Se reconstruire

Chapitre 7

S'il y avait une chose qui ne changeait pas, c'était que Harry avait tendance à ne jamais faire comme les autres. Aussi, non seulement il entraîna Hermione et Neville avec lui pour aller s'asseoir à la table des Serpentard, mais en plus, il prit place près de Drago Malefoy en personne et il lui tendit ostensiblement la main, signe de paix évident.
Bien évidemment, le jeune homme savait parfaitement que tous les yeux étaient fixés sur eux.
Ils se dévisagèrent longuement, dans un silence de mort, puis Drago eut un imperceptible sourire et serra la main tendue, une lueur de reconnaissance dans le regard. Harry lui adressa un clin d'œil complice, ce qui fit glousser Hermione.

La grande salle explosa alors en chuchotements, mais ils semblèrent s'en moquer, commençant à manger tranquillement. Au cours du repas, Harry discuta avec tous les Serpentard, les incluant naturellement dans la conversation, comme s'ils étaient amis depuis toujours. Il s'entendit immédiatement avec Blaise Zabini, et il ne montra pas la moindre gêne à être à la table d'une autre maison, face aux enfants des Mangemorts qui avaient essayé de le tuer.
Drago le regardait avec les sourcils froncés de temps en temps, sans pour autant sembler agacé de sa présence. Il s'interrogeait plutôt sur sa capacité à aller de l'avant, comme s'il craignait que le Sauveur du monde magique cesse soudain de s'intéresser aux Serpentard en se souvenant de leurs péchés. Pour sa part, il montrait à tous que la présence de son rival de toujours près de lui ne lui posait pas le moindre problème...

Jusqu'au retour de Harry, Hermione avait pensé que son mal-être venait du fait qu'elle était privée de ses deux meilleurs amis, les deux garçons avec qui elle avait grandi et qui avaient toujours été à ses côtés. Leur absence causait un vide immense et elle se surprenait souvent à les chercher du regard avant de se souvenir qu'ils n'étaient plus là.
Avec le retour de Harry, elle avait pensé qu'elle irait mieux, qu'elle se sentirait complète à nouveau et qu'elle regarderait vers l'avenir. Que même sans Ron, le vide serait moins insupportable.

Bien que Harry soit bel et bien présent à ses côtés, en bonne santé, détendu, sans la moindre ombre dans son regard vert, elle se sentait toujours aussi mal, un peu perdue. Elle avait l'impression d'être en décalage de la réalité, comme déphasée.
Parfois, le regard de Hermione se perdait dans le vague, et elle avait la sensation d'être dans un rêve. Comme si soudain la réalité devenait moins tangible, comme si elle pouvait se réveiller à n'importe quel instant pour se retrouver en plein milieu de l'horreur de la guerre, en danger, à se battre pour survivre. Comme si elle allait se retrouver dans la tente qu'ils avaient partagée dans leur fuite, alors qu'ils luttaient pour survivre.

Le soir même, lorsque Pattenrond apparut, fier, elle soupira de soulagement et le prit contre elle, possessivement. Elle sentit de nouveau ce parfum étranger, devenu habituel, et elle grogna agacée.

Elle voulait savoir. Elle avait besoin de savoir ce que faisait son chat lorsqu'il n'était pas avec elle, lorsqu'il disparaissait de longues heures. La curiosité la dévorait, au point où elle imaginait les pires scénarii... Elle craignait que son chat ait trouvé un autre maître, elle craignait de le perdre. Les paroles rassurantes de Neville étaient loin désormais, et elle ne tenait pas à confier ses craintes à Harry — ou à n'importe qui d'autre. Elle voulait juste des réponses.

Ce fut probablement pour calmer son imagination débordante qu'elle demanda à Harry la carte du Maraudeur. Elle aurait pu lui expliquer pour quelle raison, l'associer à sa recherche du mystérieux inconnu que Pattenrond visitait. Cependant, elle préférait découvrir seule à qui appartenait le parfum étranger sur son chat, ce parfum qu'elle avait appris à apprécier malgré elle. Elle ne voulait pas se ridiculiser avec une crise de jalousie stupide...

Le jeune homme lui adressa un sourire complice et lui donna le parchemin, lui intimant d'être prudente et de ne pas se faire prendre. En se souvenant de leurs aventures et du nombre de fois où ils avaient bravé le règlement, tous les trois, elle gloussa nerveusement.

Alors qu'elle caressait Pattenrond, les yeux fixés sur le parchemin pour l'instant vierge, Hermione se demandait si elle aurait le courage de suivre son chat. Ça lui semblait ridicule, soudain, d'imaginer que Pattenrond puisse avoir une double vie. Elle n'était pas certaine de vouloir se rendre ridicule à pister Pattenrond, qui devait simplement chasser dans le parc de l'école. Quant au parfum... qui pouvait savoir où il se glissait !

Pourtant, le lendemain, quand Pattenrond s'étira et sauta de son lit, Hermione fut assaillie d'incertitudes. Toutes ses peurs d'être seule de nouveau, sans son dernier point d'ancrage dans sa vie, la submergèrent. Alors, elle saisit la carte du Maraudeur et prononça la formule pour faire apparaître le plan de Poudlard.
En s'habillant rapidement d'un jogging et d'un tee-shirt trop grand, nouant grossièrement ses cheveux, elle gardait un œil sur la carte, surprise de voir Pattenrond se diriger tranquillement vers le troisième étage de l'école.
Il entra dans une pièce déserte et Hermione s'élança sans perdre de temps, décidée à voir ce que pouvait bien fabriquer son chat et pour quelle raison il avait été attiré dans cette pièce en particulier, vide de toute présence.

Alors qu'elle arrivait près de la pièce choisie par Pattenrond, elle se rendit compte que l'animal n'était plus seul sur la carte. Elle cligna des yeux en lisant le nom près de Pattenrond, incrédule.
Surprise, elle approcha de la porte entrouverte à pas de loup, voulant s'assurer de ses propres yeux que la carte du Maraudeur ne se trompait pas.

La jeune femme resta longuement devant l'entrebâillement de la porte, à regarder ce qui s'y passait, silencieuse.
La carte de Harry ne mentait pas. Pattenrond rejoignait Drago Malefoy, et il se comportait avec une familiarité lui révélant que ce n'était certainement pas la première fois.
Un Drago Malefoy qu'elle découvrait autrement. Bien loin d'afficher son air méprisant ou son visage lisse de toute émotion, il câlinait le chat et semblait totalement défait, presque désespéré.