœur. Est-ce que j'aimerais Aaron dans dix ans ? Vingt-ans ? Maintenant ? C'est aléatoire.

   — Aléatoire ?

   Elle me gonfle. Pas envie de parler de sentiments, surtout pas d'amour. Si t'as des problèmes, consultes un psy, ne viens pas me faire chier.

   — On ne peut pas choisir ce qu'on ressent, je soupire, agacé, maintenant arrête de parler.

   — ... Ne lui fais pas de mal.

   Je hausse un sourcil, la regarde sur le côté et remarque l'air suppliant sur ses traits fins.

   — À qui ? Tu sais, c'est mon métier de faire du mal aux gens.

   — À Aaron... Ne lui fais pas de mal.

   — Jamais.

*

   — Je ne te le donnerais pas.

   — Mercy, passe-moi ce putain de téléphone.

   — J'ai dit « non » !

   — Bordel, t'es têtue ! Montre-moi où est ton père !

   — Il est en mouvement près de La Ciotat !

   — Mais où exactement ?!

   — Conduis et laisse-moi tranquille, merde !

   — Arrête de me donner des ordres !

Stone ColdOù les histoires vivent. Découvrez maintenant